Année 1923 - 3e numéro de la série
3è Conférence. - 12 janvier 1923
Comme il avait été annoncé, M. Bonpain, secrétaire
général de la Sous-Préfecture, a donné, vendredi dernier, à Montargis, dans
la salle Paul-Bert, à 20 heures et demie, une conrérence sur l'art héraldique
(les armoiries de Montargis et celles des seigneurs de Courtenay et de
Bellegarde, -Soisy ou Choisy-aux-Loges).
Cette conférence, la deuxième à laquelle nous convia la Société
d'émulation, dont chacun apprécie les efforts et l'activité, avait attiré
une assistance nombreuse et choisie. La présence de nombreuses dames nous
rappela qu'une femme de grand talent, - George Sand, croyons-nous, - avait
déclaré que le blason était une science charmante et que les personnes de son
sexe la pourraient cultiver avec succès. Les hommes avaient répondu à
l'aimable invitation de la Société d'émulation en plus grand nombre encore,
et nous avons remarqué, dans l'assistance, M. le Sous-Préfet, M. le
lieutenant-colonel Chofardet, M. le lieutenant-colonel Meurs, M. le Commandant
Corvest, M. le Commandant Babuty; MM. Le Roy, Barrier ; l'abbé Bourgerie,
curé-doyen ; le docteur Clergeau, Messieurs Cothereau, Vinot, Faure, Cohades,
Anceau, Lordonnois, Leroux, Marcel Ouachée ; M. Marcant, inspecteur primaire ;
Mlle Evelin, directrice de l'école de la rue Gambetta ; MM. Douzery,
sous-inspecteur, et Gély, receveur de l'Enregistrement ; Briais, receveur
municipal ; Midol, agent général de la Caisse d'épargne ; Voisin, professeur
au Collège ; Bourgoin, instituteur ; Tujas, receveur de l'Hospice ; Eyriès,
etc.
Pour aider à la clarté de son exposé et appuyer d'exemples sa conférence, M.
Bonpain avait épinglé au mur de la salle de nombreuses figures, coloriées
pour la plupart, et représentant les blasons dont il devait entretenir son
auditoire. Nous devons ajouter que ces armoiries, dessinées avec une maîtrise et une précision qui dénotent une science profonde de l'art héraldique, sont
l'œuvre du conférencier lui-même. Comme devait le faire remarquer M.
Pouillot, M. Bonpain joint à ses qualités d'érudit celles d’un artiste
accompli.
M. Pouillot, vice-président de la Société d'émulation, ouvrit la séance en
ces termes :
« Mesdames, Messieurs,
Le Président de notre Société, M. Ouachée, vient de nous informer que retenu
à la maison par une indisposition, que nous espérons être sans gravité, il
ne pourra assister à la conférence.
C'est à moi qu'échoit l'honneur de vous présenter le conférencier, M.
Bonpain ; je l'accepte avec plaisir.
Vous connaissez l'homme privé, aimable, serviable ; vous allez entendre le
savant, doublé d'un artiste délicat.
M. Bonpain va traiter un sujet intéressant : l'art héradique. Il vous en fera
connaître les origines, les caractères, les règles, ce qui l'amènera à
faire incursion dans l'histoire de notre vieille France. Il vous apprendra
ensuite à distinguer, à discuter une armoirie, et il arrètera, en particulier
votre attention sur les armoiries de Montargis et celles des seigneurs de
Courtenay et de Bellegarde.
Mais, je ne veux pas retarder plus longtemps le plaisir que vous allez avoir de
l'entendre. M, Bonpain, je vous donne la parole.»
La science héraldique
Nous n'entreprendrons pas ici de reproduire les termes de la
conférence de M. Bonpain. Nous déborderions bien vite le cadre de nos
colonnes. Encore qu'un résumé soit bien difficile, en cette matière, nous
allons cependant nous essayer à une brève analyse, nous réservant de nous
étendre un peu plus longuement sur la question des armoiries de Montargis, de
Courtenay et de Bellegarde, qui intéresse plus particulièrement nos lecteurs.
M. Bonpain se livre d'abord à une définition de l'art héraldique, qui est à
la fois une science et un art créés par les hérauts, et embrasse tout ce qui
concerne les armoiries. Les armoiries, elles-mêmes, sont des emblèmes
distinguant les familles, les personnalités civiles ou ecclésiastiques, les
titulaires de dignités, etc. Quelle que soit l'origine des armoiries, ce sont
les croisades qui en ont développé le goût.
Le conférencier fixe l'étymologie du terme blasonner et le définit ainsi : «
Blasonner, c'est lire une armoirie, en expliquer toutes les parties par leurs
termes propres et particuliers dans la langue héraldique ». M. Bonpain
explique le rôle des hérauts, leurs attributions et la souveraineté qu'ils
exerçaient dans le domaine des armoiries; il rappelle les édits royaux
réglementant les signes et ornements de l'écu, et retrace l'historique de la
forme de l'armorial. Les années 1790 et 1791 voient la proscription des titres
et armoiries en France ; Napoléon les fait revivre, mais sous une forme
nouvelle. La Restauration, ni Louis-Philippe ne devaient s'occuper des
armoiries. La Révolution de 1848 ne s'en occupa pas davantage et, actuellement,
le port et la possession des armoiries ne sont ni réglementés, ni contrôlés.
M. Bonpain décrit maintenant les armoiries, après en avoir opéré le
classement. Il explique les termes techniques et en fournit l'origine : «
gueules, azur, sinople, pourpre, sable, l'hermine, le vair, etc. T oute cette
terminologie intéresse vivement l'auditoire.
Le conférencier énumère les pièces du blason qui sont innombrables, se livre
à une mention spéciale de la fleur de lis, et explique la signification des
ornements de l'écu. Après une courte dissertation sur les devises qui se
placent au-dessous de l'écu, tandis que le cri d'armes se place au-dessus, M.
Bonpain demande une suspension de séance, et reprend ensuite sa conférence en
entamant le chapitre des armoiries municipales.
Et ici, nous cédons la parole au conférencier, nous bornant
seulement a élaguer de cette page d'érudition héraldique ce qui peut l'être,
sans nuire à la clarté de l'exposé :
Jusque vers la fin du XVè ou le commencement du XVIè siècle, les armoiries
municipales n'existaient pour ainsi dire pas, car peu de villes en possédaient.
Paris avait reçu de Philippe-Auguste les armoiries qu'elle porte aujourd'hui et
qui étaient la reproduction du sceau parisien. On sait encore qu'en 1304, les
armes d'Orléans étaient déjà composées des 3 coeurs de lis et d'un chef de
France ancien.
Mais à l'exemple des nobles et des communautés religieuses qui s'étaient
octroyés des armoiries dont la régularisation tendait à devenir obligatoire,
afin de parer à l'abus qui commençait à s'en faire, les villes et les
communes durent, elles aussi, soumettre au même contrôle les emblèmes qu’elles
avaient adoptés comme type de leurs sceaux et représentant un objet allusif,
soit au nom, soit à la production de la ville, ou rappelant le souvenir d'un
fait. C'est ainsi que Fécamp eut trois tentes ; Moulins, trois fers à moulins
; Tours, trois tours ; Pont-Saint-Esprit, un pont surmonté d'une colombe,
etc...
Les administrateurs de Montargis prirent-ils la lettre M comme emblème ? C'est
possible, mais toujours est-il qu'on ne trouve de trace officielle des armoiries
de Montargis que vers 1700.
Les lettres patentes du 25 novembre 1815 concédant des armoiries à Montargis
portent bien confirmation de celles que Charles VII aurait accordées à la
ville, mais nous n'avons pu, jusqu'à présent, découvrir la preuve d’une
concession du XVè siècle, permettant de déterminer l'origine précise de
l'écu montargois.
Le seul document que nous connaissions et ayant quelque rapport avec l'armoirie
est la charte donnée à Jargeau en mai 1430, par Charles VII et ordonnant que
« d'oresnavant à tousiours mais perpétuellement, nostre-dite ville de
Montargis soit nommée et appelée Montargis-le-Franc, et qu’à cette cause,
iceux supplians, et leursdits hoirs et successeurs qui y demeureront et chacun
d'eux, puissent et leur plaise si bon leur semble, chacun sa faculté et
puissance, porter en devise en tous temps cette lettre M couronnée, en brodeure,
orpheverie, ou autrement, ainsi qu'il leur plaira ».
Doit-on voir, dans le choix de l'initiale M couronnée une simple faveur royale
en souvenir de la défense de Montargis contre les Anglais ou une manifestation
de l'innocente manie qu'avait Charles VII, paraît-il, de faire des calembours
et des rébus ? La plus ancienne description connue des armes de Montargis est
celle donnée par Dom Morin : « Une M couronnée et trois fleurons de lys
escartellez avec des lacs hors l'escusson où il y a d'une part une L et de
l'autre une F, pour faire le Franc ». Mais aucune précision sur la forme de la
couronne.
(Ces armes sont reproduites à l'église, dans le petit vitrail sous le
clocher.)
Lors de la démolition de la porte du Pont de Loing, en 1805, on trouva un jeton
représentant, au revers, un écu à trois fleurs de lys et aux trois lettres M
(non couronnée) L F, entouré de deux palmes et timbré de la couronne royale
fermée. Devise : Sustinet Labentem ; millésime 1661.
Nous devons remarquer qu'à cette époque la couronne murale ne timbrait pas
encore les armoiries des villes, car de tout temps elle était destinée à
récompenser le guerrier monté le premier sur les remparts d'une ville conquise
; c'est seulement le premier Empire qui l'adopta pour distinguer les villes de
premier et de second ordre.
L'avers et le revers de ce jeton sont reproduits sur la première page du
Bulletin de l'Emulation de 1854 et au verso des coupures de carton émises à
Montargis en 1870-71 pour parer à la pénurie de monnaie.
La clé du cintre de la porte du Pont du Loing portait, avec le millésime 1587,
les mémes armes, reproduites également sur une médaille découverte sous
d'autres pierres, mais où le millésime était remplacé par : « Carolus VII
».
L'adjonction des lettres L. F. « hors l'escusson » - pour parler comme Dom
Morin - est sans aucun doute consécutive à la charte de Charles VII qualifiant
Montargis de « Le Franc » ; ces deux initiales sont un simple accessoire de l'armoirie
et peuvent être assimilées aux tenants étaux supports ou encore aux attributs
qui, sous la royauté, distinguaient les différentes charges ou dignités.
Par un édit de novembre 1696, Louis XIV décida la confection d'un armorial
général où seraient enregistrées « les armoiries des personnes, domaines,
compagnies, corps et communautés ».
C'était surtout une mesure fiscale. Les armes qui avaient été accordées à
Montargis ou que la ville s'était attribuées furent certainement soumises à
cet enregistrement, puisque l'armonial général les décrit ainsi (d'après le
traité de Blason de Bouton) « d'azur à un M couronné d'or (couronne ducale
fleurdelysée), accompagnée de trois fleurs de lis d'or, deux en chef et
l'autre en pointe ».
II n'y est nullement question des lettres L. F. (Le Franc), les concessions ou
enregisrements d'armoiries, ne s'étant pas préoccupés des ornements
extérieurs.
La couronne des enfants de France ne comportait que des fleurs de lys. Les
villes de Saint-Étienne et de Saint-Maixent portent la couronne royale fermée,
adoptée par Charles VIII en 1495, puis par Francois 1er et tous ses successeurs
; c’est la couronne des armoiries actuelles de Montargis.
Napoléon 1er, en créant une noblesse nouvelle, modifia les armoiries
existantes, souvent au point de les rendre méconnaissables.
Par ordonnance du 26 septembre 1814. Louis XVIII autorisa les villes et communes
à reprendre les anciennes armoiries qu'elles tenaient de ses prédécesseurs et
que l'Empire avait défigurées ou remplacées.
Par lettre parente du 25 novembre 1915, il arrêta :
« En conséquence, 1e sieur Aubépin, maire de la viile de Montargis,
département du Loiret, autorisé à cet effet par délibération du Conseil
municipal du huit février mil huit cent quinze, s'est retiré par devant notre
Garde des Sceaux, Ministre-Secrétaire d'Etat au département de 1a Justice,
lequel a fait vérifier, en sa présence, par notre Commission du Sceau, que le
Conseil municipal de ladite ville de Montargis a émis le voeu d'obtenir de
notre grâce des Lettres Patentes portant confirmation des armoiries suivantes :
« D'azur, à la lettre M, couronnée d'or l'écu semé de fleurs de lis du
« méme » ; lesquelles armoiries lui avaient été accordées pair le roi
Charles VII, notre illustre prédécesseur. Et, sur la présentation qui nous à
été faite de l'avis de notre Commission du Sceau et les conclusions de notre
Commission faisant près d'elle fonctions de ministère public, nous avons, par
ces présentes, signées de notre main, autorisé et autorisons la ville de
Montargis à porter les armoiries ci-dessus énoncées, telles qu'elles sont
figurées et coloriées aux présentes. »
Quoi qu'il en soit, que les armes de Montargis décrites par l'auteur de
l'Histoire du Gâtinais aient été l'objet d'une concession royale, ou qu'elles
soient nées de la Charte de 1430 puis consacrées par l'usage, elles ne
comportaient certainement, à l'origine, que les trois fleurs de lys
accompagnant l'M couronnée, attendu que jusqu'en 1376, les armes de France
étaient d'azur semé de lis sans nombre, que Charles V réduisit à trois « en
l'honneur de la Sainte Trinité ».
L'écu aux trois lettres M. L. F. ne peut donc être considéré que comme
étant de pure fantaisie ; il donne raison à M. Dupuis, d'Orléans, qui, en
1860, écrivait à M. Guignebert, Maire de Montargis : « Il a plutôt l’air
d'une marque de fabrique que d'un blazon ».
Malheureusement, ces armes sont trop répandues : elles sont sculptées à la
Sous-préfecture, à l'hôtel de ville et dans le fronton de l'hôtel des
postes, peintes dans la salle du conseil municipal et dans les vitraux
surmontant les deux portes du transept de l'église, au théâtre, elles sont
appliquées sur le lambrequin des deux loges officielles et ont été encore
plus inexactement reproduites sur le fanion offert au 82è régiment ; dans
certains de ces écus, les fleurs de lis du chef n'occupent pas la place que les
règles héraldiques leur assignent.
Par contre, les armes dues à la Restauration figurent dans deux vitraux de
l'abside de l'église de Montargis.
Pour conclure, rangeons-nous à l'avis de M. Dupuis : « tenons-nous en à
l'M seule, couronnée sur un champ fleurdelysé », armes plus héraldiques, et
abandonnons complètement cet écu-rébus, dont l'intérêt historique est à
peu près nul et qui, comme la plupart des armes parlantes est plutôt de
mauvais goût.
Armoiries de quelques-uns des Seigneurs de Courtenay
La terre de Courtenay a d'abord appartenu à la Famille de
Courtenay, issue de Fromont, comte de Sens, qui, vers 910, fit construire un
château sur le mont de l'Ouanne, appartenant à l'abbaye de Ferrières ; son
fils Renard 1er, comte de Sens, dit le Vieux-Renard, transforma ce
chàteau en forteresse, en 961, et lui donna son nom, ainsi qu'à la ville :
Châteaurenard.
Athon 1er, petit-fils du précédent, fortifia le chàteau de Courtenay, qu'il
légua, avec le nom de Courtenay, à ses deux fils, d'où sortit la grande
famiIle de Courtenay.
Ceci dit, voici les armoiries des Courtenay :
Armoiries plaines de Courtenay, portées par Pierre de France, 7e et dernier
fils de Louis-le-Gros après son mariage avec Elisabeth, fille et héritière de
Renaud, seigneur de Courtenay, la famille ayant manqué d'héritiers mâles à
la 4è génération.
De Pierre de France descendent 4 empereurs de Constantinople : Pierre II, son
fils aîné ; Robert 1er, 3è fils du second mariage de Pierre II ;
Baudouin II, frère du précédent ; Philippe 1er, fils de Baudouin
II.
De Robert, Guillaume et Jean, trois des fils de Pierre de France sont issues les
trois branches des seigueurs de Champignelles, de Tanlay et d'Yerre. Les deux
premières ont brisé les armes plaines d'un lambel à 5 pendants d'azur ; la
branche de Tanlay a brisé d'un lamhel semblable, mais de sable.
Guillaume 1er, seigneur de Courtenay et de Champignelles, 6e fils du chef de la
maison de Champignelles, reprend les armes plaines des Courtenay.
Les seigneurs de la Ferté-Loupière, dont le chef est Philippe, 2è fils de
Jean 1er, seigneur de Champignelles, lui-même fils de Guillaume 1er, ont brisé
d'un lambel à 4 pendants d'azur.
Les seigneurs de Bléneau, issus de Jean Ier , 2° fils de Pierre II, portent
les armes plaines de Courtenay.
De cette branche sont issus : les derniers seigneurs de La Ferté-Loupière,
dont la tige est Pierre 1er, et la branche d'Arrablay, dont le chef
est son frère Charles, tous deux fils de Jean 1er, seigneur de Bléneau. Les
premiers ont brisé d'un lambel d'azur à 3 pendants et les seconds ont brisé
d'un croissant d'azur en abyme.
Des derniers seigneurs de La ferté-Loupière sont issus les seigneurs de
Chevillon et ceux de Bontin. Les premiers ont surbrisé d'un croissant de
gueules en coeur les armes des La Ferté-Loupière.
En outre, Jean II, Louis 1er, Louis Charles et Charles Roger, en se donnant le
titre de Prince de Courtenay, prirent pour armes : Ecartelé de France moderne
à la bordure engrêlée de gueules, et de 1a Ferté-Loupière.
Les seigneurs de Bontin ont brisé les armes plaines d'un croissant de gueules
et surbrisé d'une bordure composée d'argent et de gueules de 28 pièces.
Enfin, les seigneurs de Bondoufle brisèrent ainsi les armes de Courtenay...
(On retrouve toujours l'or du champ des armes pleines et les 3 tourteaux de
gueules.)
La famille de Courtenay, dont les seigneurs de Chevillon furent les derniers
survivants, s'est éteinte en 1730. Il existe une branche cadette en Angleterre.
M. Bonpain cite les noms de quelques uns des possesseurs de la terre de
Courtenay.
Soisy, Choisy-aux-Loges-Bellegarde
Le nom primitif de Bellegarde est Soisy, qui, au XVIe
siècle, se transforma en Choisy-aux-Loges. C'est le 5 août 1645 que
Choisy-aux-Loges prend le nom de Bellegarde, par suite de l'acquisition du
marquisat de Choisy par Roger de St-Zary, duc de Bellegarde.
Le premier seigneur de Soisy est Philippe, 1311.
En 1353, c'est Anseau-le-Bouteiller, de Senlis, escuyer, seigneur d'Orceville-en-Gastinois
et châtelain de Choisy, valet tranchant de Philippe VI de Valois.
Nicolas Braque, épouse en 1353 la fille du précèdent et devient ainsi
châtelain de Choisy.
Deux branches de la famille de l'Hospital : l'Hospital Choisy et l'Hospital
Vitry, de 1396 à 1645 (rien de commun avec le chancelier).
De 1645 à 1646, Roger de St-Zary, duc de Bellegarde.
De 1646 à 1757 : Aman de Pardaillan Montespan, neveu du précédent ;
Louis-Henri de Gondrin, marquis de Montespan; Louis-Antoine de Pardaillan de
Gondrin, duc d'Antin, fils du précédent; Louis-Antoine de Gondrin, duc d'Epernon,
Antin II ; Louis de Gondrin, Antin III.
1757-1776 : Gauthier de Bésigny, seigneur de Ladon, marquis de Bellegarde,
président à mortier an Parlement de Paris.
1776-1793 : Gilbert des Voisins, marquis de Bellegarde, président à mortier au
Parlement de Paris, guillotiné le 25 brumaire an II.
M. Bonpain est arrivé au terme de sa conférence, et il remercie son auditoire
de l'attention soutenue avec laquelle il a suivi son exposé et s'excuse de
l'avoir retenue si longtemps.
Des applaudissements unanimes prouvent aussitôt au conférencier qu'il a su
captiver l'intérèt de l'assistance, et M. Pouillot confirme cette impression
en s'exprimant ainsi:
« Mon cher confrère,
L'attention soutenue qu'a prétée à vos paroles votre nombreux auditoire, vous
est une preuve que votre remarquable conférence l'a non seulement intéressé,
mais instruit. Il n'en pouvait être autrement d'une conférence si documentée,
si savamment ordonnée, présentée avec autant de clarté, malgré l'aridité
du sujet, et illustrée d'une collection si complète d'enluminés si
délicatement exécutés par vous. Je suis certain d'être votre interprète,
Mesdames et Messieurs, en adressant mes vives félicitations à notre
conférencier.
Je manquerais à mon devoir, Mesdames et Messieurs, si, en terminant, je ne vous
adressais mes remerciements convaincus pour l'intérêt que vous témoignez à
la Société d'émulation, en assistant si nombreux à nos conférences ; ce
nous est un encouragement à persévérer et dans l'organisation de nos
conférences et dans la mise en lumière des parties encore obscures de notre
histoire locale et de celle de la région qui nous entoure. Nous marchons
lentement dans cette voie, parce que, ainsi que vient de vous le faire constater
M. Bonpain, à propos de l'étude et de la discussion des armoiries de
Montargis, avant d'affirmer, il faut rapprocher, contrôler, confronter et les
discuter, 1es documeuts un peu épars qu'il nous est donné de recueillir. »
La séance est levée sur les applaudissements qui accueillent ces paroles.
4è Conférence. - 2 Février 1923
RENÉE DE FRANCE DUCHESSE DE FERRARE, DAME DE MONTARGIS
La Société d'émulation de Montargis a donné, vendredi, sa
quatrième conférence publique. Et, cette fois, la salle Paul-Bert s'est
révélée tout juste suffisante pour contenir les nombreux auditeurs.
Nous avons reconnu : M. le Sous-Préfet, MM. Ouachée, Pouillot, les colonels
Chofardet et Meurs, les commandants Babuty et Corvest, MM. Barrier, Bonpain, Le
Roy, Pétré, Voisin, Briais, Anceau, Plessier, Dupin, Moussoir, Desvaux de Lyf,
Faure, Mestier, Gély, Saligot, Lafarge, Cohades, Marcant, inspecteur primaire,
l'abbé Lane, Mme Dumont, de nombreux membres du personnel enseignant, de
nombreuses dames.
M. Ouachée ouvre la séance et présente M. Nouguier, membre de la Société
d'émulation et membre de la Société historique et archéologique du
Gâtinais.
M. Nouguier prend aussitôt la parole. Nous ne pouvons, en ce cadre étroit, que
donner un résumé succinct de sa belle conférence. Nous soulignerons cependant
l'intérêt que les auditeurs attachèrent à son brillant exposé et le parfait
talent de diction du conférencier.
La Société d'émulation, dit M. Nouguier, a bien voulu faire appel à mes
faibles lumières pour vous parler de Renée de France. Je tiens tout d'abord à
réclamer votre indulgence en faveur d'un conférencier débutant.
Beaucoup d'entre vous, épris du passé de leur ville, connaissent déjà bien
des traits de la vie de cette princesse, et je ne me flatte pas d'en avoir
découvert beaucoup d'inédits. J'ai essayé seulement de les rassembler pour
vous les présenter ce soir en un récit pour lequel je fais appel à votre
patience.
Renée de France, seconde fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, naquit à
Blois le 25 Octobre 1510.
Merveilleusement douée, l'éducation très sérieuse qu'elle reçut développa
encore les facultés de son esprit naturel. Elle apprit, dès l'enfance, le
grec, le latin, l'histoire, la philosophie, les mathématiques et même
l'astrologie, cette prétendue science à laquelle on croyait beaucoup à cette
époque. Il y a plus, elle étudia la théologie, que remuait alors toutes les
intelligences. On croit que son précepteur fut Geoffroi Cartes, président au
Parlement de Grenoble en 1505. Il est probable que la société de Marguerite de
Navarre, soeur du roi François ler, avec laquelle elle vécut dans une grande
amitié ,jusqu'à son mariage, ne dut pas seulement développer ses goûts
littéraires. Elle y puisa aussi des idées de libre examen qui, encouragées
plus tard par Calvin, firent de cette princesse une des plus ardentes disciples
de la Réforme.
Elle aimait volontiers, parait-il, à disserter sur toutes sortes de sujets et
sa conversation était pleine de charme. Les traits de son visage, très
expressifs, étaient assez délicats. Elle avait le front élevé, de grands
yeux intelligents, doux et rèveurs, la bouche fine relevée aux coins, des
cheveux blonds. L'ensemble du visage était correct et calme. Le nez seul, assez
accentué, faisait disparate.
La réunion de toutes ses nobles qualités, rehaussées encore par l'éclat de
la naissance, fait comprendre que la main de Renée dut être le but de bien des
ambitions. Elle fut successivement recherchée par Charles d'Autriche (depuis
CharlesQuint), par le roi d'Angleterre Henri VIII, par Joachim, marquis de
Brandebourd.
Mais ces projets d'union, dictés par la politique, furent rompus par François
1er, à qui ses intérèts et ceux de la France, défendaient de
marier la soeur de Claude, sa femme, à un prince assez puissant pour faire
valoir, à l'occasion, les droits de la seconde fille d'Anne de Bretagne sur
l'héritage de sa mère. Le roi finit par unir sa belle-soeur à un petit prince
italien, Hercule d'Este, duc de Ferrare. Ce mariage eut lieu en 1528.
Le conférencier donne d'abondants renseignements sur la vie de la nouvelle
duchesse de Ferrare et rapidement il en arrive aux premiers désaccords qui
naquirent entre les époux. Renée de France ouvre son palais à des Français
que les persécutions religieuses avaient forcés de s’exiler ; elle montre
des sentiments favorables à une réforme de l'Eglise. Elle accueille Clément
Marot ; Calvin lui-même, sous le nom de Charles d'Espeville, reçoit asile en
son palais. Il eut, avec la princesse, de longues conversations à la suite
desquelles l'esprit enthousiaste et hardi de la duchesse se pénétra des
nouvelles doctrines, Ils entretient dès lors avec elle un commerce épistolaire
suivi.
Les difficultés entre époux se font dès lors plus vives. La Cour de France
doit intervenir.
C'est vers l559, après la mort d'Hercule d'Este, que Renée de France vint se
fixer à Montargis, où elle resta jusqu'à sa mort.
De son mariage, elle avait eu 5 enfants Alphonse, duc de Ferrare après son
père ; Louis, cardinal d'Este ; Anne, femme du duc François de Guise et en
secondes noces du duc de Nemours ; Lucrèce, mariée an duc d'Urbin ; Leonor,
morte fille...
Aux termes de son contrat de mariage, la duchesse avait reçu, en dot et comme
compensation de ses droits, une somme de 250.000 écus d'or, garantie, en cas de
non paiement, par les duchés de Chartres, Gisors et Vernon. Mais comme le
revenu de ces domaines était insuffisant, le roi lui donna la seigneurie et
forêt de Montargis...
Renée de France est installée à Montargis. Protestante ardente, sa qualité
de fille de France la conduisit à jouer un rôle important, quoique de second
plan, dans les affaires du parti. Les historiens ont laissé la relation de deux
séditions survenues en 1561. La première naquit du trouble apporté aux
exercices religieux des catholiques par les protestants, qui voulaient, sous
l'autorité de Renée, établir un prêche dans l'église de Montargis. La
seconde fut causée par le dessein sacrilège qu'eut la duchesse de prendre de
vive force le cimetière de la ville pour le transformer en jardin et le joindre
à son château...
L'époque était troublée. Après divers massacres, les protestants du
Gâtinais, effrayés, se réfugièrent à Montargis, qui leur apparut comme un
asile où ils seraient en sùreté. On arriva ainsi aux premiers jours de mai
1562. Les catholiques s'arment et établissent une garde autour de l'église. La
mesure irrite la duchesse qui, le 9 mai, fait défendre de continuer la garde.
Le peuple répond en attaquant dans leur demeure quelques partisans de la
religion réformée. La duchesse demande des troupes à Orléans. On lui envoie
5 à 600 hommes des compagnies de l'amiral de Chàtillon et de Briquemault,
conduits par les capitaines Pate et Pouargye, qui entrèrent dans la ville par
le chàteau. lis pénétrèrent dans les églises, notamment dans celle de la
Madeleine, où ils rompirent les cloches et une partie des vitraux ; ils
déchirèrent ou emportèrent les titres, papiers et livres de l'Eglise et aussi
ceux de la Ville, dont une partie fut brûlée. C'étaient les plus anciens
titres de la Ville...
Le conférencier suit, année par année, les événements de cette époque,
indique les rares déplacements de la duchesse, qui notamment se trouvait à
Paris le jour du massacre de la Saint-Barthélemy, où elle sauva la vie de
Pierre Merlin, chapelain de l'amiral de Coligny. Le cœur brisé, elle revint à
Montargis, oû elle continua à faire célébrer publiquement le culte
protestant.
Elle mourut le 12 juin 1575. Sa dépouille mortelle fut déposée dans l'église
du chàteau de Montargis, mais jusqu'ici il a été impossible de retrouver la
dalle qui recouvre sa tombe.
M. Nouguier, après quelques secondes de repos, traite alors de la deuxième
partie de sa conférence et fait connaitre, autant qu'il est possible de le
faire, l'administration générale de Montargis à cette époque. Les comptes de
la duchesse de Ferrare ne brillèrent pas toujours par la clarté ; elle semble
avoir réuni, de façon peut-ètre peu régulière, l'administration de la Ville
à celle du domaine féodal, mais tous les écrivains et les catholiques
eux-mémes ont reconnu qu'elle aima grandement la ville, qu'elle procura son
accroissement et la fit paver en toutes ses rues. Elle se montra encore
charitable envers les habitants, « les sollicitant et assistant de ses biens en
leurs maladies, comme elle fit en la personne d'un pauvre pasticier, lequel
étant affligé d'une pierre, elle en eut pitié et la fit tailler par maître
Jean Collot, qu'elle fit venir exprès de Paris ».
Elle appliqua d'autre part tous ses soins à rendre la ville neutre entre
catholiques et protestants. Elle nourrit de nombreux réfugiés ; elle contribua
même au bàtiment paroissial de Sainte-Marie-Madeleine. On lui attribue
également la fondation du Collège. Il semble que ceci ne soit pas très exact.
Elle répara et agrandit le château et fit également terminer la maison de
ville, dont le premier étage constituait le Palais de Justice et se trouvait
dans la rue de l'Ancien-Palais. Elle s'intéressa à l'Hôtel-Dieu, auquel elle
légua par testament 500 livres tournois.
M. Nouguier termine en donnant certains détails sur le personnel qui
constituait la maison de la princesse et indique par quelles mains passa la
terre de Montargis, avant d'être vendue au roi Louis XIII.
Il remercia ensuite ses auditeurs de la bienveillance avec laquelle ils avaient
écouté ce brillant exposé.
M. Ouachée remercia et le conférencier et les auditeurs, que chaque
conférence voit accourir plus nombreux. Il exprima en quelques mots la
reconnaissance des membres de la Société, qui voient apprécier leurs efforts.
La prochaine conférence sera faite par M. Louis Lesueur, sous-préfet de
Montargis, président d'honneur de la Société, sur : Mme Guyon, sa vie et son
rôle dans l'affaire du quiétisme. Cette conférence sera donnée le 2 mars.
24è Séance. - 15 Février 1923
ET PREMIERE ASSEMBLÉE GENERALE
Jeudi, 15 février 1923, la société a tenu sa séance
ordinaire en la salle de la Bibliothèque municipale, sous la présidence de M.
J. Ouachée. Etaient présents : MM. l'abbé Lane, Pouillot, Barrier, Bonpain,
Blanche, Gourdin, Voisin, Moussoir, Delaporte, Pétré et Le Roy. S'était
excusé M. Ch. Nouguier.
M. Pétré donne la description d’un jeton de Renée de France se trouvant an
musée de Montargis. C'est un jeton de cuivre présentant à l'avers : un écu
couronné parti de France et de Ferrare, avec la légende : Renée D. Fran.
Douai. Dfe Duch. de Chres. (Renée de France, Douairière de Ferrare, Duchesse
de Chartres.) Au revers : R. fleuronné et couronné sur un champ semé
d'hermine et de fleurs de lis, avec la légende : Comtesse. D. Gisors. Et. Dame
d. Montargis.
A remarquer la beauté du grand R. qui rappelle les jolies lettres de la
Renaissance Italienne du XVIè s.
Il existe d'ailleurs plusieurs variétés de ce jeton.
M. Pétré présente encore un petit poids monétaire en cuivre trouvé à
Montargis, qu'il décrit ainsi :
Poids francais du XVIIè s. au Dénéral ; portant dans le champ de l'avers :
Pistole d'Italie X D VIII g (10 deniers 8 grains), au dessous une fleur de lis.
Au revers : croix Fleuronnée).
Il est donné ensuite connaissance d'une lettre non signée, qui ne retient pas
l'attention. Ce n'est que la copie d'un petit livre bien connu et qui d'ailleurs
donne une bonne traduction d'un vieux poème par Adolphe d'Avril.
Puis M. Gourdin fait une communication fort intéressante sur la légende du
Chien de Montargis, qui est annexée, an présent procès-verbal.
« Messieurs,
Dans votre séance du 6 avril 1922, M. Barrier faisait une très intéressante
communication sur la légende du Chien de Montargis, d'après un ouvrage de Marc
Vulson de la Colonibière, qu'il opposait à la version que Montaigne a mis en
note manuscrite sur un exemplaire de son édition de 1588 qui existe à la
bibliothèque de Bordeaux ; et le compte rendu de la séance ajoute : il reste
à aborder la troisième version, celle de Guessard, exposée dans la préface
de son édition du vieux roman de gestes Macaire.
« Macaire, chanson de geste, publiée d'après le manuscrit de Venise, par M.
Guessard, est un grand roman du Moyen-Age, dont l'original est perdu ; on en
possède le manuscrit italianisé découvert à Venise (en 1866) et une version
en prose trouvée plus récemment à la bibliothèque de l'Arsenal.
« La Chanson de Macaire a d'abord été composée en vers de dix syllabes, puis
refaite en vers de douze syllabes, avec un grand développement, dont on ignore
l'auteur, bien qu'elle ait eu un grand retentissement en France et à
l'étranger.
« On en trouve le récit dans une chronique du XIIIè siècle, écrite en 1241
et qui, elle-même, l'attribue au VIIIè siècle, en 740. L'auteur de cette
chronique est Albéric, religieux de l'abbaye des Trois-Fontaines de l'ordre de
Cîteaux, écrivain très estimé.
« Dans la première partie de son onvrage, Albéric ne mentionne qu'un fragment
du travail qu'il avait en entre les mains, qu'il dit inventé par des Conteurs
français et dont le texte complet a été retrouvé par M. Guessard, à Venise.
" Voici le résumé aussi succinct que possible de ce roman.
« Charlemagne, revenu en France après les guerres d'Espagne, avait oublié
Roncevaux et la mort de Roland. Il avait admis à sa Cour et jusque dans son
intiunité un chevalier de la race de Mayence, un parent du traitre Ganelon,
Macaire.
« Macaire ose lever les yeux sur l'épouse de son maitre, la belle et vertueuse
Blanchefleur, la fille de César de Constantinople. La reine repousse ses
avances de différentes manières. Macaire, irrité, entreprend de lutter contre
la résistance de la vertueuse Blanchefleur et trouve le moyen de se servir
contre elle du nain favori de Charlemagne.
« Macaire est puni de l'injure qu'il réussit à faire à la Reine ; elle le
chàtie de telle sorte qu'il est obligé de garder la chambre pendant huit
jours.
« Macaire veut se venger de la Reine et, dans cette entreprise, le nain
continue à lui servir d'auxiliaire, il a été chàtié aussi et la vengeance
de Macaire se confond avec la sienne. Le misérable se cache donc le soir dans
la chambre dit roi, derrière la porte ; Charlemagne a l'habitude de se lever de
bonne heure afin d'aller à matines ; aussitôt qu'il est levé, le nain se
glisse dans la couchette de la Reine, à la place même que venait de quitter le
Roi. C'est là que Charlemagne doit le retrouver à son retour ; le nain n'a
rien à redouter, si on l'interroge, il dira qu'il a obéi aux injonctions de la
Reine, et puis Macaire lui a promis son assistance.
« Charlemagne revient de matines : à son entrée dans la chambre de la Reine,
il découvre des vêtements sur un banc et aperçoit dans le lit de Blanchefleur,
la grosse tète du nain. Il sort de la chambre en proie à une socle de délire
furieux. Dans la grande salle du Palais où il se rend, il trouve Macaire en
compagnie de plusieurs chevaliers déjà levés à cette heure matinale. II veut
rendre ces fidèles serviteurs témoins de sa honte et les conduit dans la
chambre de la Reine, toujours endormie en compagnie du nain qui ronfle à côté
d'elle. Macaire est chargé d'interroger le nain, qui récite la leçon que
Macaire lui-mème lui a apprise.
« Blanchefleur s'éveille pendant l'interrogatoire, et son embarras est tel
qu'elle ne trouve pas nu mot pour se défendre. Ce que Macaire avait prévu se
réalise !
Charlemagne fait le serment solennel de faire monter la Reine sur le bùcher.
Mais Charlemagne aime tant la Reine qu'il ne demanderait pas mieux que d'avoir
un prétexte pour l'épargner. Macaire et les chevaliers qu'il a sous son
influence s'opposent comme ils le peuvent à ce désir du prince. Cependant,
celui-ci se résigne en dernier lieu à faire exécuter la sentence qu'il a
prononcée, car le serment de Charlemagne est une sentence. Le bûcher est
allumé. Au moment d'y monter, Blanchelleur demande un confesseur. L'abbé de
Saint-Denis est chargé de remplir cet office. La Reine se confesse ; sa
confession persuade l'abbé de Saint-Denis de son innocence ; il exhorte
Charlemagne à lui épargner le bûcher, d'ailleurs elle est enceinte.
la Roi, sur le conseil du duc de Naimes, dans lequel il a une entière
confiance, fait grace de la vie à Blanchefleur, mais la condamne au
bannissement. Un jeune damoiseau du nom d'Aubry, est chargé de la conduire dans
son pays natal. Aubry part avec la Reine, qu'accompagnent tous les regrets, y
compris ceux du Roi. Macaire n'est pas content de voir l'affaire tourner de
cette manière et complota une nouvelle vengeance. Il poursuit la Reine pendant
son voyage, attaque Aubry qui refuse de livrer celle qu'on lui avait confiée,
et tue le fidèle gardien de la princesse. Durant le combat, la Reine s'était
échappée ; ne pouvant la retrouver, Macaire revient à Paris. Mais Aubry avait
un levrier qui lui était fort attaché et qui ne le quittait point. Le chien
dévoué reste trois jours près du cadavre de son maître, puis, vaincu par la
faim, se décide à revenir à Paris. Il arrive au palais du Roi au moment où
les barons sont à table, voit Macaire et saute sur lui ; après quoi il prend
du pain sur la table et retourne auprès du corps d'Aubry. L’agression dont
Macaire avait été l'objet, parut singulière ; on se demanda si Aubry avait
déjà accompli sa mission, car on avait reconnu son chien et on savait qu'il ne
quittait pas son maitre. Le chien revint à la même heure, mais cette fois il
trouva les gens de Macaire préparés à le recevoir ; Macaire ne fut pas mordu,
et le fidèle levrier retourne de nouveau près du cadavre de son maître. Le
Roi et ses barons se promettent de suivre le chien la première fois qu'il
reviendrait. II revient effectivement, et on découvrit le crime dont Aubry
avait été victime. Macaire, accusé de l'avoir assassiné, nie le fait et
offre de prouver son innocence par les armes. Personne n'ose accepter le défi,
car Macaire est un rude chevalier, et fort bien appareillé. Le duc de Naimes
propose, en désespoir de cause, de mettre aux prises l'accusateur et l'accusé,
c'est-dire Macaire et le chien d'Aubry. Macaire, vaincu dans ce duel, est
attaché et promené à la queue d'un cheval, puis brûlé vif.
« Cependant, Blanchelleur s'était égarée dans la forèt. Elle fit la
rencontre d'un bûcheron qui s'offrit de l'accompagner jusqu'à Constantinople.
Mais la grossesse avancée de la Reine ne lui permit pas d'aller plus loin que
la Hongrie, où elle accoucha d'un fils dans une auberge.
« Varocher le Bûcheron passait pour le mari de Blanchefleur, et il ne tint à
rien que le fils de Charlemagne n'eut un cabaretier pour parrain. Heureusement,
le roi de Hongrie, se rendant dans un Moutier, découvrit l'aventure et tint
l'enfant sur les fonts. Il reconnut la haute origine du nouveau-né à une croix
blanche qu'il portait sur l'épaule droite.
« Le roi de Hongrie informa l'empereur de Constantinople du sort de sa fille,
qu'il hébergea d'ailleurs loyalement ; le César byzantin reprit sa fille et se
disposa à se venger de Charlemagne ; le repentir, les excuses de ce dernier, le
supplice de Macaire ne parvinrent point à le fléchir.
« La guerre éclata ; l'empereur de Constantinople arrive sous les murs de
Paris à la tête de 50.000 hommes. Charlemagne sort au devant de lui avec son
armée ; on en vint aux prises. Après maints combats, on prend des deux côtés
la résolution d'en finir par un duel entre les deux vaillants chevaliers de
chaque armée. Varocher est choisi par l'empereur de Constantinople, et Ogier le
Danois par Charlemagne. On se bat à outrance. Ogier surpris de la vaillance de
son adversaire, interrompt le combat pour lui demander son nom ; Ogier s'avoue
vaincu, va demander la paix et revient au camp avec un enfant blond qui dit au
Roi ; « Père, je suis votre fils, et si vous en doutez, vouez la croix blanche
que je porte sur l'épaule ». La paix est bientôt faite, et les deux époux
rentrent ensemble dans Paris où on célèbre des fêtes magnifiques. Varocher,
comblé de faveurs, est institué champion en titre d'office a la Cour de
Charlemagne ; il remplace sa chaumière de bûcheron par un château, donne des
habits de soie à sa femme et promet à ses fils qu'ils seront un jour
chevaliers.
« C'est, vous le voyez, l'histoire à peu prés textuelle du Chien de Montargis
: or, comme je le disais tout à l'heure, on retrouve la trace de cette histoire
dans une chronique de 740, bien antérieure à la date de 1371 à laquelle on
place dans la première hypothèse le combat du Chien Montargis. Il semble donc
bien peu vraisemblable que le fait se soit passé à Montargis, ainsi que le
raconte Montaigne.
« Comme le dit dans une notice M. l'abbé Desnoyers, ancien conservateur du
musée historique d'Orléans : « de la présence dans la salle royale de
Montargis de Macaire et de son chien, à placer dans les livres la croyance que
le fait ait eu lieu à Montargis, il n'y a qu'un pas, et il fut franchi parce
qu'il devait l'ètre ».
Dans la communication faite dans votre séance du 11 janvier dernier par M.
Nouguier : Description du château de Montargis par un voyageur qui le visita au
XVIIe siècle, n'est-il pas dit que la peinture du château de Morntargis
représentant le combat de Macaire et du Chien portait d'un côté le portrait
de Charlemagne et de l'autre celui de Charles V ? Cela ne semblerait-il pas
indiquer que sous l'un de ces rois eut lieu l'événement, et que ce fut l'autre
qui fit exécuter la peinture, car sans cela leur rapprochement ne se comprend
guère! Je livre cette hypothèse à votre appréciation ; mais je crois pour
conclure, qu'il faut reléguer dans le domaine de la légende la gracieuse
histoire du pauvre Chien de Montargis ».
Cette séance ordinaire avait été précédée par l'assemblée générale
statutaire de la Société qui a un caractère d'ordre intérieur. Après une
charmante allocution de M. Ouachée, président, M. Barrier, trésorier, a reçu
quitus pour la bonne tenue de ses comptes, qui se soldent par un excédent de
200 francs environ. Enfin, sur la proposition du bureau, les articles 3, 9 et 13
sont modifiés en vue de l'admission de membres honoraires dont les
souscriptions permettront à la Société d'étendre son action.
Puis, le secrétaire a présenté le résumé suivant des travaux de la
Société
RAPPORT MORAL DE L'ANNEE 1922
Notre Société, je me plais à le répéter, qui est due à
l'initiative de M. l'abbé V. Lane, notre dévoué 1er
Vice-Président, secondé tout d'abord par notre sympathique Président, M. J.
Ouachée, a pris aussitôt un développement beaucoup plus considérable que
nous n'étions en droit de le souhaiter.
Montargis, siège d'un château royal, situé si heureusement sur le grand
chemin qui traverse la France du sud au nord, et plus tard sur la grande voie
d'eau qui a la même orientation, a vu de siècle en siècle s'accroître son
importance. Des juridictions de toute nature y ont été établies ; c’était
la capitale du Gâtinais. Et lors de la division de la France en départements,
Montargis a été sur le point de devenir un chef-lieu.
C'est à ce titre que, comme du reste cela a été fait dans toutes nos petites
capitales provinciales, une élite d'amis des vieux souvenirs, devait se grouper
pour rechercher, conserver, expliquer, coordonner les monuments, les vieilles
chroniques, les légendes et tous les documents historiques capables non
seulement de satisfaire une curiosité, certes bien permise, mais aussi de
retrouver dans le passé l'explication du temps présent. On a dit avec raison :
« Le passé est un éternel présent ». Tout se tient en effet. Les actions
des hommes d'hier - bonnes au mauvaises - sont les causes inéluctables des
actions des hommes d'aujourd'hui et de demain.
En 1854, sous l'empire de préoccupations qui ont été les nôtres en décembre
1921, les premiers magistrats de Montargis, MM. de Girardot, sous-préfet,
docteur Ballot, maire, docteur Ch. Huette, fondèrent cette société d'histoire
locale, qui reçut le nom de Société d'Emulation de Montargis.
Après avoir réussi à fonder la Bibliothèque, le Musée et ce bel immeuble
où nous sommes réunis, leur zèle fut malheureusement interrompu par les
évènements de 1870 et aussi par la mort de chacun des promoteurs de l'oeuvre.
Notre mérite est d'avoir su comprendre l'utilité d'une telle association.
Voici donc la première année d'exercice écoulée, qu'avons-nous fait ?
Sommes-nous compris, approuvés par nos compatriotes ? Oui, certes.
Nous avons avec une louable exactitude assisté à nos réunions ordinaires dès
le 3è jeudi de chaque mois presque sans interruption.
Je compte 23 séances, celle-ci est la 24è.
Nous avons pu organiser quatre conférences, deux ou trois autres sont
annoncées, qui réunissent un auditoire nombreux.
Les journaux hebdomadaires de la localité reproduisent nos comptes-rendus. La
presse quotidienne d'Orléans et régionale même, recherche nos communiqués.
Et le public est enchanté, il s'intéresse à nos discussions, à nos
trouvailles, à nos travaux et, satisfaction très agréable, il nous le dit
très volontiers, et même il s'y associé par des dons, des indications, des
demandes de renseignements.
Je connais un ecclésiastique, qui, du reste, est des nôtres, qui reprend et
développe nos comptes-rendus et instruit ainsi un aimable groupe bénévole
d'une dizaine de grands jeunes gens, qui font même d'agréables randonnées
archéologiques. Pourvu que nos vieilles jambes puissent suivre cette alerte
avant-garde !
Une de nos premières préoccupations a été d'assurer la conservation de la
sépulture du poète Al. Levain, qui, secrétaire de l'ancienne Société
d'Émulation, publia tant d'instructives chroniques historiques dans les
journaux d'alors.
L'administration municipale a dans cette circonstance accueillit notre requête
avec la plus grande bienveillance.
Remercions-là aussi des missions diverses qu'elle a bien voulu nous confier et
d'avoir bien voulu comme conséquence naturelle permettre nos réunions dans les
anciens locaux occupés par nos prédécesseurs. Ce qui donne en quelque sorte
un caractère officiel à notre groupement.
Puis, dès la deuxième séance nous avons recherché les origines de notre
ville, et M. Barrier a repris les recherches de la ville antique des Clausiers,
qui plus tard ont fait l'objet d'une conférence très complète et documentée,
qui a assuré le succès des conférences ultérieures.
Une collection de monnaies anciennes confiée par M. le Maire a été classée.
M. Bonpain a ouvert une discussion sur les armoiries de la Ville, qui aussi a
fait plus tard l'objet d'une conférence savante et très goûtée.
Une commission a visité l'emplacement de l'ancien Donjon du Château et fait
rapport sur les fouilles entreprises, sans hélas rien retrouver ni de l'oppidum
celtique, ni des ruines Romaines, ni de la Tour de Clovis qui se sont succédés
sur ce sommet historique, mais ne désespérons pas.
Enfin, dès la 4è réunion, nous nous sommes attaqués à
l'inévitable légende du Chien de Montargis. Et nous avons mis au jour la
curieuse note manuscrite que Michel Montaigne a transcrite sur l'exemplaire de
1588 de ses Essais. On sait que Montaigne fit un voyage en 1581, qui lui permit
de visiter Montargis et son célèbre Château. Cette version est différente de
toutes les autres.
Une commission fit ensuite un rapport très complet sur les deux enceintes de la
Ville et sur les anciennes portes aujourd'hui disparues. Ce travail fut transmis
au Comité d'initiative, qui en apprécia tout le mérite.
Un vieux souvenir de la révolution de 1848 a retenu aussi notre attention. Je
veux parler de l'envahissement de l'Assemblée nationale par le fameux Pompier
de Montargis, qui fut bel et bien traduit en Haute-Cour.
Un Erudit, M. F. Gibert, venu consulter nos archives s'agrégea à notre groupe
et traita dans la lere conférence organisée par Société du célèbre marin
Latouche-Tréville, dont nous aurons à redire aussi le rôle, à Montargis, au
moment de la convocation des États généraux de 1789.
Nous nous sommes ensuite préoccupés vivement de retrouver l'ex-voto offert par
la ViIle de Montargis en 1431 en vue de la délivrance de Jeanne d'Arc
prisonnière. La question a reçu quelques précisions. Espérons qu'une
solution interviendra.
Puis, c'est encore la légende du Chien de Montargis qui revient avec la version
de Vulson de la Colombière et qui reviendra encore avec le préface destructive
de nôtre chère légende par M. Guessard en tête de sa réédition du poème
Macaire.
On s'est préoccupé de la conservation des exemplaires des collections de
journaux locaux, qui offrent une mine de documents.
A une autre séance, il fut question des sépultures célèbres du Couvent
Saint-Dominique retrouvées en 1895, lors du lotissement de cet enclos
historique.
Puis M. Barrier fit une importante communication sur la trouvaille, faite par
son service des Ponts et Chaussées en 1899, des monnaies Gauloises à la
bifurcation des 2 chemins celtiques au pied de la colline du Chàteau.
A cette mème séance on se préoccupe de ramener à Montargis une statue
équestre de Jeanne-d'Arc, qui se trouve déposée au musée de Cluny, après
avoir été longtemps portée eu procession par les fidèles montargois.
On traita aussi de la question des livres imprimés à Montargis et des
imprimeurs successifs établis à Montargis.
Vers le mois de Mai 1922, la Société sentant ses forces s'accroitre pensa à
organiser une exposition rétrospective. On en reconnut la possibilité. Il sera
sans doute donné suite à ce projet au cours de cette année 1923. Ce sera une
nouvelle manifestation de notre activité.
La Société a reçu pour le musée un don magnifique d'une valeur de plusieurs
milliers de francs, de Mlle R. Magniez, don que le maire et le Conseil municipal
ont accepté avec reconnaissance.
Quelques visites des collections du musée ont été commencées et ont offert
un grand intérèt. Elles seront reprises bientôt en vue d'en établir un
catalogue raisonné et explicatif.
II a été aussi satisfait à une demande par M. le Maire d'un projet
d'inscription pour le monument commémoratif de 1427 élevé Place de la
République.
On a pu aussi répondre à une demande de documents sur Jean l'Aveugle comte de
Luxembourg inhumé au couvent Saint-Dominique.
Puis on décide d'organiser des conférences publiques et gratuites sur des
sujets d'histoire locale et on arrête un programme qui est l'occassion pour la
Société d'une nouvelle notoriété grâce a ses savants et érudits membres.
En rappelant le souvenir de l'auteur dramatique Picard, neveux de l'ancien maire
docteur Gastellier, une amusante communication est faite sur l'étymologie
Montargoise des mots "Rifflard " et " Guéridon ".
M. le docteur Clergeau consacra deux séances à la description du tympan de la
porte de l'Eglise de Cortrat et obtient le classement au nombre des monuments
historiques de cette oeuvre remarquable du IXè siècle.
Il met aussi la société au courant de sa découverte d'une grotte funéraire
préhistorique, non loin de l'Eglise d'Orveau sur le territoire de
l'arrondissement de Pithiviers, limitrophe de notre arrondissement.
Au jour anniversaire de la restauration de la Société d'Emulation un repas
amical qui a laissé à tous le plus agréable souvenir a eu lieu le 14
Décembre 1922. Ca été l'occasion d'entrer en relation avec notre savant
compatriote M. le chanoine Chenesseau, docteur ès-lettres, titulaire du grand
prix d'histoire (de 10.000 fr.) que l'académie Francaise lui a attribué sur la
fondation Broquette-Gonin, pour son grand ouvrage sur Sainte-Croix d'Orléans.
Nous aurons prochainement le plaisir d'entendre M. Chenesseau sur un sujet
d'histoire locale, a propos du passage de Saint-Frrançois de Sales à Montargis
en 1618.
M. Gourdin propose une étymologie du mot Montargis, M. Barrier en propose une
autre, M Le Roy une troisième, ce qui annonce un grand combat final sur ce
passionnant sujet dans un avenir non éloigné.
Une communication rappelle les divers passages de Napoléon à Montargis.
Une demande de renseignements est adressée par un artiste parisien sur notre
célèbre compatriote Girodet. Tout un dossier lui a été fourni. Enfin dans
les dernières réunions M. Ch. Nouguier commuique une description fort
intéressante du Château de Montargis au XVIIè siècle et M. Le Roy rappelle
le passage de Saint-Francois de Salle à Montargis et ses relations d'étroite
amitié avec le gouverneur de la ville et chàteau, Deshayes de Cormenin.
Enfin, deux sujets de premier ordre l'un Renée de France, Dame de Montargis, a
été traité avec beaucoup de talent, à notre récente conférence, par notre
honoré collègue, M. Ch. Nouguier. L'autre sur Madame Guyon, que veut bien
traiter notre très érudit président d'honneur, M. Lesueur, sous-préfet, fera
l'objet de la prochaine conférence attendue comme une véritable fête
littéraire.
Voilà Messieurs, résumé rapidement l'ensemble des questions abordées au
cours de nos agréables entretiens. J'ai entendu dire, hors d'ici, avec une
pointe de mauvaise humeur tout à fait injustifiée, en parlant de la longue
suite des sujets traités : tout a une fin. C'est une expression malheureuse et
qui a été écrite par une plume étrangère. Non, les sujets sont
innombrables, et pas à pas, chacun de vous saura les traiter pour le profit de
notre histoire locale, si riche, si abondante en monuments, en évènements et
aussi en hommes remarquables.
La séance est levée à 18 h. 30. Prochaine réunion le 1er mars, à 17 heures.
25è séance. - ler Mars 1924
Jeudi ler mars 1923, la Société a tenu sa séance ordinaire
en la salle de la Bibliothèque municipale, sous la présidence de M. J.
Ouachée. Etaient présents : MM. G. Barrier, D. Bonpain, chanoine H. Corcuff,
J. Pouillot, abbé V. Lane, Ch. Delaporte, Voisin, P. Moussoir, Mazet et H. Le
Roy. S'étaient excusés : MM Coffre et Ch. Nouguier.
Sur la présentation de M M. l'abbé Lane et J. Ouachée, M. l'abbé Bouard,
curé de Châtillon -Coligny, est admis comme membre titulaire.
M. Mazet dépose sur le bureau les deux volumes in-4° du manuscrit du
Commentaire de la Coutume de Montargis-Lorris, par L'Hoste. M. Mazet est
vivement remercié de ce don, qui augmentera la collection juridique de la
Bibliothèque municipale.
La note que l'Écho de Paris a publiée au sujet de la discussion de la
Société d'émulation sur l'étymologie du mot Montargis, nous a valu une très
aimable communication de M. le commandant Lalance, membre de diverses sociétés
savantes a Nancy. En voici le résumé :
« La racine première est Arg =blanc, mot imposé par les premiers immigrants
dans la région qui allait se nommer la Gaule. Ils le donnèrent à certains
accidents topographiques : Arga (rivière d'Espagne), Argonne (chaine de
collines). Il passa à des noms d'agglomérations : Argentoratum (nom qui a
été supplanté par Strasbourg) ; Argenton-sur-Creuse (l'Argentomagus de la
conquête romaine). II s'étendit à toute une vaste étendue de terrain : le
comté d'Argyll (Écosse) et détermina une nature du sol : Argile.
« Dans Montargis, le terme Arg, d'origine celtique, ou tout an moins employé
par les Celtes, a été latinisé : Argi, Argis, Argisé, Argisium par les
scribes dans la rédaction des chartes latines. Dès que l'on rédigea en langue
parlée, on n'écrivit plus que Argis, auquel est venu se joindre le mot Mont,
rappelant une hauteur voisine.
« Il s'en suit que Montargis signifierait Mont Blanc ou Mont Argileux. De fait,
Montargis se trouve dans le crétacé supérieur à sa limite avec le tertiaire
où le sol doit être de nature argileuse, d'un ton voisin du blanc. »
On reprendra, à la prochaine séance, une discussion plus approfondie de cette
question, qui suscita tant d'opinions diverses.
M. Ch. Delaporte, à ce propos, cite de bien curieuses déformations de noms
propres.
De son côté, M. Barrier rappelle qu'on ne s'est pas encore mis d'accord sur
l'orthographe de la rue de la Tour-du-Sault. On pu lire une plaque ainsi
libellée à une extrémité de la rue et Tour-du-Sceau à l'autre. Certains ont
insinué que, émule de Gaillardin, Dussault avait donné sonsang et son nom
pour la défense de cette tour. Un dernier opinant rappelle qu'il y avait là un
saule ou saulx en vieux français, d’où Tour-du-Saulx, et puis un
avant-dernier fit remarquer que l'enceinte fait à cet endroit un retour ou un
ressaut en ce point exact, d'où tour du ressaut.
M. Le Roy se propose d'apporter l'opinion d'Adrien de Valois et celle de Moreau
de Jonnès.
Il est décidé que les cartes des membres de la Société porteront au recto :
l'M couronné, avec la devise Sustinet labentem et la date mémorable de 1427 ;
au verso, un extrait de la Charte de 1430 rappellera la glorieuse concession de
Charles VII.
On décide aussi, à l'occasion de la conférence de M. Lesueur, de publier la
première carte postale de la collection de la Société d'émulation: le
portrait de Madame Guyon, donné au Musée de Montargis (1837) par l'ancien
procureur impérial Déry, allié à la famille Guyon.
Une communication de M. le Maire de Saint-Maurice-sur-Aveyron fait connaitre que
le Conseil municipal a décidé de conserver les deux pierres provenant des
démolitions de l'église. On se rappelle que la Société avait sollicité leur
dépôt au Musée de Montargis.
La séance est levée à 19 heures. La prochaine réunion aura lieu le 15 mars.
A propos de l'origine du mot « Montargis », qui avait fait
l'objet d'une communication à la Société d'émulation de Montargis, l'Echo de
Paris a reçu de M. Paul Marichal, membre du Comité des travaux historiques et
scientifiques et conservateur adjoint aux Archives nationales, la note
suivante :
« Permettez-moi de m'étonner que les personnes qui pensent que l'étymologie
du nom de Montargis est encore à trouver, n'aient pas songé à faire état de
l'opinion, pourtant autorisée en la matière, du regretté Auguste Longnon.
« Qu'on veuille bien se reporter a la page 260 (n° 1.100 de son ouvrage
posthume Les Noms de lieu de la France, en cours de publication à la librairie
Edouard Champion ; ce qu'il pensait à ce sujet est exprimé en moins d'une
ligne ; mais il n'était pas besoin d'en dire plus long, alors que « Montargis
» appartient à la catégorie fort nombreuse des noms de lieu composés de deux
éléments, dont l'un est le nom commun, « mont », et l'autre, un nom propre
de personne. Dans l'espèce, celui-ci est «Artgisus », l'un des nombreux noms
d'homme d'origine franque qui présentent la désinence « gisus » : nom qui
entre aussi dans la composition du nom d'Hargicourt, porté par deux communes,
appartenant l'une à l'Aisne et l'autre à la Somme ».
5è Conférence. - 2 mars 1923
Mme GUYON, SA VIE ET SON RÔLE DANS L'AFFAIRE DU QUIÉTISME
La Société d'émulation de Montargis a donné, vendredi
dernier, 2 mars, à 20 heures et demie, sa quatrième conférence d'hiver, dans
la grande salle de la rue Périer.
Toutes les notabilités montargoises se pressaient à cette réunion. Nous avons
reconnu, au premier rang des auditeurs MM. Baudin, conseiller général et maire
de Montargis ; Fouquin, deuxième adjoint ; de nombreux conseillers municipaux ;
le lieutenant-colonel Meurs ; les commandants Corvest, Cajon et Droit ; Mes Rat,
Damar et Cohades, avoués ; les docteurs Pophillat et Desvaux de Lyf ; le
docteur Clergeau, de Varennes; M. Charles Nouguier ; M. l'abbé Bourgerie, curé
doyen ; le chanoine Corcuff ; M. Delattre, ingénieur des Ponts et Chaussées,
MM Moussoir, Cothereau, Plessier, Delage, Belguise, Briais ; Me Delaporte,
notaire ; les membres du bureau de la Société, de nombreuses dames, etc.
Au dehors, la pluie qui tombe à verse, n'a pas retardé nos concitoyens qui se
pressent à ce régal littéraire ; dès huit heures et quart, il ne reste plus
aucune place disponible dans la vaste salle.
A 8 heures et demie précises, M. Ouachée invite M. le Sous-Préfet à prendre
place. Et le silence s'établit aussitôt.
« La conférence sur Mme Guyon, dit M. Ouachée, va être faite par M. Louis
Lesueur, sous-préfet, président d'honneur de notre société. Permettez-moi,
Mesdames et Messieurs, de vous rappeler que la Société d'Emulation a été
fondée par un sous-préfet de Montargis, M. le baron de Girardot. Elle vécut
quelques années au cours desquelles furent accomplies de belles œuvres, puis
elle fut délaissée,
« Dès que se forma le projet d'une reconstitution, M. Lesueur, reprenant la
tradition, vint à nous. Il s'employa à seconder nos efforts ; il nous apporta
son bienveillant concours. Nous l'en remercions aujourd'hui bien sincèrement et
d'autant plus que, ne se bornant point à un appui officiel, il s'est montré
pour nous un collaborateur dévoué. II nous apporte aujourd'hui le fruit de
longues études, de recherches patientes, d'un travail délicat ayant trait aux
plus curieux points de notre histoire locale. Je suis heureux de trouver devant
lui cet auditoire nombreux, un auditoire qui saura l'apprécier et, déjà,
s'apprête à l'applaudir.
« Monsieur le Sous-Préfet, je vous donne la parole ».
La Conférence
Ainsi qu'on vient de vous le rappeler, dit en débutant M.
Lesueur, il y a environ trois quarts de siècle que M. le Baron de Girardot,
sous-préfet de Montargis, l'un de mes prédécesseurs, fondait ici, avec
quelques amateurs d'archéologie, la société d'Emulatlon qui, disparue au bout
de quelques années, fut ressuscitée en 1921. Vous connaissez les auteurs de
cette résurrection. Votre affluence ici et votre assiduité aux conférences
qu'ils organisent sont la récompense que mérite leur initiative ; elles
encouragent leurs efforts.
Je suis particulièrement heureux de le leur dire, devant vous, avec cette sorte
d'autorité morale qu'ils m'ont conférée en m'offrant l'une des présidences
d'honneur de leur groupement.
Or, ce titre qu'une aimable tradition nous attribue ainsi fréquemment d'office,
aussi bien que l'exemple de mon distingué prédécesseur, M. de Girardot,
fondateur du musée de Montargis, m'ont paru entraîner certaines obligations
dont je me croirai moins chargé demain, si je réussis ce soir à vous
intéresser. (Vifs applaudissements).
Le sujet que j'ai l'honneur de traiter devant vous est le suivant : Une
Montargoise célèbre du XVIIè siècle, la mystique Mme Guyon, sa vie, son
rôle dans l'affaire du Quiétisme.
La place qui nous est réservée ici ne nous permet point de suivre M. Lesueur
en tous ses développements. Son admirable conférence prendrait le journal
entier, et force nous est de ne présenter à nos lecteurs qu'un résumé rapide
des principaux traits se rattachant directement à notre histoire locale.
Pour bien faire comprendre la vie et le rôle de Mme Guyon, M. le Sous-Préfet
invite tout d'abord ses auditeurs à se reporter à l'époque où les
événements ont eu lieu, à bien se pénétrer des moeurs, habitude et
mentalité du XVIIè siècle. Et il brosse, à ce sujet, un véritable tableau
de maître. Ayant ainsi dépeint l'atmosphère, il présente les personnages qui
vont jouer dans la vie de son héroïne, un rôle de premier plan : Louis XIV,
Mme de Maintenon, Fénelon et Bossuet.
Et voici l'héroïne : Mme Guyon est issue de la famille de la Motte, originaire
de la Motte-Vergonville, à deux kilomètres de Beaune-la-Rolande. Son frère,
Claude Bouvier de La Motte, est procureur du roi au bailliage et siège
présidial de Montargis. La mère de Mme Guyon est Jeanne Le Maistre de la
Maisonfort.
La famille de la Motte habite Montargis une maison sise 28, Grande-Rue de loing.
Cette maison a été vendue le 5 avril 1791 à M. de Vaublanc et par suite de
divers partages et successions, elle échut à une demoiselle de Vaublanc,
mariée à un Bouvier de la Motte, comte de Cepoy. Cette maison appartient
aujourd'hui à Mme de Cepoy. Ainsi qu'une inscription le rappelle, le Pape Pie
VII y a couché en 1804, quand il est venu sacrer Napoléon 1er.
C'est dans cet immeuble que, un mois trop tôt, par suite d'une frayeur de sa
mère, nait, le 13 avril 1648, Jeanne-Marie Bouvier de la Motte. Pendant
plusieurs jours, cette frêle enfant est entre la vie et la mort, tant sa
constitution est délicate.
A 2 ans, M. de la Motte met sa fille au couvent des Ursulines, situé à
l'endroit occupé par l'hôpital actuel. De 2 à 11 ans, Jeanne passera par les
divers convents de la ville : Ursulines, Bénédictines, Dominicaines. C'est M.
de la Motte qui décidera de tous ces changements, car Mme de la Motte n'aime
pas les filles...
(à suivre)
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