Le troisième numéro
du bulletin de la Texte intégral
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1854 |
BULLETINS
DE LA SOCIÉTÉ
D'ÉMULATION
N°III
BILLETS
DE CONFIANCE DE MONTARGIS.
Par
le
Baron de GIRARDOT, sous-préfet.
Au
commencement de la Révolution, dès que la crainte eut fait disparaître les
espèces métalliques, l'Assemblée Constituante n'ayant pas osé faire
descendre l'échelle des assignats jusqu'aux petites valeurs, les départements,
les municipalités, des sociétés et même des particuliers émirent de la
monnaie de papier pour remplacer la menue monnaie d'argent et de cuivre. C'était
ce qu'on appelait des billets de confiance. Ces billets, imprimés souvent sur
de vieilles cartes, par économie, faisaient à peu près l'office que
remplissent aujourd'hui les billets de banque.
Le
8 décembre 1791, le Conseil général de la commune de Montargis faisant
droit à une pétition d'un grand nombre de citoyens de cette ville, arrêta
qu'il serait fabriqué pour 60,000 livres
de billets de confiance.
60,000 de 10 sols faisant 30,000 fr
.6,800 de 15 sols
5,100
3,000 de 3 livres
9,000
Ceux
de 10 sols en papier blanc. Ceux de 15 sols en papier rose. Ceux de 30 sols en
papier vert. Ceux de 3 livres en papier jaune imprimé en rouge.
Le
papier de chaque billet portait en filigrane le nom de Montargis ; ils étaient
numérotés, avec une lettre de série et conservaient à gauche une portion
de la souche dont ils étaient détachés. La souche portait le numéro et la
lettre du billet; toutes les feuilles de souche étaient cotées et paraphées
par le maire. - Les premiers billets émis portaient la signature de M. Pelée
de Varennes , receveur du district, le certificat du maire (Bizot) et du
procureur de la commune (L. Lepage) et le visa d'un membre du Directoire du
district. - Le 1er
janvier,
pour accélérer l'émission, on désigna des commissaires spéciaux pour la
signature de chaque série.
Les
billets, après procès-verbal de leur fabrication, furent déposés dans une
caisse à trois clefs placée chez le Receveur du district, dépositaire aussi
d'une des clefs. Les deux autres étaient entre les mains du Procureur syndic
du district, et du Procureur de la commune. Le coffre renfermait aussi les
planches de la fabrication des billets. - Le Receveur faisait la distribution
de ces billets en présence de deux Commissaires choisis par le Conseil général
de la commune; il les échangeait contre des assignats de 100 livres et
au-dessous. Les fabricants, les entrepreneurs de travaux publics et d'ateliers
de charité pouvaient en obtenir chaque semaine pour 400 francs en deux
billets.
Pour
un assignat de deux cents livres, la caisse donnait
99
livres en billets de 3 francs;
48 livres en billets de 1 fr. 10 sols;
28 livres en billets de 15 sols;
23 livres en billets de 10 sols;
et pour les autres assignats en proportion.
Les
assignats ainsi échangés étaient placés dans le coffre à trois clefs,
pour servir de garantie aux billets donnés en échange et mis en circulation.
L'échange
se faisait une fois par semaine. La caisse était vérifiée chaque mois par
des Commissaires ou plus souvent, sur la demande de trente citoyens, en présence
de quatre délégués.
Le
Conseil avait destiné aux pauvres le bénéfice qui pourrait résulter, pour
la commune, de la perte d'un certain nombre des billets de confiance mis en
circulation.
Le
1er janvier 1792, sur la pétition de trente marchands de la ville, le
Conseil décida l'émission de billets de
confiance de 5 sols pour 15,000 livres au plus.
Le
Maire donnait des numéros d'ordre pour se présenter à la caisse d'échange.
Le
8 mars 1792, pour le marché, le refus des marchands de blés et de
comestibles de recevoir les billets patriotiques de Paris et des villes
voisines faillit occasionner une émeute. Le Conseil de la commune demanda à
l'Assemblée Nationale que chaque caisse qui avait émis des billets de
confiance fût tenue d'avoir un correspondant dans chaque chef-lieu de
district, chez lequel on pourrait échanger à volonté ses billets dès qu'on
en aurait une certaine quantité.
.
Le
12 mars, le Conseil décida la fabrication de nouveaux billets pour une somme
de 120,000 livres.
30,000
livres de billets de 3 livres;
30,000 livres de billets de 30 sols;
40,000 livres de billets de 15 sols;
20,000 livres de billets de 10 sols;
en tout pareils à ceux de la première émission. Dans les premiers temps,
cette mesure avait paru présenter des avantages. Les inconvénients
se
reconnurent ensuite. Le commerce courait les
plus grands risques par les chances désastreuses de la falsification (1). Le
peuple tremblait pour la certitude
du gage de ses salaires. Chacun voulut obtenir une prime d'assurance en
vendant plus cher sa marchandise et ses services.
Par
la loi du 8 novembre 1792, la Convention attaqua vigoureusement le mal dans sa
source, en ordonnant le remboursement des billets de confiance dans toute la République,
et leur suppression au 1er janvier 1793. Mais les bataillons de volontaires
avaient semé par toute la France les billets de leurs districts et de leurs
municipalités, de là était résulté partout, et spécialement aux départements
frontières une confusion inextricable de papier monnaie, qu'il était
difficile de faire retourner à leur source.
La
loi du 3 septembre 1792 ordonna le retrait des médailles ou monnaies métalliques
et des billets de confiance émis par des associations, des particuliers ou
des communes; par une circulaire du 20 octobre, Clavières voulut hâter la
suppression de ces signes monétaires rendus inutiles par l'émission dessous
de cuivre.
Les
directoires de département et sous leur autorité ceux de districts furent
chargés des mesures à prendre pour l'exécution de cette loi, ils
distribuaient des assignats de petite valeur entre les districts pour
rembourser les municipalités, compagnies et particuliers qui avaient émis dés
billets et se faisaient rendre compte du brûlement des billets rentrés. Ils
correspondaient avec les départements
limitrophes pour l'échange réciproque de leurs billets.
Au
1er
janvier
1793 expirait le délai fixé pour le remboursement, sous peine de perdre deux
pour cent, sur la valeur, dans le mois de janvier, et la
valeur toute entière si l'échange n'en
était pas fait au 1er février.
Des
directoires firent un
appel aux citoyens riches pour les engager
à se charger de ces billets répandus autour d'eux entre les mains des
ouvriers et des cultivateurs pauvres pour leur épargner l'embarras d'un
échange aussi difficile pour eux dans la forme que l'objet en était souvent
minime. - Pour leur éviter la douleur de voir annuler dans
leurs mains, au terme fixé, cette monnaie , fictive au moment où elle
devait leur assurer le pain du jour ou de
la semaine.
Le
délai fut prolongé par un décret du 19
décembre 1792, et les départements s'occupèrent spécialement de rembourser
les billets détenus par les indigents, qui justifiaient de leur état de
misère. Un bureau spécial était chargé de recevoir les billets émis par
d'autres départements, et d'en poursuivre le remboursement. - Toutes ces
mesures, ou d'autres analogues étaient réglées par chaque directoire pour
l'étendue de son ressort.
La Municipalité de Montargis retira de la circulation et brûla en cinq fois pour 148,962 livres 8 sols de ces billets de confiance.
Brûlé
27 décembre 1792; 32,046 livres 10 sols.
4
janvier 1793 |
27,348 |
3 |
20
janvier |
33,851 |
|
6
février |
27,337 |
|
3
mars |
28,379 |
15 |
|
148,962 |
8 |
Elle
en avait émis pour 180,000 livres, il en avait donc été perdu pour 31,037
livres 12 sols, c'est-à-dire le sixième.
(1) Dans un paquet de ces billets montant à la somme de 49 livres, il y en avait pour 17 livres de faux.
Montargis. - Imprimerie de Chrétien.
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