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Une famille de Chuelles, Les BOUHEBENT (1779-1927)

par Frédéric Pige
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Cet article est extrait du Bulletin de la Société d'Emulation N°110, juin 1999


Il existe bien des familles qui, plus d’un demi-siècle après la mort de leur dernier représentant, restent ancrée dans la mémoire collective, à cause de la place qu’elles ont jadis occupée dans la société. Il en est ainsi de la famille BOUHEBENT dont le nom évoque encore aujourd’hui une multitude de souvenirs.

Ces quelques lignes ont pour but de réveiller ces souvenirs en retraçant les faits d’une famille qui s’est illustrée dans notre département du Loiret, plus précisément à Chuelles et notamment les personnages suivants.


Le premier membre de la famille BOUHEBENT à être venu à Chuelles est Josué. Il est né en 1735 à Saliès dans les Pyrénées-Atlantiques. Originaire d’une famille noble du Béarn, les De BOUHEBENT, dont il ne garde pas la particule, il monte à Paris. Nous ne savons pas ce qu’il y fait mais il se déclare, lors des premiers actes effectués dans la région, bourgeois de Paris. Sa première mention date du 19 octobre 1779 lors de la rédaction de l’acte de décès de sa femme Elizabeth Henriette VALLAYER. Il n’est alors pas présent mais il est déclaré comme habitant de Chuelles. Sa femme y a acquis quelques mois auparavant, le 30 janvier 1779 à Paris, la ferme des Grands Rosets de Jean François AUDIER, bourgeois de Paris, et Benoîte LAVAL sa femme, pour 15000 livres. La belle-sœur de Josué, Benoîte VALLAYER, quant à elle, possède un tiers du fief de la Hure à Chuelles. Ainsi, c’est à cause de sa femme et de sa belle-famille que Josué est venu dans la région.

Le 31 octobre 1779, Josué est à Chuelles où il signe le bail de la ferme des Grands Rosets au profit de Jean BOUVETIER, laboureur et sa femme. Il devait être régulièrement en son lieu des Grands Rosets car il avait baillé sa ferme à moitié.

Le domaine des Grands Rosets comprenait alors :

- une maison bourgeoise bâtie entre cour et jardin avec ses appartenances et dépendances, cour, jardin, verger dans lequel est une pièce d’eau empoissonnée, chènevière, droit de puits et marchais.

- une maison servant aux fermiers, écurie, bergerie et autres bâtiments et dépendances.

- 90 arpents de terre labourable et non labourable en plusieurs pièces sur la totalité desquelles il y a plusieurs haies garnies d’arbres fruitiers, le tout situé au village de Chuelles.

- 5 arpents et demi de bois taillis.

- 180 cordes de pré situées en la prairie de Bonain.

- 33 cordes de terre en vignes au Champ des Juments à Triguères.

Nous perdons la trace de Josué durant environ dix ans jusqu'à la Révolution où il apparaît dans l’Administration révolutionnaire.

Dans le livre attribué au docteur GASTELLIER de Montargis intitulé " Précis historique de l’assemblée électorale du département du Loiret suivi de quelques observations et réflexion sur le même sujet ", Josué apparaît comme ayant fait un " travail géométrique " consistant à déterminer la population de chacun des nouveaux districts du Loiret.

Dans les " Etrennes Orléanaises " de 1791, il est indiqué comme administrateur du Loiret après une élection à scrutin général et individuel de liste double où sur 386 voix il en a réuni 342. Il est inclus dans le Comité des impositions. Ce comité " s’occupe de tout ce qui concerne la répartition des contributions directes entre les districts, la perception, le versement et la comptabilité de ces contributions ; le service et les fonctions des agents qui en sont chargés ; enfin la fixation et le paiement des dépenses qui seront assignées sur le produit de ces mêmes contributions. "

Enfin, il fait partie du Directoire du département du Loiret. Il demeure alors à Chuelles et loge, lorsqu’il est à Orléans, " aux trois empereurs " rue Bannier.

L’absence des " Etrennes Orléanaises " de 1792 à 1802 inclus dans les collections des Archives Départementales du Loiret ne nous permet pas de suivre plus précisément sa carrière. Aussi allons nous nous contenter des sources notariées.

Avant d’aller plus loin, signalons que dans la " Bio-bibliographie du Loiret " par Ch. CUISSARD, il est indiqué la référence d’un livre " Dénonciation des manoeuvres que les ennemis de la Constitution se proposent d’employer pour se faire nommer électeurs ou membres de la prochaine législateur, moyens de les rendre sans effets ", Paris, Postillon, 1792 écrit par un certain Henri Louis BOUHEBENT médecin à Chuelles, administrateur du Loiret. Je pense qu’il s’agit là d’une erreur et que l’auteur en est peut-être Josué qui apparaît comme étant le seul BOUHEBENT administrateur du Loiret.

Revenons à la carrière de Josué. Le 17 fructidor an III il est devenu administrateur du district de Montargis. Le 7 frimaire an IV, il est qualifié de cultivateur demeurant à Chuelles. Le 20 frimaire an V, il est commissaire du pouvoir exécutif près le canton de Courtenay. Le 14 thermidor an VI, il est nommé propriétaire et membre de l’Administration Centrale du département du Loiret. Il demeure alors à Orléans. Le 2 germinal an XI, il est contrôleur des contributions directes à Montargis où il demeure. Enfin, il apparaît dans les " Etrennes Orléanaises " de 1803/1804 comme étant à la tête de la direction des contributions à Courtenay. Il est chargé du travail de préparation et d’expédition des rôles, de la vérification et de l’instruction des réclamations en matière des contributions.

Il décède à Montargis le 24 brumaire an XIV, en laissant un fils, Auguste Henri.


Auguste Henri est né le 17 août 1773 à Paris. La première information qu’on ait de lui date du bail du 2 germinal an XI de la ferme des Rosets qu’il possède déjà, certainement par la succession de sa mère. Il est alors ingénieur des Ponts et Chaussées au département du Vaucluse. C’est là qu’il aura son premier enfant, Joseph Charles Adolphe, avec sa première femme Claire Pierre GIROUD qui semble être originaire d’Avignon mais nous n’en savons pas plus. Leur mariage fut célébré le 3 prairial an VI. Claire Pierre GIROUD meurt avant 1805 et n’est plus jamais mentionnée dans les actes.

Auguste Henry se marie donc une seconde fois le premier nivose an XIII avec Anne Justine DUCRUET née à Paris. Elle est fille de Germain DUCRUET et d’Anne CORNUT DE LA FONTAINE. Ils ont deux enfants : Edouard Sylvestre, né en 1806 à Chuelles, mais celui-ci décédera avant la mort de ses parents et sans postérité et Justine Henriette née le 30 août 1810 à Orléans. Elle se mariera avec François Paulin CORNUT DE LA FONTAINE DE COINCY d’avec qui elle aura trois garçons.

Dans les " Etrennes Orléanaises " de 1806 à 1808, Auguste Henry apparaît comme receveur des contributions directes de Montargis ainsi que pour Chuelles, La Selle-en-Hermois, Thorailles et la Chapelle-Saint-Sépulcre. Il demeure alors à Montargis dans la première section électorale dite de la Forêt, puis au quartier du Loing où il fait partie des " 100 plus imposés " de la ville de Montargis. Il se présente aux élections de 1808 pour appartenir au Conseil Municipal de Montargis où il reçoit 9 voix, ce qui sera largement insuffisant pour être élu. Au mois de novembre 1808, il devient payeur du Trésor Public des Basses Alpes à Digne. Dès 1810, il est payeur général de l’arrondissement d’Orléans où il demeure au 35, rue de la Bretonnerie. En 1813 il est payeur général du Loiret. En 1816 il est payeur du Trésor Royal à Melun. En 1831, il est payeur à Lille. Il reviendra vivre à Chuelles où il apparaît sur la liste des électeurs en 1844.

Il meurt le 3 septembre 1859 au château des Rosets. Dans son acte de décès, nous apprenons qu’il est chevalier de la Légion d’Honneur. Sa femme meurt le 28 avril 1866 chez sa fille au château de Courtoiseau à Triguères, qui est devenu château de la famille CORNUT de la FONTAINE de COINCY depuis environ 1836.


De leurs enfants, nous ne suivrons que Joseph Charles Adolphe. On ne sait que très peu de choses sur lui. Il est né en 1800 à Avignon. Il fait des études de médecine. Il semble qu’il n’ait jamais exercé dans le Loiret car il ne figure sur aucune des listes officielles des médecins du département. Il épouse Catherine Elizabeth Hubertine PEUVION à Lille vers le mois d’octobre 1844, qui lui donne deux fils. Il meurt au château des Rosets le 10 mai 1866. Sa veuve vivra au Petit Courtoiseau à Château-Renard. Il aurait fait construire ce dernier ainsi que le château des Rosets, qui date des années 1825. Ceci demande à être confirmé ; cependant il est sûr que c’est bel et bien un BOUHEBENT qui a fait construire le château des Rosets.

Des deux fils, nous ne savons rien d’Adrien à part qu’il demeure à Paris au 47, rue de l’université où il est rentier et qu’il a eu deux enfants.


L’autre fils, Frédéric, est encore très présent dans certaines mémoires de la vallée de l’Ouanne. Il est né le 8 mai 1847 à Triguères. Il fait des études de droit à Paris où il demeure chez son frère. Il semble qu’il fut officier de réserve. Il se marie au mois de janvier 1883 à Valentine ROULX.

Sa notoriété encore présente vient certainement du fait qu’il se présenta aux élections de juillet 1892 pour devenir conseiller général de Château-Renard. La presse locale, " Le Gâtinais ", est alors contre lui. Elle lui reproche de se dire républicain alors qu’il entretient de bonnes relations avec le clergé local...ce qui préfigure la séparation de l’Eglise et de l’Etat. La presse se montre également assez ironique en rappelant que Frédéric est le " gendre d’un conseiller municipal qui avait une situation personnelle considérable dans le canton " et que " grâce à sa parenté et pas autrement, [il] a acquis une certaine influence qui l’a fait arriver au poste de conseiller d’arrondissement ". Ceci ne l’empêchera pas d’être élu le 31 juillet 1892 et d’être réélu en août 1898. Nous ne savons pas qu’elle a été son action une fois élu. Pour cela, il faudrait dépouiller les divers journaux de l’époque.

En1902, Frédéric fait construire la ferme moderne des Grands Rosets (Cf. photo. 1). Il est le dernier propriétaire ayant habité le château des Rosets (Cf. photo. 2) avant sa vente le 15 mars 1920 à M. FROMONT, agriculteur de Chuelles, dont la famille fournit les fermiers de la ferme des Grands Rosets depuis 1870, et sa destruction en 1921 que Frédéric avait décidée et fait exécuter selon une clause du contrat de vente. A ce moment-là, il est alors tuteur de ses deux neveux Lucien et Edouard BOUHEBENT qui sont âgés de plus de 22 ans.

Frédéric meurt en 1927 et est enterré à Chuelles. Il est chevalier de la Légion d’Honneur. Il n’a pas eu d’enfants.

L’histoire de la famille BOUHEBENT, comme beaucoup d’autres, aurait pu rester encore longtemps dans l’ombre si les descendants de Josué ne nous avaient pas manifesté leur envie de connaître leurs racines et de fouler la terre de leurs ancêtres. Je les en remercie.


Sources :

Archives Départementales du Loiret :

* Registres paroissiaux et d’état civil de Chuelles, Triguères, Château-Renard, Montargis et Orléans.

* Répertoires et minutes des notaires de Chuelles et de Montargis dans la sous-série 3E et en particuliers : 18951, 19804, 19811, 19821, 19882 à 19885, 39812, 39813, 39816, 39853, 39858, 39865, 39876, 39880, 39900, 39906.

Archives Communales de Montargis, séries modernes :

* KA 1à12 : élections. 

* GA 5 et 9 : contributions.

Bibliographie :

* Les Etrennes Orléanaises de 1791 à 1812.

* GASTELLIER R.G., précis historique de l’assemblée électorale du département du Loiret suivis de quelques observations et réflexions sur le même sujet, Montargis, 1970.

* Le Gâtinais, numéros des 23 juillet et 6 août 1892.

* DERAN JETHOU J., Histoire contemporaine de la politique de la France, Châteaurenard et ses hommes politiques, Châteaurenard, 1900.

* GACHE P., Histoire de l’Hermois en 5 volumes.

* Bulletin de la Société d’Emulation de Montargis spécial GASTELLIER, n°106.


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