Châtillon-Coligny
en juillet
par Gaston Bracquemont, |
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Des extraits de ce texte sont parus dans le Bulletin de la Société d'Emulation N°96, 1995 |
Ces photos d'amateur ont été prises le 26 août 1944 dans les rues de Châtillon-Coligny. Les troupes américaines viennent d'arrêter un officier allemand. Les Américains appartiennent à la 35e Division d'Infanterie - groupe de combat 320 - de la 3e armée du général Patton. Tous les renseignements concernant les identités des soldats américains et allemands représentés ici sont les bienvenus. (cliquez sur les photos pour les agrandir, et sur pour indiquer des renseignements. )
Éphémérides des mois Juillet, Août 1944.
29 Juillet : Par ce clair matin
de Juillet, la grande rue était pleine de promeneurs, de ménagères allant
aux provisions, d'habitants des pays voisins venus à leurs affaires, quand
vers 10h 1/2 deux compagnies montées allemandes, venant l'une de St Maurice
sur Aveyron, l'autre d'Aillant sur Milleron s'arrêtèrent à 2 entrées du
pays.
Au premier abord, personne n'y prête attention. Toutefois on remarque, non
sans surprise, que près de chaque voiture, un soldat était placé prêt à
tirer, et que de distance en distance on installait, en ville des postes de
mitrailleuses ou de fusils mitrailleurs.
Un barrage était établi au carrefour de la route de St Maurice et du
faubourg de Montargis.
Au bout de quelques minutes une Celta IV l'avant défoncé et remorquée par
un camion était arrêtée à ce barrage. Le propriétaire de cette voiture,
Mr Eugène Brécy n'avait pas eu le moindre accident, mais ramenait son auto
que la nuit précédente la résistance lui avait volé dans son garage.
A 3 kilomètres de Châtillon, route de la Chapelle en face des bardeaux. Les
résistants avaient abandonné la voiture qui avait dû buter puisque l'avant
était déformé. Après une série d'explications, les allemands le
ramenèrent chez lui pour examiner les cartes d'identité. Pendant ce temps
quelques officiers allaient à la mairie protester que d'après tous les
renseignements, Châtillon était sûrement un centre de la Résistance.
On en était là, quand des coups éclatent. Une camionnette occupée par 11
hommes de la résistance avait forcé le barrage au carrefour du frg de
Montargis. Les allemands avaient aussitôt ouvert le feu et poursuivaient la
voiture. Un fardier qui débouchait de la place Coligny pour s'engager dans la
grande rue, coupa sans le vouloir, les poursuivants de la camionnette. Sans
hésiter les soldats abattirent le charretier qui fut tué. La camionnette
était passée. Malheureusement pour elle il y avait des postes de distance en
distance.
Alertés par les premiers coups de feu, ceux ci reprirent le tir et la
poursuite, si bien que devant chez M. Hamard grainetier, la camionnette, les
pneus crevés doit stopper.
Sur 11 hommes, 9 sautèrent de la voiture abandonnant à l'intérieur, 1 tué
et 1 blessé. De ces 9 hommes, 4 arrivaient Place Becquerel où ils se
heurtèrent à la colonne allemande arrêtée à l'entrée de la route
d'Aillant. Les autres se dispersèrent dans les petites rues et les maisons,
puis filèrent par une rivière souterraine qui passe sous le quartier.
Un moment les allemands qui avaient vu les français courir en direction de la
place Becquerel crurent que ceux-ci avaient reçu un refuge à l'Hôtel du
Cheval Blanc. Immédiatement, ils attaquèrent l'hôtel au fusil, à la
grenade, à la mitrailleuse. Les voyageurs et le personnel affolés, fuyaient,
se planquaient, croyaient leur dernière heure arrivée. Après cet assaut
l'hôtel fut visité de la cave au grenier. On n'y découvrit que les
domestiques et les gens paisibles.
Les allemands qui avaient fait le compte des terroristes disparus, ne
tardèrent à s'apercevoir qu'il fallait chercher autre part qu'au Cheval
Blanc. L'un d'eux, en visitant la cave d'une maison (pharmacie L'homme) avait
découvert la rivière souterraine plus 2 paires de chaussures et 2
mitraillettes. Le point d'évasion était trouvé. Immédiatement, les soldats
firent évacuer toutes les maisons du quartier, laissant la liberté aux
femmes et aux enfants mais retenant les hommes et les jeunes gens. Le Curé
qui s'était trouvé pris à l'improviste dans l'attaque du Cheval Blanc et
qui s'était réfugié dans la boulangerie fut arrêté un des premiers et
conduit place du Cheval Rouge auprès du lavoir. Bientôt 150 hommes vinrent
le rejoindre. C'est là près du lavoir que les allemands amenèrent 2
terroristes "faits prisonniers". Devant tout le monde, ils les
rouèrent de coups. Ils avaient même trouvé, un supplice tout à fait
inédit. Ils les obligeaient à prendre un arbre par les bras et par les pieds
comme pour grimper et chaque fois que l'homme fatigué essayait de toucher
terre, ils le forçaient à coups de pied à reprendre sa position. Au bout
d'une heure, vers midi, on fit mettre les 150 hommes en file, puis les bras
levés on les ramena place du Cheval Blanc pour les interroger. Le Curé en
fût excepté. L'officier allemand lui fit dire par l'interprète d'aller
chercher les Docteurs civils et de s'occuper des morts et des blessés, sauf
ceux de la résistance. Aussi passa-t-il la soirée accompagné du Docteur
Jaupitre, de M. L'homme pharmacien et de M. Valère préparateur en pharmacie
à visiter les divers blessés. Vers 2 heures les allemands le rappelèrent
" Venez " dit un sous-officier. Il y a sur la place une camionnette.
Dedans se trouvent deux terroristes. L'un est tué ... l'autre blessé mais
(il fit le geste de fusiller) ... Kaput ... Tous les Français sont
catholiques ... vous êtes le Pasteur. Faites le nécessaire !
Le Curé grimpa dans la camionnette. 2 hommes étaient en effet étendus sur
le ventre gisant dans le sang, à même le parquet. Ils semblaient morts tous
les deux. L'un était tué, l'autre avait une balle dans le poumon et
paraissait épuisé. Le prêtre s'agenouilla près de lui et lui parla. Dis
moi ... mon petit gars, n'aies pas peur, je suis le Curé de Châtillon.
- Oui Mr le Curé.
D'où es-tu ?
- De Rogny. -
Comment t'appelles-tu ?
- "Remondeau"
As tu été baptisé ? fait ta 1e Communion.
- Oui.
Le jeune homme prenant soudain conscience de la gravité de sa situation fit
un effort pour se redresser et dire : "Mon père, faites tout ce que vous
voudrez". Ce jeune homme eût la chance d'être oublié dans la voiture.
Le soir à 10h on le transporta à l'hospice d'où il fut dirigé le lendemain
sur l'hôpital de Montargis.
Dans la soirée un nouvel incident. Un jeune réfractaire Roger Bongard,
camouflé dans une ferme des environs avait entendu la fusillade qui
sévissait sur Châtillon. Inquiet sur le sort de sa femme et de ses parents,
il s'était faufilé jusqu'à leur maison qui se trouve à Prenant, sur la
route d'Aillant.
Le calme semblait revenu ... Aussi comment tait-il la situation avec des
voisins sur le pas de sa porte, quand plusieurs voitures allemandes
débouchèrent. Pris de peur, il se sauve dans les champs mais les allemands
l'ont vu. Ils tirent et l'abattent. Il n'est que blessé ... on vient chercher
le Docteur qui part avec le Curé. La victime a deux blessures dont l'une
grave. Le Docteur craint une hémorragie. Il faudrait que le blessé soit
transporté à Montargis. Les Allemands ont déjà refusé l'évacuation des
blessés.
Tant pis ! On va revenir à la charge ! De retour à Châtillon on se rend sur
la place du Cheval Blanc où le Commandant allemand se tient en permanence.
"Mon Commandant" dit le Curé un homme vient d'être blessé
gravement. Le Docteur ici présent, déclare une intervention chirurgicale
très urgente "Cette intervention n'est possible qu'à Montargis.
Veuillez avoir l'obligeance de nous donner un laissez-passer."
"Ah ! non" répond le Commandant avec fureur. "Châtillon
est un centre de terrorisme Personne n'en doit sortir. Si vous tentez de
partir en auto on tirera sur vous, sans avis préalable. Même si vous usez
d'une auto de la Croix-rouge."
Malgré de nouvelles supplications le Commandant reste inflexible. Sur ces
entrefaites on apprend qu'à l'hôtel du Cheval Blanc 2 membres de la Gestapo
en civil venus de Montargis interrogent et vérifient les identités des
hommes arrêtés dans la matinée. Ces policiers sont peut-être plus humains
ou bien ont-ils plus de pouvoir que les militaires ?
Le Docteur et le Curé entrent à l'hôtel et frappent à la porte du salon ou
se tiennent ces Messieurs. Le Curé reprend les explications ... Pas de
réponse. Le Docteur prend à son tour la parole, mais dès le début de son
discours, il est interrompu brusquement.
"L'homme dont vous parlez a été blessé dans un champ ?"
"Oui Monsieur."
"Il se sauvait n'est-ce pas ?"
Je l'ignore répond le médecin.
" Eh bien Monsieur ... c'est bon en voilà assez n'insistez pas."
Tous ces refus ne présageaient rien de bon. L'interprète avait déjà dit
plusieurs fois au Curé: "Grand malheur Monsieur pour votre petit pays." et voilà qu'on apprend qu'il était question de brûler le pays ou
tout au moins l'Hôtel du Cheval Blanc en représailles parce que Châtillon
était un centre de résistance et que les habitants avaient favorisé la
fuite des terroristes... Quelqu'un se révéla alors à la hauteur de la
situation devenue tragique. Ce fut Monsieur Roy, secrétaire de mairie. Il
s'attacha aux Allemands, les suivit, les poursuivit, plaida, discuta,
intercéda. Il fit tant et si bien qu'il obtint que pour se racheter
Châtillon fournit une amende alimentaire transformée en rançon.
Il était huit heures du soir. Les allemands exigeaient immédiatement : 1000
oeufs, 150 litres de lait, 20 Kgs de beurre, 20 livres de porc, tout le tabac
des débitants. La population consciente du danger imminent s'exécuta sur le
champ. Le tambour de ville n'avait pas fini la tournée que de toutes parts,
on voyait se hâter vers la place Becquerel, les femmes, les enfants apportant
dans des paniers des pots des sacs, le prix de la rançon.
On vit de petites vieilles s'empresser à donner le quart de beurre qu'elles
réservaient pour leur mois, ou le peu de lait qui devait faire leur déjeuner
du lendemain.
En moins d'une demi-heure, le taux de la rançon était largement dépassé
... à la grande satisfaction des allemands qui, dans cette triste affaire y
gagnèrent un bon et solide repas.
Châtillon était sauvé, mais avait à déplorer 4 morts et 6 blessés :
2 morts de la résistance
2 morts civils " Fernand Moret " fardier Madame Eliane Darchy Vve
Brossard (tuée en ouvrant sa fenêtre).
2 blessés de la résistance
4 blessés civils : Mr Picard La Chapelle sur Aeg
Mme Léaux bonne à la ville Bon accueil
Mr Bongard
Pierre Perrier 6 ans.
En vérité, on peut remercier Dieu qu'il n'y ait pas eu plus de victimes.
Dans l'après-midi de cette journée, plusieurs voitures allemandes, se
rendirent au Charme brûlèrent la ferme des Parts, en bordure de l'Yonne et
tuèrent 9 hommes de la résistance.
19 Août : Vers 2 heures de l'après-midi, on entend des coups de feu. On a la sensation qu'on tire dans Châtillon ... C'est tout simplement une rencontre, au carrefour des routes de Rogny, d'Adon et du chemin des Toques entre un petit détachement allemand et des gars de la Résistance. Bilan : 2 morts et 10 prisonniers allemands.
21 Août : 3 gars de la
Résistance dont 2 de Montbouy sont fusillés à Pressigny.
Ce sont : Daveau du hameau de la Borde Montbouy
Ligier au bourg Montbouy
Beaulande St Geneviève.
22 Août : Vers 7h 1/4 du soir,
la mitrailleuse se fait entendre du coté du frg St Lazare.
Un camion allemand remontant le faubourg se heurte à une reconnaissance
américaine. Le détachement américain composé de quelques autos blindées
ouvre le feu, tue les 2 conducteurs et brûle le camion.
D'autres allemands venant par le pont du Puyrault, traversaient Châtillon à
l'opposé de St Lazare et allaient prendre position sur la route d'Aillant et
derrière les murs du Parc. Une batterie antichar installée sur le chemin des
Cacodeaux prend sous son feu, les américains qui occupent St Lazare et un
autre détachement qui se défile entre la route de Nogent et Ste Geneviève.
Les deux adversaires tirent par dessus la vallée mais Châtillon prend tous
les coups courts. L'Eglise qui domine reçoit 7 obus antichars allemands. Dieu
merci ! Ces obus ne mettent pas le feu. Il n'en est pas de même aux fermes du
Bréau et de la "Grange rouge" où de graves incendies se
déclarent.
Les Américains, après cette petite échauffourée font demi-tour et les
Allemands se réinstallent à Châtillon.
23 Août : Dès le matin, les
Américains se présentent devant Châtillon. La fusillade recommence (on
entend tirer dans toutes les directions). A neuf heures les Allemands font
donner l'ordre aux habitants par le tambour de ville "de rentrer
immédiatement dans leurs maisons et de fermer toutes les portes et fenêtres
car on tirera sur quiconque se montrera dans la rue". Une minute après,
on ne voyait plus dehors âme qui vive sauf les patrouilles qui circulent un
peu partout.
Le canon gronde autour de la ville.
Vers 1 heure sans avertissement, les allemands se retirent en direction
d'Aillant ... et vers 2h 1/2 les premiers blindés américains franchissent le
pont du Puyrault. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre ... Les
habitants qui n'osaient sortir, se répandent dehors. Les rues vides et
mortes, un instant auparavant, s'emplissent d'une foule joyeuse qui fête les
Américains et clament à tous les échos de la libération.
Les américains sont à Châtillon, mais les allemands résistent encore
autour de la ville. Les combats continuent ... C'est dans cette soirée, qu'un
habitant de Châtillon nommé Coute voulut faire prisonnier 3 allemands qu'il
apercevait sur la route de Rogny ... Il s'avança vers eux armé d'un pistolet
... mais avant de les atteindre, un des allemands avait tiré et tué ce
patriote imprudent !
Ce même jour vers 5h du soir un convoi allemand qui descendait de
Chateaurenard fût surpris et arrêté à la Chapelle sur Aveyron par quelques
blindés américains ... Ces allemands qui appartenaient à des services
d'arrière, se repliaient de Montargis. Ils étaient peu armés. Aussi
furent-ils décimés. Ils abandonnèrent 10 morts ... un grand nombre de leurs
voitures brûlées, brisées inutilisables restèrent sur le terrain.
Le lendemain, on pouvait voir les traces du combat et des destructions sur
plus d'un Kilomètre de long ...
Beaucoup de chevaux abandonnés furent récupérés sans bruit, par nos
cultivateurs. Le village n’eut pas beaucoup à souffrir. Cependant la grange
et toutes les récoltes de M. Dewilae qui habite les Moltemps furent
incendiées et détruites.
Un orage extrêmement violent sauva le reste du convoi en mettant fin au
combat. Les Américains se retirèrent.
Les Allemands en profitèrent pour traverser la Chapelle et s’engager vers
St Maurice et Aillant. Dans cette échauffourée la population perdit 1 tué
Mr Fromont qui travaillait à la batteuse, 1 blessé Mr Ernest Fourgeux des
Paillasses.
24 Août : Les allemands en
retraite ont traversé la ville toute la nuit. Au matin les Américains
reviennent. Ils installent leurs blindés place Becquerel face à toutes les
directions. On entend la mitrailleuse et des coups de feu ; car les allemands,
qui n’ont pour traverser le Canal que le pont de Châtillon. (La résistance
a fait sauter les ponts de Dammarie et de Rogny) cherchent constamment à
forcer le passage mais vainement.
Vers midi, 3 voitures de la Gestapo débouchent en trombe de la route d’Aillant
... Ces messieurs sont envoyés en éclaireurs. Le gros du détachement attend
aux Sablons.
Ils viennent pour faire un exemple à Châtillon centre de la résistance, qui
s’oppose au passage de leurs troupes venant de la Loire.
Ils doivent prendre des otages ... On a plus tard retrouvé les ordres dont
ils étaient porteurs. Heureusement une mitrailleuse américaine prend les
policiers sous son feu. 5 sont blessés dont le chef.
La population voudrait qu’on les achève, mais les américains s’y
opposent et les transportent à l’Hospice ou le major leur donne des soins.
Le chef allemand a reçu une partie de bande de mitrailleuse dans le coté. Le
major lui pratique la transfusion du sang. Il s’inquiète même de sa
religion et comme il apprend que le blessé est Catholique, il envoie chercher
le Curé. Celui ci arrive aussitôt, et administre les derniers sacrements à
ce blessé qui était de Nuremberg, marié et père de deux enfants.
Il mourut dans la soirée.
Les exécutions d’Aillant.
Ce même jour 24 Août il devait se passer à Aillant des scènes pénibles.
Les allemands s’étaient fixés dans 2 fermes de cette commune Colandon et
les Gaujards pour attendre et défendre leurs retardataires qui venaient de
Châtillon.
A Colandon, il y eut combat entre américains et allemands. Ceux-ci
abandonnèrent la ferme avec les morts. Un domestique de la ferme, M. Jobert
de Châtillon fût tué une autre domestique blessé.
L’incident le plus grave se produit à Aillant.
La ferme des Gaujards située à 500 m du bourg était occupée par les
allemands. Ceux-ci se gardaient par des sentinelles.
Or, dans la journée, une voiture de la résistance, portant au capot le
drapeau français s’arrêtait à l’extrémité du pays, face aux Gaujards.
La maîtresse d’école vint rejoindre l’auto et montra aux occupants la
ferme ou se trouvait l’ennemi.
L’auto tira quelques rafales et se retira.
Aussitôt les Allemands furieux se précipitent sur Aillant, mettent le feu à
la mairie et à l’école qui furent complètement détruites.
L’institutrice ne dut son salut qu’à la fuite et surtout au fait d’avoir
échangé chez un voisin sa blouse blanche, trop reconnaissable pour des
vêtements quelconques.
Les soldats se répandent dans le pays et brûlent encore 3 maisons ... puis
ils se mettent en quête de trouver le maire et le Curé.
Le maire était dans le pays, aidant courageusement à combattre les
incendies, mais à Aillant, il n’y a que des bons français, personne ne le
dénonça car tout le monde avait compris ce que l’ennemi voulait faire.
Quand au Curé, comme il réside à Dammarie / Loing, les allemands n’osèrent
pas s’aventurer jusque là.
Alors pour se venger, ils saisirent 2 hommes au hasard qu’ils prirent chez
eux en train de travailler. M. Leclerc sabotier ancien maire, M. Bizot grand
blessé de guerre, retiré à Aillant.
Malgré leurs protestations d’innocence, les victimes furent poussées sur
la route du cimetière et fusillées au pied d’un arbre en bordure de la
ferme du petit moulin. Défense fut faite d’enlever les corps avant 24
heures.
Puis les allemands fouillèrent toutes les maisons du bourg, en firent sortir
les habitants terrorisés qu’ils entassèrent à l’église. Beaucoup
croyaient leur dernière heure arrivée car on n’ignorait pas que des civils
enfermés dans les églises, y avaient été brûlés.
Les soldats se contentèrent seulement de se régaler avec les provisions des
ménagères et de coucher dans de bon lits.
Néanmoins quand le lendemain matin, un sous officier, vint avec son plus joli
sourire, affirmer aux prisonniers qu’ils étaient libres, ceux-ci n’en
croyaient pas leurs oreilles. Ce fût une vraie délivrance !
Entre temps, les allemands avaient encore fusillé à la ferme des Gaujards, 2
puisatiers M. Marcus et M. François Valery de la Chapelle. Ces hommes avaient
été trouvés, porteurs de tracts étrangers.
La libération Quel soulagement
quand le vendredi 25 Août on apprit que les allemands s’étaient retirés
au delà du Charme, dans la direction de Champignelle et qu’on vit les
Américains s’installer à Châtillon. Sans doute, on entendait encore des
coups de feu. Il y avait des allemands réfugiés dans les bois et même dans
les maisons. Mr Emile Imbert de St Lazare en cueillit 9 dans sa grange mais la
plupart n’avait qu’un désir : "se rendre". Les Châtillonnais
que l’inquiétude avait rongés pendant plusieurs jours, dans leur foie
débordante sortaient déjà des drapeaux. Certains voulaient sonner les
cloches. Judicieusement la mairie s’opposa à toute manifestation
prématurée, déclarant qu’elle se réservait d’indiquer le jour et l’heure
où l’on pourrait pavoiser sans danger.
Le lendemain à 9h le drapeau français était hissé à l’Hôtel de ville
et au clocher.
En un instant les fenêtres se fleurirent comme par enchantement des couleurs
françaises et alliées.
26 Août : De 9h à midi et demie, des équipes de jeunes gens se relayèrent pour sonner les cloches à toute volée. Ce samedi 26 Août fût spontanément et d’un commun accord, jour férié. Tous étaient descendus dans les rues. On s’abordait le sourire aux lèvres, on s’interpellait, on rappelait les derniers événements, on riait, on laissait éclater sa joie. On était tout au bonheur de la "Libération". En fin c’était vrai on était délivré d’un cauchemar de quatre années !
27 Août : Le 27 Août était un
dimanche.
La veille, tous les français sans distinction d’opinion ou de croyance
avaient fêté la Délivrance officielle.
Aujourd’hui, les chrétiens entendaient remercier le Ciel pour leur compte
personnel. Sans qu’on eût lancé d’invitations, l’Église à 8h se
trouva remplie pour la messe de Communion et à 10h 1/2 pour la Grand Messe.
Au prône le Curé tira la leçon des événements, exalta la grandeur de la
France qui ne doit pas périr, et invita ses paroissiens à s’unir à lui
dans le chant du "De Profundis" pour les victimes de la région et
dans un fervent Magnificat de Reconnaissance et d’Action de grâces.
Les fidèles y mirent tout leur coeur ainsi que dans le cantique
"Catholiques et français... toujours !" Comme entrée Mr Maurice Raby
organiste avait exécuté l’hymne anglais. A l’offertoire, il joua l’hymne
américain et pour la sortie, il se lança dans une entraînante "Marseillaise" que les assistants eussent volontiers chanté à pleine
voix, n’eut été la Sainteté du lieu.
Châtillon était sauvé !
Joyeux prélude de la Libération prochaine et définitive de la France tout
entière !
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