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Châtillon-Coligny en juillet 
et août 1944

 

par Gaston Bracquemont,
curé de Châtillon-Coligny

Des extraits de ce texte sont parus dans le Bulletin de la Société d'Emulation N°96, 1995


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Ces photos d'amateur ont été prises le 26 août 1944 dans les rues de Châtillon-Coligny. Les troupes américaines viennent d'arrêter un officier allemand. Les Américains appartiennent à la 35e Division d'Infanterie - groupe de combat 320 - de la 3e armée du général Patton. Tous les renseignements concernant les identités des soldats américains et allemands représentés ici sont les bienvenus. (cliquez sur les photos pour les agrandir, et sur pour indiquer des renseignements. )

Éphémérides des mois Juillet, Août 1944.

11 Juillet, 29 Juillet, 19 Août, 21 Août, 22 Août, 23 Août, 24 Août, 25 Août, 26 Août, 27 Août.
11 Juillet : Des bruits assez vagues circulaient depuis quelques temps sur la formation de groupes de résistance, notamment dans la région du Charme et de Charny. On parlait même de jeunes gens partis rejoindre le maquis, sans donner davantage de précisions.
Or le 11 Juillet vers 2h de l'après-midi, une voiture touriste et un camion, chargés de jeunes gens, armés de pistolets et de mitraillettes stoppaient dans la grande rue.
Le camion se portait devant le magasin de nouveautés de Mr Laurent. Les hommes pénétraient hardiment à l'intérieur et immédiatement déménageaient les marchandises. Ils arrêtaient le fils Laurent et arrachaient des mains de Melle Laurent qui fuyait épouvantée, une valise contenant les valeurs et l'argent de la famille.
De là, ils gagnaient le magasin de M. Debrie Mercier, l'arrêtaient comme collaborateur, non sans avoir vidé la caisse du magasin.
Plus loin, ils arrêtaient comme espion M. Michel marchand de chaussures.
Enfin ils se rendaient chez Tissier cordonnier et entassaient les chaussures dans le camion chaussures d'hommes évidemment, mais aussi chaussures dames, car déclaraient-ils : "nous avons des femmes, elles leur serviront."
Ils mettaient Tissier en état d'arrestation, comme collaborateur et mouchard ... mais au moment de l'emmener, un incident se produisit ... Une mitraillette crépite ... C'est une sentinelle de garde sur le pont du Puyrault, qui a aperçu un allemand, et qui tire.
Cet allemand, comme toute la population avait la garde, avec deux camarades, d'un poste d'observation sur la route de Nogent.
C'était la "fine embuscade" pour ces 3 compères qui vivaient là comme des rats dans un fromage et qui s'efforçaient de passer inaperçus.
Chaque jour, l'un d'eux venait aux provisions.
C'est en venant au ravitaillement à Châtillon que l'homme fût surpris, blessé et achevé.
Les coups de feu avaient suffi pour faire démarrer en vitesse le camion et les hommes qui étaient chez Tissier.
Celui-ci fût abandonné et ne dût son salut qu'à la fuite précipitée de ses ... justiciers.
Entre temps, la voiture touriste s'arrêtait rue de l'Eglise devant la grille de M. Niscard dentiste. Le chauffeur restait au volant. Un homme sonnait à la porte, principale, d'autres gardaient les issues de la ruelle.
Comme on ne répondait pas, 2 hommes escaladèrent la grille, pénétraient à l'intérieur et ramenaient Mme Niscard qui criait et se débattait ... Finalement, ils paralysèrent la résistance de cette femme et la poussèrent dans l'auto qui démarra aussitôt.
Le maquis emmenait donc 4 prisonniers dont une femme, plus le produit du pillage.
Quelques jours après, une camionnette de la résistance vint de nuit embarquer le vin de M. Rahon épicier qui est le dépositaire de la maison Nicolas.
Pour n'être pas reconnus certains de ces jeunes hommes, avaient mis des cagoules.
La vérité nous oblige à dire que la population avait vu d'un bon oeil le pillage des magasins et l'arrestation des personnes incriminées.
Cependant il n'y eut pas de manifestation.
Sur les 4 prisonniers, deux revinrent le 28 Juillet. Mr Debrie et Mr Robert Laurent. Ceux-ci, à leur retour, se refusèrent à faire la moindre déclaration, sans doute par peur de représailles... De Michel, on est toujours sans nouvelles. Mme Niscard à été exécutée. On a retrouvé son cadavre dans les bois de Villiers St Benoit (Yonne). Elle avait reçu deux balles dans la nuque.
Le soir du 11 Juillet, après le départ de la Résistance la Gestapo vint faire une enquête et emmena le cadavre de l'Allemand tué au pont du Puyrault. On s'attendait à une réaction allemande, elle ne se produisit pas immédiatement, mais seulement 15 jours plus tard. D'ailleurs on ne perdit pas pour attendre.

29 Juillet : Par ce clair matin de Juillet, la grande rue était pleine de promeneurs, de ménagères allant aux provisions, d'habitants des pays voisins venus à leurs affaires, quand vers 10h 1/2 deux compagnies montées allemandes, venant l'une de St Maurice sur Aveyron, l'autre d'Aillant sur Milleron s'arrêtèrent à 2 entrées du pays.
Au premier abord, personne n'y prête attention. Toutefois on remarque, non sans surprise, que près de chaque voiture, un soldat était placé prêt à tirer, et que de distance en distance on installait, en ville des postes de mitrailleuses ou de fusils mitrailleurs.
Un barrage était établi au carrefour de la route de St Maurice et du faubourg de Montargis.
Au bout de quelques minutes une Celta IV l'avant défoncé et remorquée par un camion était arrêtée à ce barrage. Le propriétaire de cette voiture, Mr Eugène Brécy n'avait pas eu le moindre accident, mais ramenait son auto que la nuit précédente la résistance lui avait volé dans son garage.
A 3 kilomètres de Châtillon, route de la Chapelle en face des bardeaux. Les résistants avaient abandonné la voiture qui avait dû buter puisque l'avant était déformé. Après une série d'explications, les allemands le ramenèrent chez lui pour examiner les cartes d'identité. Pendant ce temps quelques officiers allaient à la mairie protester que d'après tous les renseignements, Châtillon était sûrement un centre de la Résistance.
On en était là, quand des coups éclatent. Une camionnette occupée par 11 hommes de la résistance avait forcé le barrage au carrefour du frg de Montargis. Les allemands avaient aussitôt ouvert le feu et poursuivaient la voiture. Un fardier qui débouchait de la place Coligny pour s'engager dans la grande rue, coupa sans le vouloir, les poursuivants de la camionnette. Sans hésiter les soldats abattirent le charretier qui fut tué. La camionnette était passée. Malheureusement pour elle il y avait des postes de distance en distance.
Alertés par les premiers coups de feu, ceux ci reprirent le tir et la poursuite, si bien que devant chez M. Hamard grainetier, la camionnette, les pneus crevés doit stopper.
Sur 11 hommes, 9 sautèrent de la voiture abandonnant à l'intérieur, 1 tué et 1 blessé. De ces 9 hommes, 4 arrivaient Place Becquerel où ils se heurtèrent à la colonne allemande arrêtée à l'entrée de la route d'Aillant. Les autres se dispersèrent dans les petites rues et les maisons, puis filèrent par une rivière souterraine qui passe sous le quartier.
Un moment les allemands qui avaient vu les français courir en direction de la place Becquerel crurent que ceux-ci avaient reçu un refuge à l'Hôtel du Cheval Blanc. Immédiatement, ils attaquèrent l'hôtel au fusil, à la grenade, à la mitrailleuse. Les voyageurs et le personnel affolés, fuyaient, se planquaient, croyaient leur dernière heure arrivée. Après cet assaut l'hôtel fut visité de la cave au grenier. On n'y découvrit que les domestiques et les gens paisibles.
Les allemands qui avaient fait le compte des terroristes disparus, ne tardèrent à s'apercevoir qu'il fallait chercher autre part qu'au Cheval Blanc. L'un d'eux, en visitant la cave d'une maison (pharmacie L'homme) avait découvert la rivière souterraine plus 2 paires de chaussures et 2 mitraillettes. Le point d'évasion était trouvé. Immédiatement, les soldats firent évacuer toutes les maisons du quartier, laissant la liberté aux femmes et aux enfants mais retenant les hommes et les jeunes gens. Le Curé qui s'était trouvé pris à l'improviste dans l'attaque du Cheval Blanc et qui s'était réfugié dans la boulangerie fut arrêté un des premiers et conduit place du Cheval Rouge auprès du lavoir. Bientôt 150 hommes vinrent le rejoindre. C'est là près du lavoir que les allemands amenèrent 2 terroristes "faits prisonniers". Devant tout le monde, ils les rouèrent de coups. Ils avaient même trouvé, un supplice tout à fait inédit. Ils les obligeaient à prendre un arbre par les bras et par les pieds comme pour grimper et chaque fois que l'homme fatigué essayait de toucher terre, ils le forçaient à coups de pied à reprendre sa position. Au bout d'une heure, vers midi, on fit mettre les 150 hommes en file, puis les bras levés on les ramena place du Cheval Blanc pour les interroger. Le Curé en fût excepté. L'officier allemand lui fit dire par l'interprète d'aller chercher les Docteurs civils et de s'occuper des morts et des blessés, sauf ceux de la résistance. Aussi passa-t-il la soirée accompagné du Docteur Jaupitre, de M. L'homme pharmacien et de M. Valère préparateur en pharmacie à visiter les divers blessés. Vers 2 heures les allemands le rappelèrent " Venez " dit un sous-officier. Il y a sur la place une camionnette. Dedans se trouvent deux terroristes. L'un est tué ... l'autre blessé mais (il fit le geste de fusiller) ... Kaput ... Tous les Français sont catholiques ... vous êtes le Pasteur. Faites le nécessaire !
Le Curé grimpa dans la camionnette. 2 hommes étaient en effet étendus sur le ventre gisant dans le sang, à même le parquet. Ils semblaient morts tous les deux. L'un était tué, l'autre avait une balle dans le poumon et paraissait épuisé. Le prêtre s'agenouilla près de lui et lui parla. Dis moi ... mon petit gars, n'aies pas peur, je suis le Curé de Châtillon.
- Oui Mr le Curé.
D'où es-tu ?
- De Rogny. -
Comment t'appelles-tu ?
- "Remondeau"
As tu été baptisé ? fait ta 1e Communion.
- Oui.
Le jeune homme prenant soudain conscience de la gravité de sa situation fit un effort pour se redresser et dire : "Mon père, faites tout ce que vous voudrez". Ce jeune homme eût la chance d'être oublié dans la voiture.
Le soir à 10h on le transporta à l'hospice d'où il fut dirigé le lendemain sur l'hôpital de Montargis.
Dans la soirée un nouvel incident. Un jeune réfractaire Roger Bongard, camouflé dans une ferme des environs avait entendu la fusillade qui sévissait sur Châtillon. Inquiet sur le sort de sa femme et de ses parents, il s'était faufilé jusqu'à leur maison qui se trouve à Prenant, sur la route d'Aillant.
Le calme semblait revenu ... Aussi comment tait-il la situation avec des voisins sur le pas de sa porte, quand plusieurs voitures allemandes débouchèrent. Pris de peur, il se sauve dans les champs mais les allemands l'ont vu. Ils tirent et l'abattent. Il n'est que blessé ... on vient chercher le Docteur qui part avec le Curé. La victime a deux blessures dont l'une grave. Le Docteur craint une hémorragie. Il faudrait que le blessé soit transporté à Montargis. Les Allemands ont déjà refusé l'évacuation des blessés.
Tant pis ! On va revenir à la charge ! De retour à Châtillon on se rend sur la place du Cheval Blanc où le Commandant allemand se tient en permanence. "Mon Commandant" dit le Curé un homme vient d'être blessé gravement. Le Docteur ici présent, déclare une intervention chirurgicale très urgente "Cette intervention n'est possible qu'à Montargis. Veuillez avoir l'obligeance de nous donner un laissez-passer."
"Ah ! non" répond le Commandant avec fureur. "Châtillon est un centre de terrorisme Personne n'en doit sortir. Si vous tentez de partir en auto on tirera sur vous, sans avis préalable. Même si vous usez d'une auto de la Croix-rouge."
Malgré de nouvelles supplications le Commandant reste inflexible. Sur ces entrefaites on apprend qu'à l'hôtel du Cheval Blanc 2 membres de la Gestapo en civil venus de Montargis interrogent et vérifient les identités des hommes arrêtés dans la matinée. Ces policiers sont peut-être plus humains ou bien ont-ils plus de pouvoir que les militaires ?
Le Docteur et le Curé entrent à l'hôtel et frappent à la porte du salon ou se tiennent ces Messieurs. Le Curé reprend les explications ... Pas de réponse. Le Docteur prend à son tour la parole, mais dès le début de son discours, il est interrompu brusquement.
"L'homme dont vous parlez a été blessé dans un champ ?"
"Oui Monsieur."
"Il se sauvait n'est-ce pas ?"
Je l'ignore répond le médecin.
" Eh bien Monsieur ... c'est bon en voilà assez n'insistez pas."
Tous ces refus ne présageaient rien de bon. L'interprète avait déjà dit plusieurs fois au Curé: "Grand malheur Monsieur pour votre petit pays." et voilà qu'on apprend qu'il était question de brûler le pays ou tout au moins l'Hôtel du Cheval Blanc en représailles parce que Châtillon était un centre de résistance et que les habitants avaient favorisé la fuite des terroristes... Quelqu'un se révéla alors à la hauteur de la situation devenue tragique. Ce fut Monsieur Roy, secrétaire de mairie. Il s'attacha aux Allemands, les suivit, les poursuivit, plaida, discuta, intercéda. Il fit tant et si bien qu'il obtint que pour se racheter Châtillon fournit une amende alimentaire transformée en rançon.
Il était huit heures du soir. Les allemands exigeaient immédiatement : 1000 oeufs, 150 litres de lait, 20 Kgs de beurre, 20 livres de porc, tout le tabac des débitants. La population consciente du danger imminent s'exécuta sur le champ. Le tambour de ville n'avait pas fini la tournée que de toutes parts, on voyait se hâter vers la place Becquerel, les femmes, les enfants apportant dans des paniers des pots des sacs, le prix de la rançon.
On vit de petites vieilles s'empresser à donner le quart de beurre qu'elles réservaient pour leur mois, ou le peu de lait qui devait faire leur déjeuner du lendemain.
En moins d'une demi-heure, le taux de la rançon était largement dépassé ... à la grande satisfaction des allemands qui, dans cette triste affaire y gagnèrent un bon et solide repas.
Châtillon était sauvé, mais avait à déplorer 4 morts et 6 blessés :
2 morts de la résistance
2 morts civils " Fernand Moret " fardier Madame Eliane Darchy Vve Brossard (tuée en ouvrant sa fenêtre).
2 blessés de la résistance
4 blessés civils : Mr Picard La Chapelle sur Aeg
Mme Léaux bonne à la ville Bon accueil
Mr Bongard
Pierre Perrier 6 ans.
En vérité, on peut remercier Dieu qu'il n'y ait pas eu plus de victimes.
Dans l'après-midi de cette journée, plusieurs voitures allemandes, se rendirent au Charme brûlèrent la ferme des Parts, en bordure de l'Yonne et tuèrent 9 hommes de la résistance.

19 Août : Vers 2 heures de l'après-midi, on entend des coups de feu. On a la sensation qu'on tire dans Châtillon ... C'est tout simplement une rencontre, au carrefour des routes de Rogny, d'Adon et du chemin des Toques entre un petit détachement allemand et des gars de la Résistance. Bilan : 2 morts et 10 prisonniers allemands.

21 Août : 3 gars de la Résistance dont 2 de Montbouy sont fusillés à Pressigny.
Ce sont : Daveau du hameau de la Borde Montbouy
Ligier au bourg Montbouy
Beaulande St Geneviève.

22 Août : Vers 7h 1/4 du soir, la mitrailleuse se fait entendre du coté du frg St Lazare.
Un camion allemand remontant le faubourg se heurte à une reconnaissance américaine. Le détachement américain composé de quelques autos blindées ouvre le feu, tue les 2 conducteurs et brûle le camion.
D'autres allemands venant par le pont du Puyrault, traversaient Châtillon à l'opposé de St Lazare et allaient prendre position sur la route d'Aillant et derrière les murs du Parc. Une batterie antichar installée sur le chemin des Cacodeaux prend sous son feu, les américains qui occupent St Lazare et un autre détachement qui se défile entre la route de Nogent et Ste Geneviève.
Les deux adversaires tirent par dessus la vallée mais Châtillon prend tous les coups courts. L'Eglise qui domine reçoit 7 obus antichars allemands. Dieu merci ! Ces obus ne mettent pas le feu. Il n'en est pas de même aux fermes du Bréau et de la "Grange rouge" où de graves incendies se déclarent.
Les Américains, après cette petite échauffourée font demi-tour et les Allemands se réinstallent à Châtillon.

23 Août : Dès le matin, les Américains se présentent devant Châtillon. La fusillade recommence (on entend tirer dans toutes les directions). A neuf heures les Allemands font donner l'ordre aux habitants par le tambour de ville "de rentrer immédiatement dans leurs maisons et de fermer toutes les portes et fenêtres car on tirera sur quiconque se montrera dans la rue". Une minute après, on ne voyait plus dehors âme qui vive sauf les patrouilles qui circulent un peu partout.
Le canon gronde autour de la ville.
Vers 1 heure sans avertissement, les allemands se retirent en direction d'Aillant ... et vers 2h 1/2 les premiers blindés américains franchissent le pont du Puyrault. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre ... Les habitants qui n'osaient sortir, se répandent dehors. Les rues vides et mortes, un instant auparavant, s'emplissent d'une foule joyeuse qui fête les Américains et clament à tous les échos de la libération.
Les américains sont à Châtillon, mais les allemands résistent encore autour de la ville. Les combats continuent ... C'est dans cette soirée, qu'un habitant de Châtillon nommé Coute voulut faire prisonnier 3 allemands qu'il apercevait sur la route de Rogny ... Il s'avança vers eux armé d'un pistolet ... mais avant de les atteindre, un des allemands avait tiré et tué ce patriote imprudent !
Ce même jour vers 5h du soir un convoi allemand qui descendait de Chateaurenard fût surpris et arrêté à la Chapelle sur Aveyron par quelques blindés américains ... Ces allemands qui appartenaient à des services d'arrière, se repliaient de Montargis. Ils étaient peu armés. Aussi furent-ils décimés. Ils abandonnèrent 10 morts ... un grand nombre de leurs voitures brûlées, brisées inutilisables restèrent sur le terrain.
Le lendemain, on pouvait voir les traces du combat et des destructions sur plus d'un Kilomètre de long ...
Beaucoup de chevaux abandonnés furent récupérés sans bruit, par nos cultivateurs. Le village n’eut pas beaucoup à souffrir. Cependant la grange et toutes les récoltes de M. Dewilae qui habite les Moltemps furent incendiées et détruites.
Un orage extrêmement violent sauva le reste du convoi en mettant fin au combat. Les Américains se retirèrent.
Les Allemands en profitèrent pour traverser la Chapelle et s’engager vers St Maurice et Aillant. Dans cette échauffourée la population perdit 1 tué Mr Fromont qui travaillait à la batteuse, 1 blessé Mr Ernest Fourgeux des Paillasses.

24 Août : Les allemands en retraite ont traversé la ville toute la nuit. Au matin les Américains reviennent. Ils installent leurs blindés place Becquerel face à toutes les directions. On entend la mitrailleuse et des coups de feu ; car les allemands, qui n’ont pour traverser le Canal que le pont de Châtillon. (La résistance a fait sauter les ponts de Dammarie et de Rogny) cherchent constamment à forcer le passage mais vainement.
Vers midi, 3 voitures de la Gestapo débouchent en trombe de la route d’Aillant ... Ces messieurs sont envoyés en éclaireurs. Le gros du détachement attend aux Sablons.
Ils viennent pour faire un exemple à Châtillon centre de la résistance, qui s’oppose au passage de leurs troupes venant de la Loire.
Ils doivent prendre des otages ... On a plus tard retrouvé les ordres dont ils étaient porteurs. Heureusement une mitrailleuse américaine prend les policiers sous son feu. 5 sont blessés dont le chef.
La population voudrait qu’on les achève, mais les américains s’y opposent et les transportent à l’Hospice ou le major leur donne des soins.
Le chef allemand a reçu une partie de bande de mitrailleuse dans le coté. Le major lui pratique la transfusion du sang. Il s’inquiète même de sa religion et comme il apprend que le blessé est Catholique, il envoie chercher le Curé. Celui ci arrive aussitôt, et administre les derniers sacrements à ce blessé qui était de Nuremberg, marié et père de deux enfants.
Il mourut dans la soirée.
Les exécutions d’Aillant.
Ce même jour 24 Août il devait se passer à Aillant des scènes pénibles.
Les allemands s’étaient fixés dans 2 fermes de cette commune Colandon et les Gaujards pour attendre et défendre leurs retardataires qui venaient de Châtillon.
A Colandon, il y eut combat entre américains et allemands. Ceux-ci abandonnèrent la ferme avec les morts. Un domestique de la ferme, M. Jobert de Châtillon fût tué une autre domestique blessé.
L’incident le plus grave se produit à Aillant.
La ferme des Gaujards située à 500 m du bourg était occupée par les allemands. Ceux-ci se gardaient par des sentinelles.
Or, dans la journée, une voiture de la résistance, portant au capot le drapeau français s’arrêtait à l’extrémité du pays, face aux Gaujards. La maîtresse d’école vint rejoindre l’auto et montra aux occupants la ferme ou se trouvait l’ennemi.
L’auto tira quelques rafales et se retira.
Aussitôt les Allemands furieux se précipitent sur Aillant, mettent le feu à la mairie et à l’école qui furent complètement détruites.
L’institutrice ne dut son salut qu’à la fuite et surtout au fait d’avoir échangé chez un voisin sa blouse blanche, trop reconnaissable pour des vêtements quelconques.
Les soldats se répandent dans le pays et brûlent encore 3 maisons ... puis ils se mettent en quête de trouver le maire et le Curé.
Le maire était dans le pays, aidant courageusement à combattre les incendies, mais à Aillant, il n’y a que des bons français, personne ne le dénonça car tout le monde avait compris ce que l’ennemi voulait faire.
Quand au Curé, comme il réside à Dammarie / Loing, les allemands n’osèrent pas s’aventurer jusque là.
Alors pour se venger, ils saisirent 2 hommes au hasard qu’ils prirent chez eux en train de travailler. M. Leclerc sabotier ancien maire, M. Bizot grand blessé de guerre, retiré à Aillant.
Malgré leurs protestations d’innocence, les victimes furent poussées sur la route du cimetière et fusillées au pied d’un arbre en bordure de la ferme du petit moulin. Défense fut faite d’enlever les corps avant 24 heures.
Puis les allemands fouillèrent toutes les maisons du bourg, en firent sortir les habitants terrorisés qu’ils entassèrent à l’église. Beaucoup croyaient leur dernière heure arrivée car on n’ignorait pas que des civils enfermés dans les églises, y avaient été brûlés.
Les soldats se contentèrent seulement de se régaler avec les provisions des ménagères et de coucher dans de bon lits.
Néanmoins quand le lendemain matin, un sous officier, vint avec son plus joli sourire, affirmer aux prisonniers qu’ils étaient libres, ceux-ci n’en croyaient pas leurs oreilles. Ce fût une vraie délivrance !
Entre temps, les allemands avaient encore fusillé à la ferme des Gaujards, 2 puisatiers M. Marcus et M. François Valery de la Chapelle. Ces hommes avaient été trouvés, porteurs de tracts étrangers.

La libération Quel soulagement quand le vendredi 25 Août on apprit que les allemands s’étaient retirés au delà du Charme, dans la direction de Champignelle et qu’on vit les Américains s’installer à Châtillon. Sans doute, on entendait encore des coups de feu. Il y avait des allemands réfugiés dans les bois et même dans les maisons. Mr Emile Imbert de St Lazare en cueillit 9 dans sa grange mais la plupart n’avait qu’un désir : "se rendre". Les Châtillonnais que l’inquiétude avait rongés pendant plusieurs jours, dans leur foie débordante sortaient déjà des drapeaux. Certains voulaient sonner les cloches. Judicieusement la mairie s’opposa à toute manifestation prématurée, déclarant qu’elle se réservait d’indiquer le jour et l’heure où l’on pourrait pavoiser sans danger.
Le lendemain à 9h le drapeau français était hissé à l’Hôtel de ville et au clocher.
En un instant les fenêtres se fleurirent comme par enchantement des couleurs françaises et alliées.

26 Août : De 9h à midi et demie, des équipes de jeunes gens se relayèrent pour sonner les cloches à toute volée. Ce samedi 26 Août fût spontanément et d’un commun accord, jour férié. Tous étaient descendus dans les rues. On s’abordait le sourire aux lèvres, on s’interpellait, on rappelait les derniers événements, on riait, on laissait éclater sa joie. On était tout au bonheur de la "Libération". En fin c’était vrai on était délivré d’un cauchemar de quatre années !

27 Août : Le 27 Août était un dimanche.
La veille, tous les français sans distinction d’opinion ou de croyance avaient fêté la Délivrance officielle.
Aujourd’hui, les chrétiens entendaient remercier le Ciel pour leur compte personnel. Sans qu’on eût lancé d’invitations, l’Église à 8h se trouva remplie pour la messe de Communion et à 10h 1/2 pour la Grand Messe.
Au prône le Curé tira la leçon des événements, exalta la grandeur de la France qui ne doit pas périr, et invita ses paroissiens à s’unir à lui dans le chant du "De Profundis" pour les victimes de la région et dans un fervent Magnificat de Reconnaissance et d’Action de grâces.
Les fidèles y mirent tout leur coeur ainsi que dans le cantique "Catholiques et français... toujours !" Comme entrée Mr Maurice Raby organiste avait exécuté l’hymne anglais. A l’offertoire, il joua l’hymne américain et pour la sortie, il se lança dans une entraînante "Marseillaise" que les assistants eussent volontiers chanté à pleine voix, n’eut été la Sainteté du lieu.
Châtillon était sauvé !
Joyeux prélude de la Libération prochaine et définitive de la France tout entière !

 
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