La chronique présentée ci-dessous a été rédigée au jour le jour par l'abbé Robert Crespin, curé de Châlette à cette époque. L'abbé Crespin, né en 1895 à Beaugency, vint en notre région en 1921, comme abbé à Montargis. Il y demeura jusqu'en 1938, date à laquelle il fut nommé curé de Châlette qu'il ne quitta qu'en 1951 pour assurer la charge de curé de Montargis où il resta jusqu'à sa mort en 1961.
Dès son arrivée à Montargis, il adhéra à la Société d'Émulation dont il fut membre de 1923 à sa mort. Nommé vice-président de notre Société en 1945 il en devint président d'honneur en 1962. Nous lui devons de très nombreuses communications publiées dans notre bulletin et consacrées à la vie religieuse montargoise au cours des siècles, à ses couvents et aux édifices religieux. Son étude sur l'histoire de l'église de Montargis fait référence.
Le texte qui suit a été publié en premier dans le bulletin paroissial de Châlette puis réuni en une brochure de 40 pages depuis longtemps épuisée et introuvable. A la suite de nombreuses demandes et à l'occasion du cinquantenaire de la fin de la guerre, nous avons décidé sa publication dans notre bulletin, en y ajoutant quelques notes précisant les lieux simplement indiqués dans le texte de l'auteur par le nom des habitants concernés à l'époque. Comme il le signale lui-même, l'abbé Crespin était très conscient du fait qu'à son travail manquait une étude sur les déportations et la Résistance dans le Montargois, étude qui 50 ans plus tard n'a pas encore vu le jour.
Telle qu'elle se présente cette chronique est une contribution essentielle à l'histoire du Montargois pendant les années de guerre et complète le travail de M. Perruchot, consacré à la période 1939-1940 à Montargis et publié dans les bulletins de la S.E.M., n°83 à 87.
Les photographies qui illustrent le texte sont l'œuvre de Monsieur Lemosse qui a bien voulu nous autoriser à les publier ce dont nous le remercions bien vivement.
V. - LA LIBÉRATION de CHALETTE et MONTARGIS
VI. - LA FIN DE LA GUERRE.
On voudra bien excuser les imperfections de ce travail.
L'auteur ne prétend pas faire une oeuvre définitive , d'autres, plus
compétents que lui, pourront dire, par exemple, l'organisation et l'action de
la Résistance locale. Il se contente de donner les faits qu'il a recueillis au
jour le jour.
1. - La Guerre de 1939
Samedi 26 Août. - On apprend, dans l'après-midi, que « les régiments de couverture » (affiche n° 6) sont appelés. L'Abbé Burget, Vicaire à Montargis, est averti au confessionnal. Il revêt aussitôt son costume d'officier et vient dire au revoir à l'un de ses amis « ou plutôt adieu, car je ne reviendrai pas... J'ai offert à Dieu ma vie pour les militants d'Action Catholique et j'ai senti qu'Il l'avait acceptée »!
Mercredi 30 Août. - Des familles de Lorraine ou de Paris arrivent en auto et cherchent un logement.
Vendredi ler Septembre. - La radio du matin annonce que les Allemands viennent d'attaquer la Pologne. Dans la rue, par petits groupes, on commente les événements.
Samedi 2. - C'est la mobilisation générale ! Des centaines d'hommes -s'arrachent à leurs familles en pleurs, et partent...
Dimanche 3, - A partir de 17 heures, nous sommes « en état de guerre ». Une compagnie qui monte au front, couche dans la Salle Ozanam , sur la paille ; les officiers ne veulent pas croire au conflit et espèrent encore que tout s'arrangera.
Lundi 4 Septembre. - Sur les 10 heures, la sirène
d'alerte retentit et beaucoup sont persuadés que les avions allemands viennent
pour bombarder Langlée ; les ouvriers ont tous fui dans les champs.
Mercredi 6 Septembre. - A 11 heures du soir, 150 évacués de Montreuil-sous-Bois arrivent à la Salle Ozanam et vont coucher sur la paille, jusqu'au lundi 11 ; ils ont quitté leur logement très vite en entendant la mitrailleuse d'un avion et ils sont ici avec très peu de vêtements. Ils mangent quelques jours à l'école des filles. Puis, la municipalité les loge en diverses maisons : quelques-uns sont corrects et délicats, mais d'autres sont exigeants; et ceux qui les ont acceptés avec charité les voient repartir avec joie. La plupart retournent chez eux en octobre et novembre. Quelques-uns resteront jusqu'à l'exode.
Jeudi 14 Septembre. - En la fête de l'Exaltation de la Sainte-Croix, l'Abbé Burget tombe en terre sarroise. Il avait reçu l'ordre d'avancer avec ses hommes, en territoire ennemi. Arrivant devant un champ de mines, il voulut les désamorcer lui-même pour ne pas exposer ses soldats. Il réussit pour plusieurs. L'une qui éclata le blessa légèrement, il refusa d'aller à l'arrière pour être pansé et il continuait sa tâche quand une autre mine sauta et le tua net.
Dimanche 7 Octobre. - Sous la présidence de Monseigneur l'Evêque, un service de Requiem est célébré dans l'église de Montargis, pour l'âme de l'Abbé Burget. Il est le premier prêtre tué, de France, et la première victime de la guerre, du Loiret.
Octobre-Avril. - La guerre continue, sans incidents sur
le front français. « La drôle de guerre », disent les gens ! Des prisonniers
politiques et des civils allemands sont internés à la verrerie de Cepoy .
Trois Châlettois, mobilisés, meurent de maladie : MM.
Ludovic Garnier, Creuzet et Arliguie.
II. - L'Exode
10 Mai 1940. - Les Allemands attaquent la Belgique. A 5 heures du matin, on entend le bruit d'un avion allemand et le-tac-tac d'une mitrailleuse.
11 Mai.- A 11 heures du matin, tout-Montargis est remué par l'éclatement de deux bombes qu'un avion lâche à Saint-Firmin-des-Vignes.
13 Mai. - Des réfugiés belges arrivent en auto.
24 Mai. - Deux à trois mille réfugiés sont au stade, couchant dans les sous-sols du vélodrome et dans les classes de l'école de plein air. D'autres sont à Châlette, dans les baraquements qu'on vient d'installer, route de Paris. Ce ne sont plus des Belges, mais des gens de l'Aisne et de la Marne.
4 Juin. - Bombardement de la région de Paris.
Lundi 10 Juin. - Les réfugiés qui arrivent sont
maintenant de la région nord de Paris. Des troupes aussi évacuent et
certaines s'installent deux jours à la Salle Ozanam. Des Montargois et
Châlettois commencent à partir.
Paul Reynaud annonce l'entrée en guerre de l'Italie. Rouen
est pris. Dans la bataille qui dure depuis un mois, bien des soldats sont
tombés vaillamment. Citons les Chàlettois :
Alix Prangé, mort
dans les eaux de Norvège, Pierre Renoux, tombé à Dunkerque ; Gustave Dumet et
René Malissard, blessés mortellement en Champagne. M.Joblet-Duval, du Château
de Lancy.
Citons également les soldats tués, de Vésines : MM.Jean
Guigneno, Robert Isselin, Robert Klein, Robert Jumeau, Paul Boitte, Jean Moura,
Paul Dieudonné, René Dumas et Octave Bailly.
Vendredi 14 Juin. - La radio de midi apprend que les
Français ont abandonné Paris et que les troupes se replient en « bon ordre »
sur la Loire.
Dans l'après-midi, Langlée paie ses ouvriers, donne un pneu
à chacun et annonce que les bureaux sont évacués à Limoges . La gendarmerie,
la police, les administrations, les banques ont l'ordre de partir.
Toutes ces nouvelles provoquent un affolement général.
Beaucoup essaient de prendre un train et attendent des heures sur la place de la
gare. D'autres ont surchargé leurs automobiles de matelas et de linges.
D'autres partent en vélo ou à pied, en poussant une remorque. D'autres enfin
obtiennent la permission de monter sur un camion militaire ou sur un bateau du
canal.
Samedi 15 Juin. A 1 heure du matin, les mairies
reçoivent l'ordre d'évacuer les enfants, les malades, les vieillards. A 3
heures du matin, le garde-champêtre de Cepoy circule avec sa sonnette pour
avertir les gens ; à Montargis. l'ordre est affiché.
Toute la nuit, les réfugiés n'ont cessé de passer, en
pleine obscurité, dans une cohue épouvantable de camions et d'autos, de
cyclistes et de piétons.
Dimanche 16 Juin. -La matinée est assez calme. Toutes
les boulangeries de Montargis et Châlette sont fermées, mais quelqu'un a eu
l'idée, le samedi soir, d'aller jusqu'au camp de Mignères et a constaté qu'il
y a là des milliers de boules de pain abandonnées.
Vers midi, après le passage d'un dernier train, le pont du
canal, à Bûges, sur la ligne de Corbeil, saute.
Dans l'après-midi du dimanche, des hommes de bonne volonté,
de Montargis, Vésines et Châlette, vont plusieurs fois à la station de
Mignères. C'est un spectacle assez pittoresque de voir dans la même benne
municipale des prêtres et des laïcs qui n'ont pas précisément les mêmes
idées ; ils sont tous unis par le même désir de rendre service. Ils
rapportent du pain, du chocolat, des conserves qui seront distribués au Foyer
Jociste de Vésines, dans la cour Ozanam, à la Salle Lavigerie.
Vers 16 heures, des tanks allemands sont à la limite de
Montargis, route de Courtenay: des gens qui les aperçoivent les prennent
d'abord pour des Anglais et leur font fête...
Le Lundi 17 Juin, les combats vont continuer dans la
région nord-ouest de Montargis. Les troupes allemandes qui, le dimanche
après-midi, ont occupé Beaune-la-Rolande et Corbeilles, reprennent le lundi
matin leur marche en avant et se heurtent à la 41e Division d'Infanterie
Française. Celle-ci devait se replier sur Châtillon-Coligny et Briare, mais le
général Bridoux, qui se sentait encerclé à Bazoches-sur-le-Betz, donna
l'ordre de changer de direction.
lV - La Guerre de 1944
Depuis Juillet 1940, Châlette connaissait l'occupation allemande avec toutes ses conséquences, mais la guerre se passait au loin. Une fois, un samedi de 1942, deux avions, allemand et anglais, s'étaient mitraillés au-dessus de Châlette et des balles perdues étaient allées briser quelques tuiles de la Maison Bannery .Dans les premiers mois de 1944, les escadrilles alliées passèrent plus nombreuses et les gens s'amusaient à regarder ces forteresses géantes qui laissaient derrière elles un sillage de blancheur. Parfois, on entendait dans le lointain quelque combat d'avions et l'on apprenait ensuite la chute de l'un ou de l'autre à Pannes, à Courtempierre, à Paucourt.
Le Jeudi 11 Mai, l'agglomération montargoise allait
connaître son premier bombardement qui, Dieu merci, fit très peu
de dégâts.
Dans la nuit du 19 au 20 Mai. en même temps que les Aubrais étaient bombardés, une fusée était lancée au dessus de la gare de Montargis. Les habitants qui n'avaient pas cru jusque-là au danger commençaient à s'inquiéter et dès qu'il y avait alerte, beaucoup partaient en vélo dans la Garenne. D'autres s'étaient réfugiés au Lancy ou à Amilly, s'y croyant parfaitement à l'abri.
Le Mardi 6 Juin, nous avions dans la matinée 6 ou 7 alertes.
Vers 9 heures, on parlait d'un débarquement aux environs du Havre. Un cheminot
de Châlette, M. Godard, était blessé à la joue, sur la ligne de Gien.
Le Dimanche 25 Juin, vers 8 h. 15, des avions
mitraillaient sur la ligne de Gien un train d'essence qui se trouvait en face la
rue Pasteur, et un train de munitions qui était à la hauteur de Saint-Firmin
et d'Amilly. L'essence flambe et, dit-on, mit le feu à une grange. Au fur et à
mesure que les wagons de munitions étaient atteints par les flammes, de très
fortes détonations éclataient qui mettaient les gens en grand émoi. Des
débris de la locomotive étaient projetés à 500 mètres de là, des toits
étaient abîmés et des vitres sautaient un peu partout, même à
Châlette (Place Bichet-Rondeau et Route de Paris). Les verrières des églises
de Saint-Firmin et d'Amilly étaient particulièrement touchées, les gens
étaient affolés, et au moment de la grand-messe, nous avons si peu de monde
que nous la remplaçons par une messe basse.
Le Mercredi 28 Juin : 9 h. 30, trois ou quatre avions
sont au-dessus de l'église de Châlette, quand ils lancent 15 à 20 objets,
qui, d'abord, nous paraissent des bombes, puis des paquets de tracts, tournant
sur eux-mêmes. En réalité, ce sont des bidons d'essence de 100 litres qui
sont à peu près vides et qui vont s'échouer rue Jean-Jaurès, rue Marceau,
rue Zola, rue Kléber, à la Demi-Lune, etc...
Presque en même temps, un avion pique et va mitrailler,
route de Paris, un train de « ballastre ». La machine est perdue, mais les
ouvriers s'en tirent là bon compte: l'un d'eux a ses vêtements troués, un
autre son cuir chevelu touché. Des balles vont se perdre dans les maisons
Duchesne, Gasparini, Guilleray, etc...
Vers 10 h. 30, un affolement général s'empare de Châlette
et de Montargis. On affirme que les Anglais ont lancé des tracts annonçant le
bombardement de la ville dans une heure. Qui a lancé le bobard ? Est-ce un
mauvais plaisant qui a parié ? Seraient-ce des gens désireux de piller ? Ne
seraient-ce pas plutôt des craintifs qui ont pris les réservoirs pour des
tracts ? Toujours est-il que tout le monde y croit, et qu'on part avec un paquet
sous le bras, traînant une malade dans une remorque, un vieillard dans une
brouette. Certains feront des kilomètres et ne rentreront que dans la
soirée...D'autres resteront dans leur abri pendant des heures. Il faudra une
plaisanterie pour les en sortir. « Les Anglais viennent d'envoyer un nouveau
tract... Ils s'excusent, mais ils ne viendront bombarder qu'un autre jour. »
Cette fois-ci, on a compris, et l'on rentre chez soi l'oreille un peu basse.
Le Mardi 4 Juillet entre minuit et 3 h. 112, un avion rôde au-dessus de la région. Il mitraille deux trains entre Ferrières et Montargis, blessant- une vingtaine d'Allemands et de G. M. R . Il mitraille sur le Pâtis où sont cachés des camions ennemis : une femme est légèrement blessée. Il jette enfin trois bombes dans le quartier du Lancy sur les ponts de la ligne de Corbeil. Des éclats s'en vont un peu partout, brisant des carreaux, pénétrant dans des greniers, chez MM. Lucas, Legendre, Métier, Lheure, etc. Chez M. Goffin, un éclat entre dans la chambre où il repose tranquillement et tombe au pied de son lit, tandis que des morceaux de vitres recouvrent ses draps.
Le Jeudi 6 Juillet, au matin, les deux omnibus de
Montargis-Paris sont mitraillés et bombardés : sur la ligne de Moret, avant
Dordives, il y a 2 tués et 7 blessés ; sur celle de Corbeil (à
Briare-Essonnes), il y a 7 tués et une trentaine de blessés, dont un
Châlettois.
Ce même soir, vers 20 heures, alors que tout le monde
dînait, passe une forte vague de « forteresses » et peu après retentissaient
des détonations qui font trembler les maisons : ce sont les ponts de Gien et de
Sully qui sont bombardés.
Le Vendredi 7 Juillet vers 17 h. 30 quelques avions
circulent; nous les voyons piquer dans la direction de Mignères où ils
atteignent le « faisceau » de la station et quelques vieilles machines.
Au matin du 8 Juillet, nous avons notre 3e
bombardement: : un ou deux avions rôdent de 1 heure à 5 heures. 4 bombes
sont lancées sur le Dépôt S. N. C. F., en même temps que la gare et un
camion, à la Demi-Lune, sont mitraillés (on retrouve le lendemain des balles,
rue Voltaire). Puis 3 autres bombes sont jetées sur la voie en face le
Petit-Lancy et elles tombent dans le champ de tir. La même nuit, cinq bombes
viennent échouer dans le parc et la pelouse du château de la Brûlerie, à
Douchy, bien connu de nos colons de la Cité Notre-Darne.
Le Mardi 11 Juillet, la " Résistance " est maîtresse pendant quelques heures de Châtillon-Coligny.
Le Mercredi 12 Juillet. l'avion habituel recommence ses rondes nocturnes et vers 2 heures du matin il lance 4 nouvelles bombes, au Lancy, sur les ponts de la ligne de Corbeil; elles tombent assez près de Bûges, faisant sauter les vitres de l'éclusier.
Le Jeudi 13 Juillet, nous allions connaître notre 5e
bombardement, un des plus sérieux. Vers 11 h. 30, un avion passait assez
bas, inspectant la ville, quand la D. C. A. d'un train allemand, stationné en
gare, le salua au passage.
Le même soir, à 18 heures, nous étions à peine en alerte,
quand une formation de 15 à 20 avions, en formation régulière, arriva sur
Montargis et tourna au-dessus de nos têtes. Puis sortant des nuages deux à
deux et suivant la voie ferrée, du Lancy à la Chaussée, chaque avion lança
deux bombes. Il y eut, dit-on, 42 points de chute. Une bombe s'était échouée
dans la Garenne projetant ses éclats sur les maisons du Gué-aux-Biches, à la
baignade où les baigneurs furent affolés, et jusque sur Vésines.
Une autre tomba à la gare, sur le bâtiment de la petite
vitesse qu'elle incendia ; son souffle et ses éclats abîmèrent fortement une
dizaine de maisons de la route de Paris ; certaines, comme celle de M. Chaumeron,
étaient inhabitables. D'autres éclats s'étaient déversés sur tout
Châlette-Bourg, rue Kléber, rue Gambetta, et même sur la place de l'Eglise.
Un éclat large de la main avait pénétré jusqu'au rez-de-chaussée de la
maison de Mme Rossignol, rue Lazare-Carnot. A 50 mètres de la « petite vitesse
» attendait un train où pouvaient être 600 voyageurs. Bien que beaucoup
n'eurent pas le temps de gagner le souterrain, personne ne fut atteint.
Lundi 17 Juillet. nous avons eu 14 ou 15 alertes. Vers 10 heures, pendant qu'on célèbre dans l'église de Montargis les obsèques des tués du 12, une forte vague d'avions passe ; elle va bombarder le pont de Gien et un homme de Cepoy, ouvrier de la Maison Bornhauser, y trouva la mort.
Le Mercredi 19, à 2 heures du matin, une forte détonation retentit ; c'est la Résistance qui vient de faire sauter à Saint-Firmin le pont de chemin de fer de Nevers.
Le Vendredi 21, toujours à 2 heures du matin, des avions lancent 7 ou 8 fusées qui éclairent magnifiquement Montargis et Châlette. D'autres fusées seront lancées dans la nuit du 24 au 25, suivies aussitôt de bruits sourds : ce sont des caisse de munitions qui arrivent aux maquisards.
Le Dimanche 23, à 4 heures du matin, l'avion rôdeur mitraille, au Pont-aux-Vaches, une locomotive qu'il rate et un camion allemand qu'il atteint.
La nuit du 25 au Mercredi 26 est agitée ; dès minuit
30, éclatent trois rafales de mitrailleuses dont une réveille les. mieux
endormis ; il est vrai qu'elle arrose copieusement la place de l'église et la
chaussée de la rue Marceau. La prise d'eau qui, sans doute, était visée, a de
nombreuses traces de balles, ainsi que les maisons habitées par la famille
Boulan, MM. Bonneteau et Lévêque . Chez ce dernier, une balle entre dans la
chambre de son fils et va se fixer tout près du lit, où il reposait
tranquillement.
Le Jeudi 27 Juillet, nous avons notre 7e bombardement, le 3e par escadrille. Il est 20 heures 30 quand 9 bombardiers arrivent sur la gare et, descendant « à la feuille morte » de 1.500 à 200 mètres, ils lancent 18 à 20 bombes de 250 kilos, en même temps qu'ils mitraillent. Quatre bombes ont touché le dépôt S. N. C F., mais une seule a éclaté, arrachant le tender d'une machine. Trois autres bombes ont échoué dans un terrain vague, près du poste 1 et de la barrière d'Orléans. Dieu merci, il n'y a pas de victime et les dégâts des maisons sont minimes ; les tuiles et les vitres ont « sauté » dans le quartier de la barrière et des éclats de bombes ont-été projetés jusque dans l'Avenue des Tilleuls, chez M.Farrugia, et Place de la République, chez M. Millet.
Dans la nuit du 28 au 29, l'électricité ne donnant pas, il nous faut sonner les cloches pour avertir de l'alerte.
Le Dimanche 30 Juillet, vers 19 heures, deux avions qui
tournoient au-dessus de Mormant piquent sur un camion dont ils tuent les deux
occupants.
Ce même jour, vos prêtres l'ont échappé belle ; ils
avaient été dénoncés à la Feldgendarmerie pour une affaire de légionnaires
qui avaient pris le maquis. Les Allemands qui croient tenir... un nid de
résistance, fouillent le presbytère de fond en comble, et à tout prix ils
veulent trouver « le Curé de Châlette » que trois autos bariolées
recherchent un peu partout aux presbytères de Vésines et Cepoy, à Lancy, à
la barrière d'Orléans et même à Paucourt, en allant de porte, en porte.
Par un hasard... providentiel, ils rentrent bredouilles; le
lendemain, l'affaire est classée devant d'autres plus importantes.
Châtillon-Coligny surtout, leur cause du, souci depuis l'échauffourée de
samedi avec un groupe de résistance.Ils arrêtent d'abord tous les hommes,
même des vieillards et des enfants de 14 ans. Une quarantaine sont amenés à
Montargis et enfermés rue Dom-Pèdre dans l'ancienne « loge » . Certains
partiront pour Orléans et Compiègne.
Le Lundi 31 des « résistants » de Montargis, Châlette et Nargis sont arrêtés et emmenés sur l'Allemagne via Orléans et Fresnes.
Le Samedi 5 Août, à 19 h. 45, quelques avions
qui circulent mitraillent et bombardent un train à Solterre (1 mort et 2
blessés), lancent une bombe à Villeneuve, sur Amilly et attaquent la
station militaire de Mignères.
Le Dimanche 6 Août, à 4 heures du matin, la
gare est mitraillée. Des voyageurs couchés dans un train sont brusquement
réveillés et fuient en vitesse.
L'après-midi, vers 14 h. 30, une vingtaine d'avions
circulent au-dessus de Montargis. Ils s'attaquent d'abord à la périphérie,
bombardant la gare militaire de Mignères, mitraillant la station de repérage
de Gondreville, carbonisant un camion allemand sur la route de Puy-la-Laude. Ils
visent ensuite la gare de Montargis; 3 ou 4 bombes sont lancées sur le dépôt
S. N. C. F. et tombent tout près, mettant le feu à la forêt contiguë. Mais
leur objectif principal est d'atteindre les ponts de la ligne de Corbeil au
Lancy : 15 à 20 bombes sont jetées, faisant des trous énormes sur la voie et
détruisant le pont qui domine la jolie rivière de l'Oiseau-Bleu ; désormais
la ligne est inutilisable. Des éclats et des balles de mitrailleuses se
retrouvent dans les maisons qui avoisinent le passage à niveau mais, Dieu
merci, ce 7e bombardement n'a
fait aucune victime.
Les Montargois qui sortent de leur cave croient apercevoir,
rue Chartrain, une bombe non éclatée : aussitôt la rue est barrée, des
pancartes indiquent le danger. Mais le soir, pour la joie de tous, on
s'aperçoit que la prétendue bombe n'est qu'un simple culot, entré fortement
dans le sol.
Le Lundi 7 Août, la radio annonce que les Américains
sont à Château-Gontier et aux portes d'Angers. Les Allemands semblent
inquiets, certains demandent des habits civils ; des camions de déménagements
transportent des objets hétéroclites sur lesquels sont assis des soldats en
bras de chemise. Des autos suivent où se trouvent des officiers et des femmes,
et les autos sont recouvertes d'une immense croix rouge. Sans aucun doute, le
vent de la défaite souffle chez eux...
Le Mardi 8 Août nous -vaudra notre 8e bombardement, un
des plus violents. Il est un peu plus de 15 heures et les dizainières de
quartier discutent au presbytère des questions paroissiales quand un
bourdonnement très significatif arrête net les conversations et indique un
bombardement tout proche : il éclate en effet à coups redoublés et prolongés
et entremêlé de mitraille.
La nuit du Mardi au Mercredi 9 Août fut dure. On ne vit
jamais pareille nuit à Châlette. Jusqu'à 2 h. du matin les flammes montaient
toujours de l'usine des Goudrons, et donnaient de telles lueurs qu'il était
possible de lire à plusieurs centaines de mètres.
Un avion observateur circulait. Vers minuit et quart. il
mitraille et lance 4 bombes de petit calibre sur l'usine des Goudrons.
Vers 3 heures, la mitraille recommença : 2 bombes
détruisirent l'usine Terrat tandis que deux autres, tombèrent sur la gare,
tout près du faisceau. Entre temps l'avion mitraille les camions qui
remontaient sur Paris et au matin on retrouve des balles de mitrailleuses dans
la rue Gambetta.
Au matin, chacun parlait du bombardement de la veille et de
la nuit quand bientôt circula une rumeur qui prit vite une ampleur formidable :
« Les Américains sont à Orléans et ce soir.ils seront à Montargis ». On
précise même que ce sera à 17 heures. Certains affirment dans la journée
qu'ils ont entendu à la radio anglaise que Châteauneuf-sur-Loire est pris.
D'autres sont sûrs qu'« Ils » sont à Bellegarde, à Ladon... Dans l'attente
des commerçants ferment leurs boutiques, des ouvriers ne vont pas travailler,
les gens des rues Gambetta et Lazare-Carnot ont les yeux braqués sur l'avenue
de la Gare... et quelqu'un qui revient de la ville affirme que les premiers
tanks viennent d'entrer Avenue Gaillardin.
A Montargis, c'est la même folie collective ; beaucoup ont
également préparé leurs drapeaux et des bouquets de fleurs et quand, à l7
heures, on entend le bruit d'un gros tank, tout le monde se précipite... Hélas
! ce n'est qu'un gros tank allemand.
En réalité, la radio n'annonce que la prise d'Angers et du
Mans,. et ne dit rien des pointes avancées, mais ce qui a donné prise à ce
nouveau "bobard", c'est la panique qui grandit chez les Allemands sans
arrêt leurs voitures remontent vers Sens et Paris ;.des autos sanitaires qui
ramènent du Mans d'innombrables blessés pour les déposer à l'hôpital et à
la caserne, créent Faubourg de Lyon et Rue Dorée un.embouteillage complet. La
Gestapo de Blois fuit vers l'est ainsi que le préfet régional Chiappe, et la
L. V. F.,, installée dans l'école du Boulevard Durzy, se prépare hâtivement
à les suivre.
Le Jeudi 10 Août, vers midi moins le quart, après une
longue alerte, la mitraille éclate tout autour de Montargis et un nuage de
fumée monte de l'autre côté de la ville : en fait, des camions ont été
incendiés sur la route de Lyon ; le train qui vient de Paris a été mitraillé
par 3 avions en rase-motte, près de la barrière de la route de Corquilleroy
(il y a un tué, un mourant et 3 blessés). Le pont de la voie d'Orléans sur le
canal à été bombardé de 2 petites bombes : il n'est pas atteint, mais la
voie est coupée près de Sainte-Catherine.
Dans l'après-midi, vers 17 h. 30, nouvelle séance de
bombardement et de mitraille : 4 bombes sont jetées à nouveau sur les
fameux ponts de Corbeil ; elles tombent dans un petit bois et leurs éclats se
dispersent jusque dans la rue Waldeck-Rousseau. Presque en même temps, les avions
mitraillent Route de Paris, en face la Balastière Lemaire , à la
Cressonnière, sur Fontenay, et le train arrêté le matin à la barrière de
Corquilleroy est à nouveau visé... Des camions allemands fument encore une
heure après sur la route de Courtenay. Dans la journée, une dizaine
d'Allemands auraient été tués par ces divers mitraillages.
Le même jour, une échauffourée éclate à Châteaurenard
entre les Allemands et la Résistance, avec des tués de chaque côté. Les
Allemands prennent 11 otages et menacent de les fusiller si, un des leurs, fait
prisonnier, n'est pas rendu. Celui-ci en est navré, car il croyait la
guerre finie pour lui ...
Vendredi 11 Août : la nuit est calme, à part quelques
détonations lointaines. Des hommes de la résistance, en costume, circulent
avec audace, route de Paris et au Lancy. A la porte de la gare, un écriteau
marque : « Suppression totale des trains ». A 10 h., devait avoir lieu
l'enterrement de M. Dinton, tué le mardi à Lancy. Juste à 10 h. passent trois
vagues de forteresses et tous se réfugient ou dans notre abri ou dans le
sous-sol de l'église. A 10 h. 30, l'office commence sans messe pour
être plus court, mais pendant que les assistants saluent la famille dans
l'église, des avions qui ne cessaient de rôder lancent deux bombes sur le
dépôt S. N. C. F.: l'une abîme 2 machines et l'autre se brise contre la
palissade de la gare, route de Paris. A l'église, les gens sont affolés, se
couchent par terre, courent à l'abri, se cachent dans les confessionnaux...
L'après-midi, vers 15 heures, nous subissons notre 13e.
bombardement : 10 bombes sont tombées sur le terrain
de la gare, brûlant quelques wagons. Une 11e éclate en pleine route de
Paris, en face la maison Wegmann, abîmant un peu plus les maisons proches,
soufflant encore les toits de la rue Kléber. Une 12e tombe en forêt,
près du Pont-aux-Vaches, où elle provoque un incendie.
Samedi 12 Août 14e bombardement, un des plus
longs que nous ayons subis. De 10 h. 30 à 11 h. 1/4, les bombes et la mitraille
ne cessent guère. La gare reçoit 15 à 20 bombes et est, cette fois, bien
touchée. Le faisceau, à la sortie de la Rotonde, est brisé. Des wagons et
l'atelier de réparations sont en feu. Des morceaux de rail sont projetés rue
Kléber, rue Gambetta et avenue de la Gare. 8 bombes sont lancées sur un train
aux Basses-Varennes, le train brûle, mais 2 maisons de la rue Jules-Leloup sont
détruites et d'autres sont abîmées. Une autre bombe est tombée à
plat. avenue de la Gare en face la maison des Petites Affiches Montargoises ,
elle rebondit juste à point pour passer par une fenêtre ouverte au 1er étage
et toujours sans éclater.
Une bombe enfin est tombée rue Kléber, dans le jardin de
Mlle Lacoste. où elle comble un abri où, Dieu merci, il n'y avait
personne ; elle rase tous les légumes du jardin qui semble recouvert de cendre
et elle fait des dégâts importants aux maisons environnantes. surtout chez
Mlle Lacoste, Mme Druguet, Mme Lauret, M. Noel, Mme Conneau.. Des bombes
et de la mitraille sont également projetées tout autour de Montargis : à
Mignères, Gondreville.
Le même jour, Montargis devient ville sanitaire et reçoit
ou va recevoir 2000 blessés allemands qu'on installe à l'Hôpital, à
la Salle des Fêtes, à la Caserne. Ils sont dans un état lamentable et
les soins ne peuvent être que rudimentaires, il n'y a que de l'eau pour laver
les plaies, que du papier pour les panser ; des boîtes de conserves servent de
verres...
Pendant une demi-heure, vers 10 heures, les avions
bombardent, à Saint-Maurice-sur-Fessard, un convoi allemand (c'est la
kommandantur du Mans qui se replie).
Le Dimanche 13 Août est plus calme que les jours
précédents, au moins pour Montargis et Châlette. A Chailly, quelques bombes
soufflent les toitures du bourg. A Montbouy, où une péniche est mitraillée,
une jeune batelière est tuée.
A Châlette, après les 5 bombardements des 3 jours
précédents, nous .jugeons plus prudent de dire les messes dans la crypte.
L'assistance est maigre, surtout pour la messe de 10 h. 30 qui ne sera qu'une
messe basse : elle commence avec 3 personnes et finit avec 12 ! Il est vrai
qu'à 10 heures nous étions en alerte et qu'un avion mitraillait à la hauteur
du Petit-Lancy le camion-poste de Vichy et en blessait les 3 occupants. Nous
recevons l'ordre de la sous-préfecture que les offices religieux ne durent pas
plus d'une demi-heure (rien n'est interdit aux cinémas !). Quant aux
enterrements, le prêtre devra conduire les corps directement de la maison au
cimetière.
La nuit du 13 au Lundi 14 Août est
assez mouvementée. Le Allemands qui sont au Château de Châlette depuis
plusieurs jours, tirent de temps en temps des coups de fusil... Ils sont dans la
crainte des « terroristes ». Vers 1 h. 30, on entend à nouveau l'avion
rôdeur : certains l'appellent " Jean-Marie " parce qu'il est... têtu
comme un Breton. D'autres le nomment « Azor » parce qu'il est fidèle et
hargneux comme un chien. Il lance brusquement trois fusées et deux bombes qui
tombent sur l'usine Saint-Gobain : elles mettent hors d'état plus de 4.000
mètres carrés de toiture des magasins d'engrais. Le mitraillage perce
plusieurs cuves. L'avion mitraille également le Pâtis et les
Belles-Manières où se dissimulent des camions.. et il récidive à 3 h. 30.
Les Allemands du Château de Châlette ne se sentent pas en
sécurité ; ils plient bagage, brûlent tout ce qu'ils ne peuvent emporter et
à 7 h. ils partent... sans laisser de regrets.
Des événements plus graves se passaient aux environs de
Lorris où se dissimulent deux maquis. Les Allemands entourent au petit
jour l'exploitation forestière qui est au « Carrefour d'Orléans ». On y soignait
des maquisards blessés dans les dernières embuscades. La découverte de
quelques' brassards F.F.I. déclenche la fureur des nazis. Ils forcent les
blessés à sortir dehors, et à rester debout sans vêtements, les bras levés,
pendant plus d'une heure ; puis ils les fusillent, ainsi que le chef de
l'exploitation, M. Charton, et deux gardes.
Des maquisards sans armes, venaient à Lorris. Ils sont
arrêtés, sont forcés de creuser leurs tombes et sont martyrisés avant
d'être tués. Un garde, chez qui on a trouvé des armes, est brûlé avec sa
maison ; d'autres, qui marchaient tranquillement sur la route, sont mitraillés
d'une auto qui arrive derrière eux. Ainsi meurent 60 à 70 hommes, dont l'Abbé
Thomas, de Fay, et une vingtaine d'habitants de Lorris. Certains échappent par
miracle : ainsi M. R. et ses camarades ; toute la journée, ils restent
cachés dans la fougère à quelques mètres des nazis. Deux autos-mitrailleuses
allemandes se sont aventurées près du vrai maquis : elles sont détruites par
des obus anti-tanks. Les Allemands, qui craignent une contre-attaque nocturne «
décrochent» vers 20 heures.
Mardi 15 Août. La nuit est calme : un seul mitraillage de l'avion rôdeur qui vole très bas. Nos messes de l'Assomption ont lieu dans la crypte. La Grand'Messe est gênée par une alerte, pas un garçon de Châlette n'y vient !
Mercredi 16, les Américains entrent à Orléans.
Jeudi 17 Dans la nuit, quelques coups de fusil et deux
fortes explosions. Au matin, grondement du canon dans le lointain. Les Allemands
déménagent la Kommandantur. Ils commencent à évacuer leurs blessés sur
Troyes. A Châlette, à Montargis, à Villemandeur, ils raflent les vélos, sans
payer, en montrant leur revolver ou leur mitraillette.
Les Docks liquident leurs stocks, du sucre à 2 fr. 50 le
kilo ! Les Allemands ont abandonné, le camp de Mignères ; aussitôt on se
précipite pour se servir et certains audacieux rapportent du chocolat, des
bonbons et même des moutons... Mais les occupants reviennent subitement. Il en
résulte une bagarre et un Arménien de Vésines, le petit Emuralian, est tué
de 7 balles.
A Gondreville, la station de repérage d'avions, surnommé
Bécassine, est détruite ; après l'explosion, les restes brûlent pendant
plusieurs heures.
Les Allemands s'installent route de Pannes pour défendre le
pont de Sainte-Catherine. Les voisins ne doivent plus sortir, ni avoir de
lumière après 21 h. 30.
Vendredi 18, quelques explosions dans la nuit : le
téléphone est coupé, ainsi que l'électricité. A 9 h. 30, une escadrille
arrive subitement sur la ville et, sans tourner comme d'habitude, bombarde
immédiatement la gare. (C'est notre 15e. bombardement ).
Deux projectiles sont tombés sur les voies à côté de deux
fameuses citernes vides. Un autre est tombé route de Paris au Garage Josserand
: il détruit des autos dont les débris sont projetés au loin. La maison
voisine des Cbapru a l'un de ses murs arrachés si bien que l'intérieur du
rez-de-chaussée et du ler étage est à découvert, Dieu merci, les deux
vieillards qui étaient dans un hangar n'ont rien.
Une autre bombe est tombée, un peu plus haut au n° 24 de la
route de Paris, dans la maison qui touche la barrière d'Orléans : le
hangar a complètement disparu. Les briques qui le recouvraient se sont «
envolées » un peu partout. Là encore, les gens sont sains et saufs, bien
qu'ils n'ont-pas eu le temps de courir à l'abri.
Hélas, il n'en est
pas de même rue de la Montagne-à-l'Oiseau où une bombe est tombée en plein
sur un abri. Mme Morlane, qui fut longtemps Çhâlettoise, y a été écrasée.
Ses filles qui ont voulu rester à la maison, sont indemnes.
Le vacarme des bombes s'accompagne du bruit sec des
mitrailleuses.
Ce Vendredi 18 Août arrive à Montargis le général
Arndt qui, dit-on, n'a que 45 ans. Il a pour mission de retarder l'avance
américaine et lui-même dit à M. Terrat, Maire de Montargis, qu'il défendra
la ville jusqu'au bout. Il fait claironner aussitôt dans les rues qu'il faut
circuler le moins possible, qu'on n'a plus le droit de sortir de
l'agglomération et que tout acte d'inimitié serait puni sévèrement.
Des soldats forment un barrage à la Gloire, d'autres sont
installés au pont de Corbeil (à Lancy), avec mitrailleuses et D. C. A.
D'autres sont à Cepoy, etc... Des camions allemands reviennent se cacher sous
les arbres du Château de Châlette , les dames du ravitaillement sont si peu
rassurées qu'elles demandent et obtiennent de se réfugier dans la petite Salle
Ozanam, tout près d'un abri.
Samedi 19 Août. La journée est calme. Une compagnie
d'Allemands avec leurs tanks vient se loger chez Mme Verdeille . La compagnie
est d'ailleurs hybride : des spécialistes des tanks, des aviateurs, un marin,
et... hélas ! deux femmes françaises. Les soldats ont perdu leur ardeur
combative et leur discipline, ils pensent se reposer là plusieurs jours.
Dimanche 20 Août. Nos messes ont encore lieu dans la crypte qui est pleine. A la grand'Messe, il y a même 2 Allemands, de la maison Verdeille. Ils attirent d'autant plus l'attention qu'ils arrivent en retard et que l'un d'eux demande la communion : c'est un aspirant missionnaire de la Congrégation du Saint-Esprit.
Le Lundi 21 Août.
L'eau et le gaz nous sont rendus.
Toute la journée, l'armée américaine passe par Mignères,
Gondreville et Treilles, allant sur Souppes et Sens. Un énorme tank, avec des
canons, à l'avant et l'arrière, attire l'attention de tous : « C'est le
général Patton », affirme un officier américain. Beaucoup de gens vont voir
le défilé incessant, ils obtiennent des cigarettes et du chocolat et ils
reviennent émerveillés devant cet énorme matériel.
Les Américains resserrent leur étreinte sur Montargis: ils
pénètrent dans la région de Lorris (dès la veille, dit-on, ils étaient au
village voisin de Montereau), ils entrent à Beaune-la-Rolande (que les 200
Allemands ont fui le matin même), à Boiscommun, Saint-Loup-des-Vignes, Ladon
et déjà, ils sont à Sens...
Autour de Montargis, les escarmouches vont se multiplier:
Vers 16 h., des tanks américains qui viennent de Sens arrivent à 4 km. de
Courtenay où ils ont un accrochage avec les Allemands dont ils tuent une
douzaine. En plein bourg de Bellegarde, il y a également une rencontre : 3
Américains sont tués tandis que les Allemands se retirent en emmenant leurs
morts.
Un autre combat va éclater sur Pannes : dès le vendredi les
Allemands avaient libéré les Algériens qui travaillaient à la
station-magasin; mais, sur une dénonciation, ils viennent les rechercher,
fouillant les maisons et même les confessionnaux de l'église; ils en
retrouvent une soixantaine que les Kalmouks emmènent à
Montargis en leur promettant d'être fusillés. Vers 15 h. 30, les Allemands
envoient deux camions d'essence pour incendier le camp ; déjà les deux camions
ne sont plus qu'à 300 mètres de la station quand ils sont subitement touchés
et incendiés par des obus (des Américains avec leurs 4 tanks se reposaient
dans le bois de Fourche) ; 3 Allemands au moins sont blessés. Les Allemands,
qui ont quelques pièces de canon au bourg de Pannes, répliquent aussitôt
pendant que leurs troupes déployées en tirailleurs avancent sur le bois de la
Fourche et blessent un Américain. Le soir, vers 20 heures, ils reculent
d'eux-mêmes.
Vers 17 h. 30, nous raconte M. Palhories, quatre membres de
la Résistance faits prisonniers à Souppes sont amenés à la ferme de la
Nivelle, route de Châteaurenard, pour être fusillés: (Philippe Sergent,
Georges Mairot, Guy Lépine et Lucien Wauthier). Il leur est commandé de
creuser leur tombe. Ils commencent, mais l'un deux, Mairot, âgé de 20 ans,
dans un sursaut de courage, porte un violent coup de bêche au feldwebel et
s'enfuit dans les prés. Il est abattu à coups de mitraillette au moment
d'atteindre les roseaux d'un petit cours d'eau, 60 mètres plus loin. Les 3
autres sont couchés au sol aussitôt, d'une décharge, à bout portant,
achevés à coups de revolver et enterrés par les soldats allemands, tout cela
sous les yeux terrifiés de la fermière, Mme Rose, et de son charretier Roland
Fregy.
L'inquiétude grandit dans Montargis et Châlette : on entend
siffler quelques obus et l'un d'eux tombe dans la Cité de Vésines, chez Mme
Briand. Un Montargois note les détails suivants :
« Dès le matin, circule une mauvaise nouvelle : le pont de
la Mairie et celui de Saint-Nicolas, le pont Sédillot et celui de l'avenue
Cochery doivent sauter; deux bombes de 2 à 300kg. sont disposées à cet effet
au milieu de la largeur, mise à feu électrique...
Dans les maisons du quartier, on décroche en hâte, glaces,
lustres, tableaux, plats décoratifs, etc... Les portes et les fenêtres restent
ouvertes, jamais on a tant aéré !...
La circulation est intense sur le Pâtis où des unités
allemandes et de nombreux civils viennent se ravitailler en chaussures et
vêtements à l'ancien magasin de la L. V. F. abandonné... Les voitures
allemandes roulent avec un homme arme au poing sur chaque avant ».
Vers 18 h. 30, les Allemands qui logent à Châlette chez Mme
VerdeilIe se figurent qu'il y a des « terroristes » tout près d'eux...
Inquiets et furieux ils viennent visiter les maisons de la rue Marceau : les
femmes et les jeunes filles doivent lever les bras, les hommes sont mis en joue
et fouillés...
Il est interdit de sortir de chez soi de 20 h. 30 à 6 h. 30.
La nuit commence lourde de menaces, les explosions se
succèdent, à 20 h., 21 h., plusieurs à minuit. Le lendemain, on apprend que
les Allemands ont fait sauter le pont de Sainte-Catherine, et la Résistance en
a fait autant du pont des Quatre-Arches , à Saint-Firmin
Le Mardi 22 Août.
Voyons d'abord les événements qui se passent autour de
l'agglomération.
Les Américains arrivent au bourg de Pannes
vers 10 heures, un Général demande au Curé la clé
du clocher et y monte avec son état-major, Il s'informe si les Allemands sont
en force et comme on lui répond que non : «Tant mieux, dit-il, cela
nous évitera de faire appel à l'aviation ». Ils installent leurs canons entre
Villevoques et Pannes en direction de Montargis et Paucourt.
Vers midi la lutte commence à Villemandeur,
dont le bourg reçoit quelques obus légers. Les Américains ont détruit le
tank et les mitrailleuses qui défendaient le croisement des routes de Lorris et
de Bellegarde ; on se bat ensuite dans le parc du château de Platteville qui
est pris dans l'après-midi, ainsi que plusieurs hameaux. Des batteries de
canons sont installées autour du château.
Vers 18 heures, la canonnade recommence, car les Allemands se
sont regroupés autour du bourg et dans le «Vieux-Bourg » ; Lisledon est
libéré.
Dans l'après-midi encore, quelques tanks américains
arrivent de Lombreuil à Vimory, les
jeunes gens leur font un accueil enthousiaste quand apparaissent deux tanks
allemands venant de Mormant. Un Américain les vise et les démolit, tandis que
les soldats se sauvent avec un mourant.
Au nord de Montargis, les Américains qui viennent de Souppes
délivrent Dordives vers midi, mais la situation est confuse entre Ferrières
et Courtenay : les Américains qui, le dimanche
soir, étaient à Souppes, le lundi à Egreville et à Sens, font un mouvement
enveloppant vers Montargis, et le mardi ils avaient pris Courtenay, à 14 h.; la
Selle-sur-le-Bied, à 15 h.; Bois-le-Roi, à 17 h.; Paucourt, à 17 h. 30.
Dans le même temps, des troupes allemandes parties de
Martigues-en-Provence, remontent péniblement vers le nord, à pied ou voitures
hétéroclites. Le lundi soir, elles passent à Paucourt et s'arrêtent au
hameau de Corbelin. Le mardi elles traversent la Cléry et dépassent Griselles,
mais s'étant heurtées aux convois américains elles
reviennent à CorbeIin. Vers 20 heures, 5 à 600 Allemands y sont presque
encerclés : la Résistance tient le nord autour de Griselles, les Américains
sont à l'est à Nargis, à l'ouest à Bois-le-Roi, et au nord à Paucourt. (Le
mercredi à 10 h., l'artillerie américaine bombarde les Allemands qui ripostent
faiblement avec leurs 7 canons. La plupart seront faits prisonniers, mais
quelques-uns, profitant de l'orage du soir, s'enfuiront vers le nord).
Enfin, dans la même soirée du mardi. Paucourt
connaîtra des heures douloureuses dont nous
empruntons les détails à la brochure de M. le Curé de Cepoy. Les tanks
américains y arrivent à 17 h. 30 et l'un d'eux arrêté près de l'église
carbonise une auto allemande qui vient de Montargis et lançant quelques obus il
tue 4 Allemands. Au "Bout-d'en-Haut", c'est le combat à la
mitrailleuse : un Américain blessé est achevé à coup de bottes et de
revolver par un Allemand, et comme une femme, Mme Gladel, ne peut cacher son
indignation, celui-ci la tue d'une grenade et blesse son gendre. Ici ou là, 22
Allemands sont abattus, qui seront enterrés près du cimetière.
Et maintenant voyons ce qui se passe à Montargis et
Châlette dans la journée de mardi.
Dans la matinée, les explosifs posés sur les ponts sont
enlevés pour la plus grande joie des habitants. Des avions patrouillent
au-dessus de nous et s'attirent quelques coups de D. C. A. Des troupes
allemandes s'en vont vers la forêt. Les soldats logés chez Mme Verdeille
placent vers midi un canon de D. C. A. en pleine rue Marceau ; mais vers 14 h.,
au moment où la canonnade commence, ils déménagent en vitesse ainsi que les
deux Françaises qui sont avec eux.
Le canon tonne au-dessus de nos têtes, quelques coups à 14
h., plus longuement à 15 heures. On entend nettement le départ de l'obus, son
sifflement et son point d'arrivée. Certains sont tirés sur la forêt : l'un
d'eux tiré trop court, éclate route de Paris et arrose de ses morceaux les
maisons Plessy et Blondiaux.
D'autres obus sont envoyés au-delà de Montargis et de la
Chaussée aux confins d'Amilly. Les premiers tombent aux Dadots (14 h.), puis
une vingtaine aux environs de Viroy, des Bourgoins, du Marchais-Muraillé (15
h.).C'est ensuite les quartiers de la Croix-Saint-Jacques, de la Justice, de la
Maison-Blanche, de la Croix-St-Hippolyte qui sont arrosés. Enfin une dernière
salve sur les Dadauds, Viroy, les Petits-Louis, et le calme revient dans le
secteur.
La canonnade reprend très forte vers 17 heures sur la forêt
et aussi sur les Allemands qui ont au Kilomètre 110 une batterie tirant sur
Platteville. Vers 18 heures, des avions qui patrouillent mitraillent abondamment
le Quartier de la Gare et la route de Paris.
De 20 h. à 22 heures, le canon fait rage : de Griselles, de
Pannes, de Platteville, les Américains tirent sur la forêt et sur les canons
allemands qui sont encore route de Pannes, La ferme Rousseau a son toit troué.
Pendant ce temps, les combats se rapprochent. A 12 heures,
Résistants et Américains attaquent le poste allemand du pont de Bûges avec
échange de grenades et de coups de feu, mais les Allemands encerclés se
rendent, pendant que les voisins applaudissent.
Vers 22 heures, deux auto-mitrailleuses contenant une
vingtaine d'américains et de F.F.I. entrent dans Cepoy. Ils voudraient
surprendre les Allemands qui, toute la journée, ont gardé le pont de la Girafe
sur le Loing. Mais aux coups de fusil, personne ne répond et au bout d'une
demi-heure les Américains repartent en disant : « A demain matin de bonne
heure »
- La Libération de Châlette et Montargis
La 35e division d'Infanterie US (20e régiment) dans
la rue Dorée de Montargis (photo d'amateur)
Mercredi 23 Août. - La nuit n'est troublée que par deux
fortes explosions, à minuit et une heure - l'une d'elles vient du Grand-Lancy
où les Allemands, sans prévenir personne, font sauter le pont de Corbeil.
10 heures. - 20 à 30 obus sont envoyés sur le poste allemand qui, au Lancy, garde le pont de Corbeilles. Ces obus tombent dans la prairie devant les maisons Goffin et Lucas, dans le bois qui touche la barrière et dans la cour de la famille Creuzet. Le Chef allemand fait partir ses hommes dans la Direction de Cepoy, en longeant le bois et les maisons pour ne pas être vus du "patrouilleur". Deux tout jeunes pleurent, car ils espéraient être faits prisonniers sans combat. Vers 13 heures, plusieurs reviendront chercher des affaires.
10 h. 30 - Il ne fait pas bon circuler dans les rues de Montargis et les rares qui s'y risquent se font saluer par les Allemands à coups de mitraillettes. Trois avions patrouillent dans le ciel et renseignent les Américains qui avancent lentement. L'infanterie allemande qui tenait le chemin de Bel-air se replie sur la Comté.
11 heures. - Le bombardement reprend sur la Comté et un
jardinier, M. Laplanche, sort de son abri, où il ne se sent pas en sûreté :
il est mortellement atteint.
11 h. 05. - 30 à 40 obus pleuvent sur l'Avenue Gaillardin, sur un espace de 100 m2, allant de la rue Périer à la maison Prochasson... Les maisons sont criblées d'éclats et quelques-unes très endommagées. Deux jeunes gens qui étaient dans une cour sont tués net et leur camarade mortellement blessé.
Vers 11 heures, les tanks américains avancent lentement
sur la Cité Philippon. Le char allemand qui est face au Familistère tire
depuis plus d'une heure sur les assaillants, mais deux chars américains
l'attaquent à droite et à gauche, et au moment où il essaie de fuir, il
reçoit en plein flanc droit un obus qui le brise ; l'Abbé Foucher est vengé !
Un canon antichar qui est au haut de la Sirène la descend
rapidement ainsi qu'un camion, tandis qu'un autre canon est tiré par les
servants. Une vingtaine d'hommes s'enfuient à travers les jardins jusqu'au
canal, d'où ils gagnent la Place Mirabeau.
11 h. 15 - Trois plénipotentiaires entrent dans
Montargis avec un drapeau blanc. L'histoire, fort curieuse, a été racontée
par le journal américain Yank. En ce matin du 23 Août. le général
d'artillerie qui avait bombardé si violemment la côte 122 au-dessus de St-Lô
était désireux de faire tirer sur la ville ses gros canons ; mais le général
de division, qui avait combattu en France à l'autre guerre, voulait épargner
Montargis. Toutefois, il avait reçu l'ordre de prendre la ville à tout prix,
le jour même. Il rédigea une lettre pour le commandant allemand, lui disant de
se rendre car sa situation était désespérée et l'avertissant que les gros
canons entreraient en action à 4 heures, s'il résistait. Cette lettre fut
confiée au lieutenant-colonel John Hoyne de Salino-Kan, petit homme brun, à
l'allure prompte et décidée. Il était accompagné d'un interprète, le
sergent E. Ackermann, d'un correspondant de guerre et d'un prisonnier qui savait
où logeait le général allemand. En guise de drapeau blanc, le journaliste
proposa une taie d'oreiller qu'il avait apportée d'Amérique et qui fut fixée
au bout d'une branche d'arbre... En Jeep, ils allèrent jusqu'à 300 mètres de
la ligne de combat et dépassèrent les premiers soldats américains dont l'un
était blessé. « N'allez pas plus loin, cria l'un d'eux. Ils tirent au fusil
et à la mitrailleuse, juste au tournant. »
11 h. 30 - Les Libérateurs pénètrent dans la ville, à la fois rue Ernest-Malâtre et rue de la Sirène. Quatre fusants éclatent au dessus du Pâtis.
11 h. 45 - Des tanks américains arrivent avenue Gaillardin. Un autre tank s'arrête au bas de la Sirène, au début de la rue de Loing. Ses occupants écartent les gens qui viennent avec des fleurs : ce n'est pas le moment !
12 heures - Les Américains sont à la Place Mirabeau, et le capitaine Glenn, du 134e régiment d'infanterie, retrouve les trois plénipotentiaires qui reviennent.
12 h. 05. - Des Montargois entrent dans l'église et sonnent les cloches à toute volée et presqu'aussitôt leur répondent celles de Châlette. Elles annoncent la « Libération » avant qu'elle ne soit achevée.
13 h 15 - Nouvelle canonnades, sur tous les points où
l'ennemi se trouve encore ; quelques obus tombent à la Demi-Lune et une
quinzaine dans le chemin de la Mauviette. Une fillette de 3 ans, qui est devant
la maison de Mme Feuillerat, est blessée mortellement : la pauvre petite avait
été déjà blessée, à Amilly, quand le train de munitions avait sauté le 25
Juin.
D'autres obus sont dirigés sur les quartiers de la Chaussée
où se replient les Allemands : trois tombent rue Duchesne-Rabier, tandis que
d'autres martèlent la rue Peynault, y détériorant quelques maisons. Quelques
obus éclatent également au Faubourg d'Orléans.
Les Américains continuent l'occupation méthodique de la
Ville réduisant ça et là quelques îlots de résistance : entre 13 et 14
heures, les mitrailleuses fonctionnent toujours au transformateur de
Villemandeur, dans le chantier Hyten, aux abords du Cimetière et du Château,
et peu à peu les Allemands isolés se rendent. A la Comté, ils tiennent,
jusqu'à 16 heures. Au kilomètre 110, il est à peu près 14 heures quand les
tanks américains y arrivent et y font des prisonniers. Vers 15 h., alors que la
foule circule ivre de joie, des balles sifflent tout à coup Avenue Pallain et
au Pâtis.
Châlette-Bourg fut libéré sans dommages, grâce à
l'initiative courageuse de M. Tartinville, de la rue Aristide-Briand. Il va
trouver les 50 Allemands qui sont sur la route de Paris et il leur dit : « Les
Américains sont à Montargis. Rendez-vous ». Ceux-ci discutent entre eux et
finissent par répondre : Ia, Ia - Aussitôt, M. Tartinville prévient les
Américains qui viennent les « cueillir » sans combat, pour la plus grande
joie du quartier.
La libération du Grand-Lancy fut plus difficile ; vers 1 h.
30, quelques tanks venus par la rue Marceau se dirigent sur le Gué-aux-Biches
mais ils sont reçus à coups de mitrailleuses et ils se replient aussitôt sur
Châlette. Pour réduire ce nid, les Américains font appel à l'artillerie et
à 14 heures la canonnades recommence, 60 à 80 obus tombent rue Emile-Combes,
abîmant une douzaine de maisons : celle de M. Bille ne garde qu'une façade.
Par miracle, il n'y a ni tué ni blessé. Les tanks reprennent leur marche et à
14 h. 45 ils entrent au Lancy, 2 Allemands sont fait prisonniers dans le jardin
de M. Pollet, tandis qu'une dizaine d'autres réussissent à s'échapper vers la
forêt. Les tanks continuent leur course sur le Petit-Lancy et le Quartier du
Château.
D'autres Allemands se défendent sur la route de Courtenay.
Dès 13 heures, un tank américain arrive à la barrière. mais à 14 heures,
l'agent Decourt, qui conduit les Américains vers l'école de la rue Lamartine,
est tué par un Feldwebel. Les Allemands tiendront dans l'école jusqu'à 16
heures.
D'autres sont retranchés route de Courtenay dans les maisons
Louis et Rose et ils tirent sur les Américains. Ceux-ci ripostent à la grenade
et forcent leurs ennemis à se rendre ou à s'enfuir en forêt. D'autres
Allemands sont installés un peu plus loin au Château de Coulevreux avec leurs
canons, ils se défendent contre les 8 tanks américains qui sont au hameau des
Petits-Louis. Le combat dure une bonne heure, mettant le feu aux meules de foin
et aux granges. Une vingtaine d'Allemands sont tués dont deux officiers. Dès
que ceux-ci sont tombés,une centaine d'hommes se constituent prisonniers. Il
est 17 heures.
Dans la soirée du 23 Août, - D'autres combats ont lieu
à Gy sur la seule route qui reste aux Allemands pour fuir ; des maquisards F.T.P., dirigés par MM. Dunand et Bignon, attaquent les voitures qui passent au.
pont de Gy ; l'une d'elles a 4 de ses occupants tués et les autres blessés.
Une autre voiture a son chauffeur grièvement blessé et va se jeter dans un
fossé. Vers 1 h. 30, 6 tanks allemands arrivent et les officiers veulent venger
les cadavres qu'ils aperçoivent ; ils se calment en voyant le Curé de Gy
soigner leurs blessés. Un peu plus tard, ces tanks vont se heurter aux
Américains, au sud de Châteaurenard.
Tout à coup, vers 20 heures, une violente canonnades éclate et dure 20 minutes, non seulement sur la forêt, mais aussi aux confins du Petit-Lancy, sur le quartier du Château de Cepoy et sur Puy-la-Laude. Un obus tombe au coin de la rue Voltaire et de la Mauviette, sur la grille d'une maison à Puy-la-Laude, il y a deux hommes blessés et une femme, Mme Martin, est tuée.
Vers 22 heures, un orage diluvien arrête les
manifestations de joie et force à rentrer chez soi. La nuit tombe, mais ça et
là, dans la prairie, en face la rue Marceau, éclatent toujours des
coups de feu.
Le même jour, M. Pailloux, de la rue
Proudhon, était fusillé par les Allemands à St-Hilaire-St-Mesmin ; il était
agent de liaison d'un régiment de Résistance.
Jeudi 24 Août. - A 2 heures du matin, M. l'Abbé Foucher
expirait, dans la même chambre où, quatre mois plus tôt, était mort son ami
l'Abbé Duru.
Dans la matinée, grosse canonnades sur la forêt. Dans la
soirée, toujours quelques coups de mitraillettes dans la prairie. Les troupes
de l'armée Leclerc commencent à entrer dans Paris.
Vendredi 25 Août - Fête de St-Louis, Roi de
France.
Samedi 26 Août Le Général De Gaulle assiste au Te Deum chanté à Notre- Dame. Dans la matinée, Montargis célèbre l'inhumation de 9 victimes françaises : la fillette mortellement blessée à la Mauviette, les 3 jeunes gens tués Avenue Gaillardin, l'agent Decourt, et les 4 maquisards massacrés par les Allemands aux Closiers.
Dimanche 27 Août 3.000 personnes assistent aux obsèques de M.l'Abbé Foucher.
VI. - La fin
de la Guerre.Montargis et Châlette étaient délivrés,
mais il fallait encore libérer le reste de la France et tous ceux qui étaient
en Allemagne. Ce fut l'œuvre des Alliés, auxquels s'étaient joints nos
soldats et les F.F.I. ; certains tombèrent héroïquement dans cette tâche,
comme le commandant Marin-la-Meslée.
Dès janvier, quelques prisonniers rentrèrent, mais leur
retour s'accéléra après l'armistice , celui-ci étant signé
le 8 Mai 1945, en la Fête de Sainte Jeanne-d'Arc, le jour même où «
Notre-Dame de Boulogne » était reçue dans la Paroisse. Hélas, tous ne
rentrèrent pas ; certains requis étaient morts là-bas de privations, comme M.
Pierre Poget, ou victimes des bombardements comme MM. Nourry, Pauwels, Cornu.
Parmi les déportés, beaucoup payèrent de leur vie, leur
dévouement à la Patrie. Ainsi moururent dans les bagnes nazis :
MM. Dubois,
Coneuf, Girardy, de Montargis ; sans oublier le jeune et admirable routier Guy
Leverne
M.Berthier, de Girolles ;
M.l'Abbé Ygonnet, du Bignon, et combien d'autres ...
Aucun membre des familles juives déportées en Allemagne
n'est revenu. Tous ont péri dans les camps d'extermination comme Auschwitz,
même des enfants de 10 ans comme Henri Gorkine.
Puissent ces divers sacrifices, que nous ont coûté la guerre et la libération, ne pas être inutiles ! Que le sang de nos martyrs soit un appel à l'union et qu'après avoir souffert ensemble pendant 6 ans, nous travaillions ensemble à refaire le pays !
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