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A propos du centenaire de la
mort d’un peintre célèbre : Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824) par Gui Des indications sur l'auteur et sur le musée de Varzy figurent à la suite de l'article Une présentation de l'oeuvre de Girodet conservée à Varzy est lisible ici. |
Pour commémorer le centenaire de la mort d’un de ses plus illustres enfants, Montargis a – le 9 décembre dernier – sur la façade portant le numéro 26 de la rue de la Chaussée, fait apposer une plaque rappelant que Girodet-Trioson est né dans cette maison. [voir NDLR 1]
Au Louvre, qui n’est point resté en une muette admiration devant Atala au tombeau chef-d’œuvre où Girodet se montra l’éloquent interprète de Chateaubriand.
Les nivernais se doutent-ils que le musée de Varzy a la fortune de posséder de ce peintre une toile représentant l’idée première de ce chef-d’œuvre ?
Mais tout d’abord, laissez-moi vous rappeler la vie de cet élève du grand David, qui, avec Gérard et Gros, occupe une place si grande dans l’art de la peinture au XIXe siècle et dont David en fut très justement appelé le père.
Anne-Louis Girodet de Roussy, naquit à Montargis le 5 janvier 1767. Très jeune il perdit son père, directeur des domaines du duc d’Orléans. Il eut pour tuteur le docteur Trioson, médecin des armées, qui l’adopta après la mort de son fils. En filiale reconnaissance, Girodet prit le nom de son père adoptif pour le joindre au sien.
Destiné à l’architecture, puis au métier des armes, le jeune Girodet n’avait de goût que pour la peinture. Sa mère s’en vint à Paris, soumettre à David, les essais de son fils et lui demander conseil pour son avenir. Celui-ci répondit : « Votre fils sera un peintre ».
Placé chez ce grand artiste, ses progrès furent si rapides qu’à la troisième année au concours de 1789, il remportait avec : Joseph vendu par ses frères, le grand prix de peinture.
Il part pour l’Italie ; il avait vingt-trois ans.
Dans la ville éternelle, le jeune lauréat, nature singulière, mystérieux et fantasque, préfère travailler presque toujours chez lui isolément, que de fréquenter les salles de l’académie.
C’est dans sa chambre qu’il peignit le sommeil d’Endymion, dont la présentation à l’école, ravit le public romain. Exposée à Paris, au salon de 1792, la délicatesse de l’allégorie, le charme, l’effet mystérieux des jeux de lumière de cette œuvre de rêve, rare pour l’époque et qui devait impressionner si fortement ce grand songeur que fut Prud’hon, fit son apparition à Paris obtint un succès tout aussi considérable qu’à Rome.
Hippocrate refusant les présents d’Artaxercès, qui orne une des salles de l’Ecole de médecine de Paris, vint ensuite.
C’est au moment où Girodet donnait les dernières touches à ce tableau, que le développement pris par la Révolution française occasionna à Rome une émeute autour de l’Académie de France. Cela, parce que l’écusson aux fleurs de lys avait été enlevé pour faire place aux armes de la république.
Les élèves de l’académie s’enfuirent à Naples, seul Girodet et son ami Péquinot refusèrent de les suivre. Tous les deux ils s’étaient mis en devoir de peindre le nouvel écusson, et c’est au moment où ils posaient leurs pinceaux, que l’émeute en trombe, fit irruption dans l’hôtel de l’Académie, brisant tout sur son passage. Avec beaucoup de peine, ils parvinrent à s’enfuir et rejoindre leurs camarades à Naples, où Girodet étudia alors le paysage. Mais là, ses tribulations ne s’arrêtèrent point.
La rupture de Naples avec la République française l’obligea à nouveau de fuir. Il séjourna quelques temps à Venise ; mais la tempête à son tour règne en la ville des Doges. Le voilà fuyant et cherchant abri dans les monts Euganéens. Il y est découvert par les sbires, arrêté, garotté et jeté en prison.
Libre, il revint à Paris après cinq années d’absence.
Pendant les trois années qui suivirent son retour d’Italie – il avait obtenu un logement au Louvre – Girodet ne se livra qu’à ses recherches, des ébauches, des portraits.
Et déjà des rivaux envieux exultaient de joie à la pensée que tout comme Endymion, il ne se réveillerait plus de son perpétuel sommeil.
La présentation du tableau d’Ossian suivi de Danaé, des Quatre saisons, puis de Fingal, commandé par Bonaparte, vint prouver aux envieux qu’ils s’étaient lourdement trompés et, à l’avance, trop réjouis.
Quatre années de labeur lui suffisent pour amener à l’Etat de chef-d’œuvre la scène du Déluge qui, au concours décennal de 1810, eut le premier prix et l’emporta sur cette toile déjà célèbre Les Sabines, présentée par son maître David qui n’obtint que la première mention.
Atala au Tombeau parut au salon de 1808.
Dans le tableau du Louvre, Atala est porté au tombeau par Chactas et le père Aubry, avec une douleur d’une grandeur simple et touchante. Près de la fosse creusée à l’entrée d’une grotte sombre, Chactas plié par sa douleur, étreint en embrassant les genoux de la jeune vierge, dont le corps tout irradié d’une céleste lumière est soutenu par les mains mutilées du pieux et vaillant missionnaire.
Le tableau du musée de Varzy, vraisemblablement postérieur à celui du Louvre, diffère sensiblement avec le texte du roman de Chateaubriand.
« Atala expire dans les bras du père Aubry à la vue de l’ombre de son amant Chactas mort en combattant les naturels de son pays ».
L’emphase y est plus grandiloquente, le vieil ermite ne porte pas la bure, ni son opulente chevelure romantique, il s’apparente à un père noble. Son visage est plus profondément attristé que dans celui du Louvre et ses larmes expriment le plus amer chagrin d’avoir recueilli le dernier soupir de cette vierge dont la mort n’a point encore de ses griffes marqué le beau visage.
Il est présumable que Girodet n’a abandonné cette première composition pour celle que nous admirons au Louvre pour mieux suivre et interpréter plus fidèlement l’œuvre de l’illustre écrivain.
Pour l’instruction et satisfaire la curiosité de ses visiteurs, le musée de Varzy offre une copie réduite du Louvre, ce qui permet au public d’admirer tout en comparant les deux scènes différentes que les pages du roman d’Atala inspirèrent au pinceau de Girodet.
Mr Grasset l’aîné, l’infatigable collectionneur charitois, à qui le musée de Varzy est redevable du nombre et de ses plus purs trésors, dont il resta jusqu’à la mort le dévoué conservateur, Mr Grasset, dans une brochure parue en 1870 nous dit comment l’œuvre de Girodet trouva enfin asile parmi les collections varzycoises.
A son décès, Girodet, ne laissant aucun héritier direct, les toiles garnissant son atelier furent partagées entre ses parents les plus proches. A la mort de l’un deux, les quelques peintures de son partage furent vendues. Un maître de dessin, Mr Lédé, alors fixé à Corbigny, acheta entre autres toiles, celle représentant la mort d’Atala.
Ce monsieur Lédé, nommé professeur de dessin au collège de Clamecy, mourut en cette ville, célibataire et sans parents connus. Aux enchères tout ce qui lui appartenait, à vil prix fut dispersé, au point que la toile de Girodet, achetée pour la somme de quarante francs, pour la même somme fut revendue au musée de Varzy.
Ce tableau – peut être à cause de la modicité de son prix d’achat – resta quelques temps sans être apprécié, il est juste de dire que le musée était dans sa période de début.
Depuis, en ce reliquaire d’art où, avec la céramique nivernaise, l’art davidien domine, l’œuvre de Girodet y a repris tout son rayonnement, toute sa valeur documentaire.
Quoique Girodet, membre de l’Institut, académie des Beaux-Arts, chevalier de la Légion d’honneur, ait produit un assez grand nombre de tableaux, le Louvre n’en possède que trois, œuvres capitales, il est vrai, ce sont : le sommeil d’Endymion, la scène du Déluge, et Atala au tombeau.
Au musée de Versailles, on y remarque : la Révolte du Caire, Napoléon recevant les clés de la ville de Vienne, le portrait de napoléon Charles-Marie, père de l’empereur, et le portrait de Belley, député de Saint-Domingue.
C’est en l’année 1819, que Girodet acheva Pygmalion et galathée, que tout Paris alla admirer et que le roi Louis XVIII voulut visiter.
L’ancien directeur des Beaux-arts, mr Charles Blanc, a tenu, dans son Histoire de peintres, à consigner cette visite royale :
« Le roi Louis XVIII, voulant se rendre compte de la valeur de Pygmalion et Galathée, un matin, sur les neuf heures, Girodet-Trioson fut admis à lui présenter son œuvre.
« après quelques instants de silence, le roi s’écria : - ah ! c’est superbe ! Puis il ajouta – monsieur Girodet, n’étiez-vous pas vous même, en présence de votre Galathée, dans la situation de Pygmalion ?
« Sire, répondit l’artiste, je crois ne l’avoir jamais regardée qu’avec les yeux d’un père ; mais ce dont je suis assuré, c’est qu’en ce moment, je suis beaucoup plus heureux que Pygmalion »
Cette heureuse journée fut marquée d’une pierre blanche. Mais hélas ! Galathée fut son dernier tribut à l’art.
Girodet, fatigué, ne fit plus que quelques dessins, quelques esquisses, quelques portraits, entre autre ceux de Cathelineau, Bonchamp, Merlin de Douai, et Madame Reizet, portraits longuement travaillés et qui épuisèrent ses dernières forces.
Sentant venir sa fin prochaine, il se fit porter dans son atelier, pour adresser un suprême adieu à ses œuvres, avant que ses yeux presque éteints ne se ferment à jamais.
Il mourut à paris, en l’année 1824, il n’avait que 57 ans.
Sur son cercueil, le roi Louis XVIII ordonna que la croix d’officier qu’il lui destinait, fut placée.
Le centenaire de la mort de ce peintre célèbre est pour nous l’occasion de dire à tous les voisins du Centre et aux Nivernais, qui ne connaissent que de réputation le musée de l’aimable et coquette ville de Varzy, de ne point manquer de lui rendre visite.
On en revient plus riche de souvenirs et émerveillé.
Gui
NDLR 1. Cette maison, qui se trouvait au 26 de la rue de la Chaussée, a disparu lors des travaux de construction de la déviation. L’auteur se réfère à la tradition qui en faisait la maison natale de Girodet. On sait, depuis les travaux de Gaston Leloup, que le père de Girodet n’a acquis cette maison que 3 ans après la naissance du futur peintre. La vraie maison natale de Girodet reste à découvrir (cf. BSEM n°43, juin 1978).
Francis Guyonnet est né à Nevers le 7 février 1869. Marchand-droguiste à Nevers, il possédait une boutique près le l’église Saint-Etienne où il s’installa en 1896. Devenu le rendez-vous des artistes qui venaient s’approvisionner, il fonda avec quelques amis, en 1902, le Groupe d’Emulation Artistique de la Nièvre. Connu comme chroniqueur dans le journal Paris-Centre sous le pseudonyme de « Gui », il publia également plusieurs ouvrages Mariniers de Loire en 1922 ou Glanes sur Claude Tillier aux éditions Chassaing en 1945. Il mourut en 1956.
Louis-Auguste Grasset (1799-1879) est un collectionneur passionné. Il réunit à partir du deuxième quart du XIXe siècle une vaste collection de près de 3000 objets portant sur les domaines les plus divers, qu’il donne à la commune de Varzy en 1862. Nommé conservateur du musée ainsi constitué, il continue jusqu’à sa mort d’enrichir l’institution. Auxquels s’ajoutent des dons de personnages de l’époque (Mérimée, Champfleury, le baron Taylor) aux dépôts de l’Etat, ce sont plusieurs ensembles cohérents qui sont présentés depuis 1993 dans le musée municipal.
Une présentation de l'oeuvre de
Girodet conservée à Varzy est lisible ici.
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