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Histoire d'il y a belle lurette...

Fontenay

par Liliane Violas
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Cet article est extrait de l'
Eclaireur du Gâtinais  n° 2807 du 19 août 1999

le relais de poste - dessin Georges Thouvenot

images de Fontenay


Fontenay au temps du relais de poste

Depuis la nuit des temps, Fontenay fut un lieu de passage. La vallée du Loing était habitée par l'homme dès le paléolithique.

Au lieu-dit "la Prairie de Fontenay", les chercheurs découvrirent des "coups de poing", armes de silex datant du Moustérien. Le hameau appelé "la Maison Blanche" était à l'époque magdalénienne un important campement de chasseurs de rennes. On y retrouva des débris d'ossements et des ramures de cervidés ainsi que des sagaies et des racloirs.

Ces découvertes attestent la présence de nos ancêtres voici douze mille ans, à l'époque des grandes glaciations. D'autres signes encore confirment l'ancienneté de l'occupation humaine : tout d'abord, en bordure de la nationale 7, on remarque un polissoir sur lequel les hommes de Cro-Magnon affûtaient leurs armes; enfin derrière la gare un menhir que l'on appelait la "pierre couchée" gisait non loin des sablières. Il fut remis à la verticale et légèrement déplacé lors de l'aménagement de la carrière.

Plus tard, les Gaulois s'installèrent sur le territoire de Fontenay. Ces populations vivaient de la pêche et exploitaient le fer du gisement de Ferrières tout proche. Les sources qui jaillissaient des coteaux pour se jeter dans le Loing furent l'objet de nombreux cultes païens avant l'évangélisation de la région. Puis arrivèrent les Romains. Ces bâtisseurs construisirent un vaste pont de cent vingt petites arches enjambant le Loing et les prés en direction de Nargis. Ce pont permettait ainsi de rejoindre le fameux "chemin de César", route romaine qui allait de Sens à Nancray en passant par Préfontaines.

Sur ce pont on pouvait lire "Julius Cesar me fecit" (Jules César m'a fait). Il fut plusieurs fois emporté par les crues et reconstruit pour enfin disparaître en 1944, détruit par les Allemands. A Fontenay, les Romains avaient établi un poste de garde afin de contrôler le franchissement du Loing. Le relais s'appelait une "mutatio" et, il y a quelques années, on voyait encore la porte romaine aux numéro 18 et 20 de l'avenue de la République.

La Fontaîne Saint-Victorin

La vie du village se développa autour du Loing et au Moyen Age, Fontenay était d'après l'historien Dom Morin, un "village de compagnons de rivière , avec un port et un petit moulin qu'alimentait le ru Saint-Victorin. Afin de dissuader les malandrins, un gibet se dressait à l'emplacement actuel du chemin du Castel, visible des routes Paris-Lyon et Château-Landon-Ferrières. Fontenay possédait alors une église mérovingienne. Elle fut édifiée sous Mérovée, vers l'an 450, par le duc Vandelbert de Bourgogne. Les patrons de cette église étaient Saint-Victorin et Sainte-Anne. L'édifice disparut au XIXe : le tracé du chemin de fer passait au milieu de l'édifice alors vétuste.

On décida donc de le raser et de reconstruire l'église actuelle.

A côté de cette vieille chapelle se trouvait la fontaine miraculeuse de Saint-Victorin. Dom Morin rapporte qu'elle guérissait de l'enflure et des fièvres. L'historien gâtinais dit encore : "(...) les habitants de là autour, sitôt qu'ils sont enflés ou malades de fièvres ou en langueur ou bien leurs enfans, ils les baignent et les plongent par trois fois dans cette fontaine (…) soit hiver ou été ; elle dissout encore la gravelle et la pierre de la vessie et profite à ceux qui ont la colique ainsi que Monsieur le duc de Bellegarde l'a éprouvé étant malade en l'abbaye de Ferrières l'an 1625 au mois d'août (…)".

Si l'information manquait un tant soit peu de discrétion, elle eut le mérite de prouver le pouvoir de la fontaine et surtout celui de rassurer grandement les bonnes gens quant à la noble colique de Monsieur de Bellegarde !

A l'époque de Dom Morin, qui mourut en 1628, le Loing regorgeait de truites "servies sur la table des rois". Les religieux de Ferrières possédaient alors "trois lieues d'étendue de cette rivière".

Le Loing était une rivière "fort marchande et portant bateaux qui descendent à Paris (...) ". Des bateaux de marchandises mais aussi de voyageurs naviguaient sur la rivière. En période de basses eaux, le Loing était difficilement navigable. Le canal du Loing, construit entre 1720 et 17 23, vint remédier à ces difficultés.

Le relais de poste

C'est grâce à l'installation du relais de poste que Fontenay connut un important développement.

Jusqu'à la fin du XVIle, la route Paris-Montargis, qu'on appelait le "Grand chemin de Lyon" passait par Château-Landon, Préfontaines, Perches et Montargis. En 1636, une ordonnance décida de changer le trajet de la route royale : celle-ci devait désormais emprunter la vallée du Loing et le relais de Perche fut

transféré à Fontenay. En réalité, le transfert ne s'effectua qu'en 1698, lorsque Jean Ramon, "Chevaucheur tenant la poste de Préfontaines", vint s'établir à Fontenay-sur-Loing.

Dans le village se trouvait un manoir du XVIe, bâti sur les bords du Loing, qu appartenait à la famille Desprez de Grand'Maison. Cette famille était alliée aux seigneurs de Préfontaines. Jean Ramon acheta le domaine à Edmé Desprez et y installa son relais de poste.

L'arrivée de la poste à Fontenay favorisa le développement du village et l'essor de certaines professions en rapport avec les chevaux : les palefreniers, charrons, bourreliers, maréchaux-ferrants.... En 1728, la fille de Jean Ramon épousa le fils du maître de poste de Montargis, Nicolas Petit. Dès lors, la poste de Fontenay fut tenue par la famille Petit, et ce, jusqu'à la cessation de son activité, en 1866.

C'était un endroit très apprécié -au relais s'ajoutait une hostellerie : l'Ecu de Fontenay. De nombreux voyageurs venaient y faire halte. Chaque jour, c'était le passage de la malle-poste, deux fois par semaine, le carrosse de Montargis, sans compter les luxueuses berlines se. rendant à Paris !

Ce trafic important cessa avec l'arrivée du chemin de fer. La ligne, mise en service le 15 août 1860, remplaçait désormais les voitures de poste. Aujourd'hui, on peut voir l'ancien relais de poste aux n° 10, 12, 14 et 16 de l'avenue de la Libération.

Le passage du pape à Fontenay

Jacques Warschnitter raconte qu'en 1803, la charge de maître de poste de Fontenay venait de passer aux mains de Jean-François Théodore Petit, âgé tout juste de dix-sept ans.

C'est alors que Pie VII vint à passer sur la route Lyon-Paris pour rencontrer Bonaparte : "Les maîtres de poste concernés doivent mettre des chevaux supplémentaires à la disposition du cortège papal et conduire eux-mêmes la berline du souverain pontife jusqu'au relais suivant. On devine l'angoisse de notre tout jeune Théodore à l'idée de cette responsabilité qui va lui échoir. Vêtu de son bel uniforme galonné, de son haut chapeau d'où surgit la grosse queue à catogan et ses gants blancs, il attend l'illustre personnage.

Nous sommes le samedi 4 novembre 1804, son attente est vaine, une estafette vient le prévenir a vingt heures que le pape qui couche à Montargis chez monsieur de Vaublanc n'arrivera que le lendemain. Effectivement, il est à peine sept heures quand le maître de poste de Montargis, au lieu de laisser son attelage devant la porte comme prévu, pénètre dans la cour.

Rapidement descendu de son siège, il prévient son confrère de la nécessité d'une réparation urgente sur un essieu qui risque de se rompre. Le pape et la quinzaine de cardinaux et évêques qui l'accompagnent s'installent dans la salle commune. Théodore conduit le Saint-Père dans sa propre chambre pour qu'il se repose et se réchauffe devant un grand feu, car cette matinée de novembre est particulièrement humide et glaciale. Alors qu'il se repose dans son fauteuil, toute la population de Fontenay, en effervescence se précipite à la poste pour entrevoir le pape.

Quelques personnes eurent ce privilège, entre autres la jeune femme de l'adjoint au maire qui jusqu'à la fin de sa longue existence, aimait à raconter cet entretien rapide. La berline réparée, Théodore emmena son équipage au galop jusqu'à Nemours où il arriva le même dimanche vers neuf heures."

Ce récit d'une précision étonnante est dû à Madeleine Fouché, aujourd'hui disparue, qui fut la descendante de toute cette dynastie de maîtres de poste à Fontenay. Un long travail de recherche et la collecte des souvenirs familiaux lui ont permis de rédiger un petit ouvrage passionnant.

Un extrait de cette publication, paru dans le bulletin numéro 37 des Amis du Vieux Montargis, rapporte de façon émouvante la fin de la carrière du maître de poste et les transformations subies par le village de Fontenay lors de la construction de la ligne de chemin de fer : " La route des postes qui avait été durant des siècles royale avant d'être impériale, la vieille route qui s'identifiait avec ses aïeux, tout cela allait disparaître. (...) La construction de la ligne fut enfin décidée. (...) Puis les chantiers furent ouverts et ce ne fut pas sans un serrement de cœur qu'il vit la colline éventrée, ses terres séparées; la belle allée de noyers qui montait en pente douce depuis la poste jusqu'au sommet du plateau, coupée par la tranchée de la voie, la petite ferme blottie dans les prés, prise pour l'établissement de la gare, la vieille église avec son grand toit tombant presque jusqu'à terre, son petit porche obscur et son clocher trapu dont les cloches avaient sonné tant de baptêmes, de mariages et de glas pour sa famille, désaffectée et jetée bas et enfin le cimetière où dormaient tous les siens, ravagé et reporté plus haut.

(...) Quatre ans plus tard, le 15 août 1860 exactement, le premier train passait derrière son potager. Le livre des postes était définitivement clos. Jean-Francois Théodore Petit, le dernier représentant de huit générations de maîtres de poste, en avait achevé l'ultime chapitre. "

Extrait du livre de Madeleine Fouché: "Trois siècles au service des Postes".

Liliane Violas


Sources: Bulletins de la Société d'Emulation de Montargis articles de M. Aubourg; M. Leloup, Histoire du Gâstinois par Dom Morin Histoire de Ferrières-en-Gâtinais par Tranquille Désiré Picard; Chemins et relais de poste en Gâtinais par le Centre Universitaire Henriet-Rouard, plus particulièrement articles de M. Warschnitter.
Remerciements particuliers à Madame Ben Amor pour son aide précieuse.


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