Histoire d'il y a belle lurette... Gy-les-Nonains par Liliane Violas |
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l'église |
Le monastère de Gy-les-Nonains
"Entre Gy et Saint-Germain, il ne pousse ni pain ni vin"
affirme un dicton local. La prairie Saint-Sulpice, qui s'étend du bourg de Gy-les-Nonains
jusqu'à celui de Saint-Germain-des-Prés est certes peu propice aux cultures. Cependant,
l'Ouanne qui baigne les prés et les ruines de l'ancien couvent procurent à l'endroit un
charme ineffable.
Le monastère de Gy-les-Nonains remonte au Vllème siècle. Il était alors placé sous le
patronage de Saint Fiacre patron des jardiniers. Il semble en effet qu'à Gy, dont
l'histoire débute à l'époque gallo-romaine, des maraîchers aient longtemps prospéré,
profitant du passage de la rivière
Fondation du couvent par Rothilde
Le couvent n'était alors qu'un petit établissement religieux, qui
devait connaître son épanouissement avec l'arrivée de Rothilde, fille de Charlemagne.
L'empereur à la barbe fleurie (qui, dit-on, ne portait d'ailleurs que la moustache !)
collectionnait les conquêtes féminines. Il eut une dizaine de femmes, légitimes ou
concubines officielles. C'est avec sa quatrième épouse qu'il donna le jour à Rothilde.
Hélas, la jeune personne avait hérité du tempérament paternel ! Son inconduite et ses
débordements scandalisaient la cour..
De fait, elle eut un enfant avec Rogon, comte du Maine. Charlemagne pour la calmer,
décida de l'envoyer au couvent, mais avec les égards dus à son rang puisqu'il la nomma
abbesse de Faremoutiers, près de Meaux.
A la mort de l'empereur, son fils Louis le Débonnaire lui succéda. Vers 816, il donna
Gy-les-Nonains à sa soeur Rothilde afin qu'elle y établisse un monastère bénédictin.
Saint-Alric, ancien abbé de Ferrières et archevêque de Sens, vint bénir l'abbaye de Gy
lors de sa fondation. Le couvent prit le nom de la Gloire-Dieu. En 841, le roi Lothaire
fils de Louis le Débonnaire confirma la donation faite à sa tante Rothilde : "
Le dit petit monastère de Gy soit rattaché au susdit monastère de Faremoutiers et que
tous les deux soient réunis en un ( ... ) sous l'autorité et le gouvernement d'une seule
abbesse ( .. ) ".
Rothilde résida longtemps à Gy-les-Nonains, étant à la fin de ses jours non plus
abbesse mais "simple dame de Gy".
Dans l'almanach de Sens, datant de 1781, on peut lire: "Dans les commencemens de la
seconde race de nos rois, l'abbaye de Faremoustiers vit à sa tête une princesse de sang
royal, que l'on trouve indifféremment appelée Hithrude ou Rothrude ( ... ). L'empereur
Louis le Débonnaire avoit uni l'abbaye de Faremoustiers ( .. ) et le monastère de Gy en
Gastinois, à trois lieues de Montargis. Depuis, il a toujours eu à Gy un prieuré
conventuel dépendant de l'abbesse de Faremoustiers ( .. ) ".
La générosité de Rothilde
En 847, l'abbé de Ferrières Loup Servat écrivit à Rothilde pour
que celle-ci lui envoie de l'argent. Il était en déplacement pour le colloque de
Meersen.
"Il ne nous reste rien de l'argent qui aurait pu servir à un si long séjour,
écrit-il à un fidèle, aussi je n'ai pas cri honteux de réclamer le secours d'amis
dont, en de semblables circonstances, je ne trouvai jamais le dévouement en défaut.
C'est pourquoi je me suis adressé avec le plus grand espoir à dame Rh. : je veux que, de
concert avec notre envoyé (...) tu lui exposes la cause de ma présente nécessité, que
tu la fléchisses par tes plus attendrissantes prières, pour que, comme toujours, elle me
vienne en aide maintenant et que, sans tarder, par l'intermédiaire de mon présent
envoyé, elle me prête libéralement un secours d'argent dont je puisse me servir dans ce
voyage ; pour que, aussi, elle participe à la restauration de notre monastère, à
laquelle nous travaillons, et qu'elle me rende plus dévoué à sa personne, si possible
".
Dommages et reconstructions
En 961, le comte de Sens, Renard de sinistre mémoire s'empara de
Château-Renard et fit subir au couvent de Gy ses premiers dommages.
Certes, les dégâts infligés par Renard n'étaient pas d'une ampleur qui anéantit
l'établissement. Celui-ci continua d'exister ; cependant, durant le Xle siècle, l'abbaye
de Gy, comme celle de Faremoutiers étaient tombées dans le stupre et la luxure.
L'évêque de Chartres écrivait '( ... ) la renommée très honteuse du monastère de
Sainte Fare qui n'est plus un lieu de sanctification mais un lieu de perversion pour
femmes damnées s'abandonnant à tous les vices".
Les accusations visaient surtout le monastère de Gy. Les moines de Molesmes, s'occupant
de toutes les paroisses rurales, vinrent mettre bon ordre dans ces dérèglements et le
monastère recouvra sa dignité.
Les décennies suivantes et jusqu'au X/le siècle virent la restauration de l'abbaye, mais
aussi la construction de l'église paroissiale Saint-Sulpice. L'église de Gy existait
déjà au Vlle siècle. Elle fut rebâtie et restaurée peu après 1137.
A peu près à la même période fut fondée une maladrerie. Elle se
trouvait sur la paroisse de Saint-Germain-des-Prés et comprenait une chapelle et un
cimetière. Puis, vers 1155, les templiers installés à Chambeugle et à Montbouy
reçurent des terres sur Gy-les-Nonains. Ils firent alors bâtir la grange de la
Commanderie et introduisirent le culte de Saint Aubin, patron de Chambeugle.
Au couvent, on restaura la chapelle Saint-Fiacre. Elle subsista jusqu'au XVIle siècle. On
érigea également des statues hautes de deux mètres, dont une Vierge à l'enfant.
Les religieuses de Gy subirent sans trop de bouleversement les invasions de Canolles et
Henri de Lancastre, lors de la guerre de Cent ans. Mais vinrent les guerres de religion.
Au voisinage de Gy-les-Nonains des garnisons protestantes étaient établies, tant à
Château-Renard qu'à Châtillon-Coligny.
En 1562, les Bénédictines demandèrent et obtinrent l'autorisation de fortifier leur
abbaye afin de se défendre contre l'intrusion d'éventuels Huguenots. De fait, le couvent
ne fut pas inquiété par les protestants qui pourtant causèrent de graves dommages aux
alentours.
Epilogue
Epargnées par la plupart des conflits armés de l'Ancien régime,
les soeurs réfugiées derrière leurs hauts murs n'auraient probablement pas résisté à
la Révolution. Le destin du couvent de Gy fut autre. En 1752, l'Archevêque de Sens
décida de réunir l'abbaye de Gy à celle de Faremoutiers.
L'établissement millénaire fut définitivement fermé. Dix-neuf ans plus tard, les
religieuses de Faremoutiers vendirent la terre et la seigneurie de Gy à Claude Mithon,
comte de Genouilly. Celui-ci était capitaine de vaisseaux du roi et commandant du
"Dauphin Royal". Il devint seigneur de Gy-les-Nonains avec droit de haute,
moyenne et basse justice.
Les locaux du monastère, sa ferme, les pâturages, les vignes, tout le domaine
appartenant autrefois aux Bénédictines fut vendu. A l'heure de la Révolution, le
couvent n'était plus propriété des religieuses depuis déjà vingt ans.
Aujourd'hui, les restes de fortifications sont tout ce qui témoigne de la grandeur
passée du couvent bénédictin de la Gloire-Dieu.
Gy-les-Nonains, paroisse d'eau et d'ecclésiastiques fameux
Le nom de Gy-les-Nonains remonte à ses origines romaines : Gy
dériverait de "Giacum", patronyme d'un envahisseur romain. Ce dernier ayant
trouvé l'endroit charmant - cela prouve qu'il était homme de goût - établit sa
résidence au bord de l'Ouanne. Pour ce qui est des Nonains, le précédent épisode a
évoqué leur histoire où mythe et réalité s'entremêlent allègrement.
Jusqu'au XIXe siècle, les crues de l'Ouanne, brusques et imprévisibles, constituaient un
obstacle majeur aux communications. Les gués ne pouvaient pas être empruntés à
longueur d'année. A la période des "grandes eaux", le bourg de Gy se trouvait
séparé de son voisin, Saint-Germain-des-Prés.
Aussi, existait-il au Moyen Age deux chemins reliant le couvent Salnt-Dominique de
Montargis à l'abbaye des Echarlis, à Villefranche-Saint-Phal. Ces deux chemins
empruntaient chacun une rive de l'Ouanne. Le voyageur qui suivait l'un ou l'autre croisait
de loin en loin des établissements hospitaliers, répartis de part et d'autre de la
rivière.
Sous l'Ancien Régime, il y avait à Gy-les-Nonains un marché hebdomadaire et deux foires
annuelles : l'une se déroulait à la Saint Laurent, l'autre à la Saint Marc. Ces foires
cessèrent lorsque le pont qui enjambait l'Ouanne s'écroula. C'était un pont de pierre
à six arches, datant probablement du Moyen Age car on peut lire aux Archives du Loiret :
"La moitié du péage du pont de Gy valant 20 sels de rente appartenait le 13 octobre
1408 à Jean de Moulon, écuyer d'écurie du duc de Berry et seigneur de
Chenevières".
Miné par les crues, l'édifice s'effondra. Les communications entre Ferrières et
Châtillon-Coligny devenant impossibles, les foires s'interrompirent. Peu avant la
Révolution, le pont fut rebâti en bois par le seigneur de Gy, comte de Genouilly, qui
résidait au château de Changy ;
Gy possédait de nombreux fiefs : Toisy et Tourteville, Luignant, le Souchet, Vaux et le
château du Buisson. Celui-ci, aujourd'hui transformé en ferme était uni au monastère.
Quant au domaine de Changy, il fut, à partir de 1573, propriété de l'illustre famille
des Courtenay : certains d'entre eux sont d'ailleurs inhumés dans le choeur de l'église
de Gy depuis le XVIle siècle.
Deux moulins étaient rattachés au domaine de Changy, l'un à blé, l'autre à foulon.
Car si les habitants de Gy subissaient les inconvénients de l'Ouanne, ils en retiraient
aussi les avantages : la possibilité d'utiliser l'énergie de la rivière en faisait
partie Pas moins de cinq moulins se trouvaient sur la commune.
Outre les deux précités, on trou?
vait un moulin à foulon, le moulin de Gy à blé, un autre à forge et celui de Vaux.
Ainsi, tout le long de l'Ouanne, les moulins se succédaient à très peu de distance.
Le curé-guérisseur
M. Gilbert Baumgartner a retracé de manière truculente et fort
détaillée la vie de l'abbé Cottance. C'est en effet à Gy-les-Nonains qu'a vécu et
exercé le fameux curé, guérisseur très apprécié et dont la renommée dépassait
largement les limites de sa paroisse.
Curé de Gy de 1892 à 1933, Emile Cottance a défrayé la chronique et déchaîné les
passions. En effet, son activité de médecin des âmes se doublait de celle de
guérisseur des corps, ce qui ne plaisait pas à tout le monde..
Plusieurs fois poursuivi pour exercice illégal de la médecine, il fut également
condamné à des amendes, et même à la prison.... Le curé attirait une foule de
consultants, venant des environs et parfois de très loin.
"Les malades peuvent venir en effet de très loin, écrit M. Baumgartner, même ceux
qui ne possèdent pas d'automobile, le chemin de fer étant à la portée de la maison du
curé: à quelques centaines de mètres, de l'autre côté de la prairie, la gare de
Saint-Germain-des-Prés voit défiler des dizaines de patients du curé à chaque
consultation. Ils attendent souvent leur tour dans les nombreux bistrots installés autour
de la gare. Après la mort du curé, la plupart de ces bistrots feront faillite...
Outre la pratique de la médecine, Emile Cottance prescrivait des remèdes qu'il
fabriquait lui-même. "Les Remèdes du Curé de Gy", marque déposée, étaient
très appréciés des malades. Sirops, potions, pommades, guérissaient toutes sortes de
maladies. Les guérisons n'étaient pas celles de malades imaginaires. Comme le dit
Gilbert Baumgartner, "l'efficacité du curé de Gy doit être replacée dans son
contexte, au point de rencontre entre une époque de crise de valeurs et un personnage
intelligent, humain et combatif".
L'histoire de Gy-les-Nonains est, on l'a vu, intimement liée à celle de ses
ecclésiastiques. Après le passage des religieuses, c'est un curé qui fit la notoriété
du village.
Les vitraux de l'église
A la fin du XIXe siècle le curé de l'époque fit poser des vitraux
historiques à l'église. Il avait pour but de retracer ainsi le passé glorieux de la
commune. Après de nombreuses péripéties financières, trois vitraux furent finalement
installés.
Les scènes représentées prouvent que l'exactitude historique n'était pas le souci
majeur : les religieuses des trois époques évoquées, 816, 830 et 1863 portent le même
costume ! Quand au paysage de la Brie, où se situait l'abbaye de Faremoutiers, il est
représenté avec un relief montagneux plutôt curieux...
Liliane Violas
Renseignements historiques extraits des recherches de MM. l'abbé Verdier, Gaston Leloup et Paul Gache (Bulletins de la SEM) et du "Dictionnaire des communes" de l'abbé Patron. Extraits du livre "Le curé-guérisseur de Gy-les-Nonains" de M. Gilbert Baumgartner, que je remercie pour son aide.
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