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Histoire d'il y a belle lurette...

La Selle-en-Hermois

par Liliane Violas
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Cet article est extrait de l'
Eclaireur du Gâtinais  n° 2788 du 8 avril 1999

l'église - photo G. Baumgartner

images de la Selle-en-Hermois


La Selle-en-Hermois, la terre des moines forgerons

Les premières traces de l'existence de La Selle-en-Hermois datent du 8ème siècle. A cette époque carolingienne, l'abbaye de Ferrières étendait son influence sur toute la région. C'est ainsi que se constituèrent de petites celles (du latin cella, petite chambre). Ces cellules abritant quelques religieux venus évangéliser les campagnes étaient dispersées aux alentours de l'abbaye.

Une de ces celles s'installa dans un lieu que l'on disait désertique (eremus signifie en latin désert), c'est pourquoi le lieu fut baptisé Cella in Ermeio qui, au fil du temps, devint La Selle-en-Hermois.

Les moines de l'abbaye étaient forgerons. Or, comme celui de Ferrières, le sol de La Selle-en-Hermois renfermait du fer. Pour faire fonctionner leurs forges, les religieux avaient créé plusieurs retenues d'eau sur le ru de la Selle. La force des petites chutes entraînait les courroies et actionnait les marteaux. Le lieu-dit la Mothe des Forges a gardé le souvenir de cette activité : c'est là que logeait le régisseur des forges pour le compte de l'abbaye de Ferrières.

Il faut préciser qu'en ces temps moyenâgeux, le ru de la Selle coulait dans la vallée avec un débit suffisant pour le faire appeler "rivière" jusque dans les actes du XVIe siècle. Ce ru formait dans la forêt le ru du Fondreau puis de Vaugouard. La toute montagneuse fut construite en suivant le cours de cette petite rivière.

Vers 1770, les habitants des Chérets, dans la vallée du ru, s'inquiétèrent d'un vaste effondrement de terrain dans lequel disparaissaient les eaux de pluie et même celles de l'étang voisin. L' "Entonnoir des Chérets", profond de six mètres était en réalité un affaissement du sous-sol calcaire recouvrant un cours d'eau souterrain. C'est ainsi que le ru de la Selle aujourd'hui disparu, est allé rejoindre cette rivière souterraine par des phénomènes analogues.

La château des Bourses

A la fin du premier millénaire, la région était divisée en fiefs. La Selle-en-Hermois en possédait quatre, peut-être plus…

C'était la Mothe des Forges dont le modeste château n'occupait qu'un carré de douze mètres de côté ; le fief de la Martinière au château en quart de cercle; celui de la Couldré situé à peu près à l'emplacement des Chaloches, et enfin le fief des Bauces qui par déformation donna les Bourses. Les douves du premier château des Bourses rasé à la guerre de Cent Ans sont toujours visibles.

La destruction de ce château est évidemment l'oeuvre du sinistre Knoles, badit anglais célèbre dont nous avons maintes fois parlé lors des épisodes précédents.

En 1389, la terre des Bourses appartenait à Guérin de Filemain. Ce dernier était né au château de la Salle à Paucourt vers 1324. Guérin vécut plus de quatre-vingts ans, longévité rare à l'époque, qu'il dut peut-être au bon, air de la forêt. En effet, il en fut durant cinquante ans le garde, on disait "le concierge", ainsi que celui du château de la Salle.

Cependant, au Moyen Age les bois étaient peuplés de loups. La guerre de Cent Ans et son cortège de misères favorisa d'ailleurs leur prolifération. En 1406, il existait à La Selle-en-Hermois une maison servant d'affût aux bêtes sauvages : la Louvandière située dans l'actuel bois de Péqueux.

Le château des Bourses fut réédifié vers 1520 par les Filemain. Paul Gache écrit : "le château devait avoir belle apparence pour qu'à la fin du XVIe siècle le très riche Chaseray, de Gien, très exigeant, s'en contente".

En 1562, le seigneur des Bourses était donc le général des finances Chaseray. Protestant avéré, il fut le principal bailleur de fonds des Huguenots dont Coligny, à Châtillon. Sous Henri IV, les Loynes succédèrent à Chaseray et furent parmi les derniers protestants de la région. Le seigneur des Bourses, Salomon de Loynes, se rattachait ainsi que sa famille à la communauté huguenote de Châtillon. Mais après de longues années de protestantisme, la famille de Loynes se convertit au catholicisme en 1640. Et, suprême renversement des pratiques religieuses, la petite-fille de Salomon entra en 1682 au couvent des Bénédictines de Montargis.

Les religieuses de La Chaussée devinrent alors propriétaires du château que la descendante de l'ancien seigneur huguenot leur apporta en dot... Après avoir été cent ans domaine protestant, le château des Bourses passait aux mains des religieuses catholiques…

Mais le château ne fut pour les Bénédictines qu'une terre de rapport où elles se rendaient très rarement : la garde en fût confiée à des receveurs dont les plus notables furent les Fouet.

Les gérants du domaine des Bourses se comportaient comme les seigneurs de La Selle-en-Herrnois occupant le premier banc à I'égIise. Jean Fougeret, châtelain de Château-Renard finit par s'offusquer d'une telle impudence considérant que les honneurs rendus à Henry Fouet lui revenaient de droit selon un accord passé avec le duc d'Orléans.

Appliquant une loi toute féodale, il envoya l'huissier au malheureux curé de la Selle. Ce dernier fut sommé de "recommander aux prières du prône des messes paroissiales Mr et Mme Fougeret et leurs enfants (…) et de cesser de recommander les dames, abbesses et religieuses bénédictines de Montargis comme n'ayant aucun droit et titre à cet effet".

Henry Fouet perdait là un honneur dont il bénéficiait en tant que receveur des Bénédictines… Cependant la fin de l'Ancien Régime approchait : quatre ans après ce tapage le château des Bourses fut déclaré bien national et la fonction de receveur disparut. La Révolution venait de mettre un terme à ces querelles dérisoires.

La Selle-en-Hermois : le pèlerinage tourne mal

La 30 avril 1386, au pèlerinage Saint~Eutrope étaient assemblés de nombreux fidèles venus des paroisses environnantes.

Parmi eux, des jeunes hommes venus "s'esbattre à la Celle en Hermois". La journée se termina à la taverne où se retrouvèrent quelques laboureurs brassiers de Château-Renard. A la faveur de quelques chopines, les esprits s'échauffèrent : "Pierre de la Boc, de Ferrières en Gâtinais, se courouça audit Jean ilart et lui jeta sur le visage plein boire de vin (…)". Une bataille rangée s'organisa alors entre les laboureurs de Château-Renard et ceux de Ferrières.

Les brassiers, plus nombreux, pourchassèrent Pierre de la Soc jusqu'à chez Jehan Nergi, chapelain de La Selle, qui tentait de porter secours aux Ferrièrois menacés. Mais les hommes de Château-Renard forcèrent la porte et tapèrent à coups de bâton sur tous ceux qui se réfugiaient là.

La mère du chapelain "vieille et ancienne femme de 60 à 80 ans ou environ (sic) se trouva malencontreusement sur le trajet du gourdin qu'actionnait un ivrogne : elle reçut un coup violent qui la précipita de vie à trépas.

Cependant, le roi Charles VI accorda sa rémission aux laboureurs, "parce que au pays avait régné auparavant la mortalité et qu'au moins beaucoup de gens étaient morts"...

Autrement dit, la guerre de Cent Ans avait donné le mauvais exemple aux jeunes.

Liliane Violas


Renseignements historiques extraits des recherches de M. l'abbé Besnault, M. Paul Gache et M. Michel Métais.


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