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Histoire d'il y a belle lurette...

Triguères

par Liliane Violas
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Cet article est extrait de l'
Eclaireur du Gâtinais n° 2780 du 11 février 1999

l'oppidum

images de Triguères


Triguères à ses origines

La modestie de l'actuel bourg de Triguères ne reflète en rien sa grandeur passée : autrefois cité celte, Triguères fut, après la conquête de César, une grande ville gallo-romaine.

Toute la colline appelée "le Donjon" était une place forte celtique s'étendant sur neuf hectares. Cet oppidum permettait de contrôler le "chemin Perré" qui constituait le seul axe reliant Sens à Gien et ce, jusqu'en 1825.On peut qualifier de celtique ce chemin empierré de silex au lieu d'être dallé comme le furent toutes les voies romaines.
Les fouilles furent entreprises au milieu du XIXe siècle grâce à la ténacité de M. Petit, juge de paix du canton, conseiller général et ancien maire de Triguères. Cet éminent personnage, passionné d'archéologie l'était également de son village. Il n'eut alors d'autre but que de mener les fouilles à leur terme. HéIas, les précieux vestiges découverts au prix de tant d'efforts et de passion ne sont plus visibles aujourd'hui. En effet, les cultivateurs qui avaient mis leurs champs à la disposition des chercheurs ont exigé qu'ils soient remis en état de culture aussitôt les fouilles terminées …

Les ruines celtiques

A 600 mètres de la ferme de la Marchaiserie, le "trilithe du Vieux-Garçon" attirait de nombreux Visiteurs. Ce monument composé de trois énormes blocs superposés, était en grès, roche dont le gisement le plus proche se trouve à Souppes, c'est-à-dire à soixante kilomètres !
Les efforts nécessaires à l'acheminement d'une telle masse sur une pareille distance furent probablement soutenus par une sérieuse motivation que l'on peut supposer d'ordre spirituel. Au pied de cette pierre on retrouva une double
enceinte de fortifications celtiques : en silex ainsi que des objets d'origine gallo-romaine : vases, passoire en bronze. Au début de ce siècle le cultivateur du champ, lassé des curieux, fit basculer le menhir dans une fosse creusée à cet effet.
Un puits funéraire celte fut mis au jour de manière fortuite par un habitant du bourg en 1862. M. Leclerc se faisait creuser une cave lorsqu'il découvrit un puits de forme elliptique de plus de cinq mètres de profondeur. A l'intérieur se trouvaient des cendres mêlées d'os, des mâchoires de porcs, des cornes de bélier et un pot. Le puits fut immédiatement comblé par le propriétaire qui construisit dessus un cellier, au grand dam des chercheurs...

A l'époque gallo-romaine

L'archéologue Boutet de Monvel fut le responsable du chantier qui se déroula à Triguères à partir de 1850 environ.
L'un des premiers vestiges mis au jour fut le théâtre. Situé derrière l'actuelle gare, il était de dimensions imposantes : un demi-cercle allongé de 71 mètres de diamètre sur 56 mètres de profondeur. Selon un architecte de l'époque, l'édifice rappelle le théâtre de Pompéi et pouvait contenir environ huit mille personnes. Cette impressionnante capacité d'accueil laisse imaginer la population de la cité gallo-romaine. Rappelons que le canton actuel compte environ cinq mille habitants...
"Durant l'hiver 1857, écrivait M. de Monvel, M. Fouet propriétaire du château faisant labourer un coin de ce pacifique donjon pour y planter plus tard des pommes de terre, mit à découvert une tombe en pierre, dont les premiers coups de pioche brisèrent le couvercle en quatre morceaux. On souleva le couvercle et on vit les ossements d'un cadavre dans la position où depuis des siècles des mains amies l'avaient déposé (…)".
Poursuivants les investigations, M. Petit et l'abbé Guiot découvrirent tout un cimetière gallo-romain, dont les ossements portaient encore épées, ceinturons de bronze, bijoux.
La découverte de cette nécropole, ajoutée à celle du théatre donna aux archéologues l'idée de l'importance du site. Reprenant alors la pioche avec ardeur, ils dirigèrent leur recherche sur le lieu que l'on nomme le "Moulin du chemin". En 1858, ils dégagèrent là une partie d'un sanctuaire de source, vaste enceinte rectangulaire longée par une galerie. A l'intérieur, trois constructions furent fouillées qui recelaient un empilement de colonnes brisées, des chapiteaux corinthiens, de statues en morceaux. Les fouilles furent incomplètes par manque de fonds.
D'autre part, le propriétaire des lieux souhaitait récupérer rapidement son champ, ce qui obligea les archéologues à abréger leurs recherches. C'est alors qu'une allocation octroyée par le Département leur permit de poursuivre plus aisément leurs prospections.
Au lieu-dit "les Vallées", sur l'autre rive de l'Ouanne, ils mirent au jour les fondations d'une immense villa gallo-romaine. Les Vestiges s'étendaient sur cinquante mètres de longueur pour vingt mètres de large. Cette riche habitation ne put être totalement dégagée car une partie se trouvait sous le chemin de Triguères aux Vallées. Plus loin, aux Monts, sur la commune de Château-Renard, ce sont. des bains chauds qui furent découverts.
M. Boutet de Monvel précise qu'on trouvait là l'appareil de bains d'une riche maison particulière, dont les fouilles ne révélaient qu'une partie".
Puis M. Petit fit effectuer des fouilles vers le trilithe du Vieux-garçon. En effet, il avait remarqué à cet endroit une infertilité du terrain, lui laissant supposer la présence de fondations souterraines. Ces soupçons étaient fondés puisqu'on mit au jour un temple, recelant des statuettes consacrées par le culte gallo-romain, ainsi que des médailles et des monnaies romaines.
En se rendant à ce chantier de fouilles, M. Petit découvrit de part et d'autre de la route des trous carrés qu'il sonda avec sa canne. Un son métallique lui répondit et quelques jours après tandis qu'on procédait au creusement d'un puits dans une maison située à deux cents mètres de là, on découvrit une conduite d'eau. Des fouilles superficielles montrèrent que cette canalisation rejoignait la fontaine Sainte-Anne de Douchy, comblée depuis le début du XIXe siècle.
L'aqueduc découvert avait six kilomètres de longueur et s'interrompait brusquement au sud du donjon. Lès chercheurs s'interrogèrent sur l'éventuelle présence de thermes. Pour vérifier leurs hypothèses, ils entreprirent de fouiller en contrebas de l'oppidum, c'est-à-dire du château.
Ce ne furent pas les bains escomptés qui firent surface mais de modestes maisons gallo-romaines jonchées de figurines et de pièces. Ces habitations étaient traversées par un vicus, voie romaine dallée semblant se diriger vers le Moulin-du-Chemin.
Suivant cette direction, on trouva dans le sol les thermes recherchés. Des fouilles poussées permirent de se faire une idée assez précise de leur architecture. Ils s'étendaient sur cent mètres de longueur pour trente cinq mètres de large. Cet édifice imposant et luxueux était doté d'un système de chauffage de l'eau perfectionné. Des salles de massage et de repos procuraient aux baigneurs une appréciable détente. L'établissement était donc alimenté par l'eau de la fontaine Sainte-Anne de Douchy.
Aujourd'hui, tous ces vestiges sont de nouveau enfouis. Il ne reste plus trace de la grandeur passée de Triguères. Les ruines de cette vaste cité attendent de nouveaux découvreurs. Espérons qu'un jour des archéologues passionnés sauront à quelle porte frapper pour trouver l'argent nécessaire à de nouvelles fouilles. On verra alors resurgir les fondations de l'agglomération gallo-romaine qui appartiennent au patrimoine historique et à la mémoire de Triguères.

Triguères Vellaunodunum

Triguères eut donc un glorieux passé. Ce fut une grande ville gallo-romaine que bon nombre d'historiens n'hésitent pas à assimiler à Vellaunodunum,cité conquise par César lors de la guerre des Gaules. Rappelons les faits : en mars 52 avant JC, la Gaule est province romaine depuis sept ans. Jules César apprend alors qu'un jeune chef gaulois, Vercingétorix a rassemblé les communautés gauloises et s'apprête à libérer la Gaule. Afin de réprimer la rébellion qu'il sent monter, il décide de rejoindre au plus vite Gergovie que menace Vercingétorix. A la tête de ses légions, il parvient dans le Sénonais où il s'empare d'Agendicum (Sens) et entreprend de "longer les Bituriges" (Berrichins) avec 60.000 hommes. En route il enlève Vellaunodunum, ville sénonaise et Genabum, cité carnute. On a longtemps affirmé que Genabum était Gien. La tendance actuelle est plutôt de penser qu'il s'agit d'Orléans. Mais cette seconde version des faits réfute du même coup l'assimilation Triguères-Vellaunodunum. En effet, pourquoi César si pressé serait-il passé par Triguères pour parcourir la distance Sens - Orléans ? Il faut donc chercher Vellaunodunum ailleurs. Mais aussi, curieux itinéraire que de passer par Orléans pour se rendre à Bourges (chez les Bituriges) moi, si j'étais César, je passerais par Gien, et Triguères se serait appelé Vellaunodunum...

Triguères au temps du chistianisme

Triguères, la gallo-romaine, disparut au cinquième siècle.
Lors des fouilles, on découvrit un four à briques romain dans la cour de la forme de la Mardelle, contiguë au Théâtre. On le trouva garni de briques crues et prêt à fonctionner, ce qui atteste dela soudaineté de l'invasion qui anéantit ville et habitants.
La dévastation fut totale : les fouilles livrèrent aux yeux des chercheurs les preuves de ce saccage : colonnes, statues, murs, brisés de toutes parts. On avait voulu exterminer les édifices autant que la population. Les trouvailles permettant de dater la disparition de la cité furent les médailles exhumées tout au long du chantier: elles présentaient les empereurs romains successifs en place lors de la gloire de Triguères. La succession rompait à Arcadius, mort en l'an 408. Il ne fut pas découvert de médaille plus récente.
Or, à cette époque, Triguères dut essuyer la retraite d'Attila, d'Orléans sur Troyes, où il fut écrasé aux Champs Calauniques. A la tête de 500.000 hommes "le fléau de Dieu" ravagea tout le Montargois. Les Huns, venus des steppes de Mongolie semaient l'épouvante sur leur passage. La dévastation était pour ces cavaliers nomades un acte quasi religieux.
Tous les écoliers ont appris qu'Attila faisait cuire son bifteck sous la selle de son cheval et que derrière lui "l'herbe ne repousse plus". Cette dernière maxime s'avéra cruellement vraie. Triguères ne renaquit de ses cendres que six siècles plus tard.

L'église Saint-Martin

Au Xle siècle se construisit l'église du curé Aymery. Un document épigraphique, gravé sur une pierre du portail, se rapporte à sa fondation :
"VIII IDUS IVNII OBIIT AIMERIDVS SACERDOS QVI FECIT ISTAM", c'est-à-dire : "Le 8 des ides de juin mourut Aimeridus prêtre qui fit celle-ci ...
Le manque d'unité de style de la très vieille église de Triquères est ce qui lui vaut son intérêt archéologique. Les parties les plus anciennes sont la tour du clocher et le portail du XIe siècle. Ce sont les restes d'une église primitive romane qui disparut, peut-être suite à un incendie. Moins de cent ans après, on reconstruisit l'église de Triguères, l'époque était alors au gothique.
Le choeur ainsi que la grande nef furent édifiés durant le second tiers du XlIe siècle, On ne connaît aucun document historique concernant cette égIise antérieur au XIIIe siècle. Le premier est une charte d'octobre 1258. L'acte donne la forme latine du nom de Triguères : Trigorria.
Au XVIe on ajouta les bas-côtés et la sacristie. L'autel Renaissance fut offert par les Bénédictines de Montargis. Il provenait du couvent des religieuses bénédictines de Gy-les-Nonains. Il est orné d'un retable tabernacle en bois et pâte dorés.
Les cloches étaient au nombre de trois. Il n'en reste qu'une qui fut brisée en 1945. En effet, à l'annonce de l'Armistice des habitants trop exubérants voulurent monter dans le clocher pour carillonner leur joie. Trouvant que la cloche ne sonnait pas assez fort, ils tapèrent sur le bronze. Le résultat fut décevant : la bourdon, fêlé, ne sonnait plus. Il fallut donc le descendre du clocher afin de le réparer. Il fut refondu en 1946.
Mais à quelque chose malheur est bon : en effet durant l'opération de remise en place de la cloche, on démonta le bas du clocher. C'est alors que l'on découvrit au pied de la tour une statue de bois du XVe siècle, une Vierge royale probablement camouflée dans le mur lors de la Révolution.
L'église est placée sous le double patronage de Saint Louis et de Saint Martin. Mais on ne saurait faire le tour de cet édifice sans évoquer sainte Alpais dont les reliques sont, encore aujourd'hui l'objet d'une célébration le premier dimanche de juillet.

Sainte Alpais la bienheureuse

Sainte Alpais naquit à Triguéres en 1150 au hameau de la Mardelle.
Dès son plus jeune âge, elle allait garder les troupeaux aux champs, se plaisant, dit la chronique, dans une solitude propice à la prière. Son père mourut tandis qu'elle n'était encore qu'une toute jeune fille. Elle quitta alors Triguères pour aller avec sa famille s'établir à Cudot. C'est là-bas qu'Alpais tombe malade.
Minée par de trop rudes travaux, elle s'affaiblit et son corps se couvrit de plaies repoussantes. Elle restait couchée toute la journée, n'ayant que la prière pour secours. Alpais guérit mais resta paralysée Et c'est que le magique entre dans l'histoire car Alpais demeurait perpétuellement couchée n'ayant besoin "d'aliment ni de breuvage d'aucune sorte". Et elle vécut ainsi sans boire ni s'alimenter durant... soixante ans. Sa Vie de recluse se passait dans une extase continuelle. Elle avait des visions, prophétisait et opérait des guérisons miraculeuses. La mère du roi Philippe-Auguste fit le déplacement à Cudot pour visiter la sainte tant sa réputation était étendue.
Robert d'Auxerre, qui fut son contemporain, écrivait en 1180 : "Actuellement il y a dans le Sénonais, au village de Cudot, une jeune fille connue et de grand renom (…). A cette jeune fille, il a été donné, par faveur divine de vivre de vie corporelle sans avoir besoin d'aliment corporel ; (...) Souvent elle est ravie au ciel, sous la conduite d'un ange (...) lorsqu'elle revient à elle, elle pèse avec soin ce qu'elle dit et à qui elle le dit, (…) souvent elle voit en esprit des êtres absents, elle voit souvent d'avance ce qui va arriver.
Sainte Alpais mourut en 1211, elle fut canonisée par Pie XI en 1874. A Triguéres comme a Cudot, elle fut l'objet d'un véritable culte. Au début de ce siècle, les fidèles se rendaient encore en procession depuis la source Sainte-Alpais de Triguères jusqu'à l'église de Cudot. Les vingt kilomètres s'effectuaient à pied, bannières déployées et cantiques à la bouche.
La tradition fut maintenue jusqu'à la dernière guerre mais la procession se contentait alors d'un circuit ralliant l'église de Triguères à la source Saint Alpais, la marche à pied commençait à passer de mode ... Aujourd'hui, le souvenir de la sainte patronne de Triguères est vivant : on célèbre une messe en son honneur le premier dimanche de juillet.

Un miracle de Sainte-Alpais

"En 1790, un soleil brûlant désolait les campagnes et la permanence prolongée dé la sécheresse menaçait les habitants de la perte totale de leurs récoltes. La paroisse de Triguères résolut de réclamer solennellement la protection de la bienheureuse Alpais. Un pèlerinage s'organise. Préparées par la prière et la pénitence, trois cents personnes sont en route (...). La procession arrive en bel ordre au village de la sainte, à trois lieues de Triguères. Malgré la fatigue du voyage les pèlerins entrent dans l'église, se prosternent devant le tombeau d'Alpais (...). La sainte ne sera pas sourde longtemps aux supplications de toute cette foule. En effet, le ciel, jusque-là serein, se couvrit de nuages, et une pluie abondante rendit bientôt la vie et la fraîcheur à la terre desséchée. Cet incident est consigné dans les registres de l'état civil de Cudot".
La vie merveilleuse de Sainte Alpais de Cudot par l'abbé Tridon.

Village aux trois châteaux

Au XVIème siècle, la France connaissait une période de troubles. Triguères, parcourue et pillée par des mercenaires sans emploi demanda la permission de se fortifier pour parer au danger.
Des lettres du roi, provenant de Fontainebleau et datées de 1546, répondirent favorablement à la supplique : "contenant que ledit bourg est de grande estandue, fort peuplé de bons et notables personnages tans marchans bourgeois que autres assis en bon et fertile païs, construit et édifié de belles et grandes maisons". Les travaux n'ont, semble-t-il pas été exécutés, sauf les fossés dont il ne reste plus trace.
C'est probablement à cette époque que les Seigneurs de Triguères édifièrent le Châtelet ou Maison des David, mieux connu sous le nom de "Donjon". Le bourg était à l'époque compris entre le ru des Dardennes et les fossés. Le centre de Triguères constituait alors le "fief des quatre arpents" qui incluait l'église.

Les seigneurs de Triguères

Au XlVe siècle, Jean du Sochet, de Gy-les-Nonains était seigneur d'un fief à Triguères. Il eut une fille Marie, qui épousa Jean d'Avy.
A partir de ce mariage, la famille d'Avy se fixa dans la vallée de l'Ouanne. Elle allait rester durant trois cents ans. Les Avy, ou David, que nous avons déjà évoqués à propos de Douchy possédaient de nombreux fiefs dans la région : à Château-Renard, Douchy mais aussi à Conflans.
Vers 1550, ils firent donc bâtir le Châtelet, partie ancienne du Donjon de Triguères, la demeure bourgeoise construite à proximité étant beaucoup plus récente. Les d'Avy en restèrent propriétaires jusqu'en 1685, date à laquelle, criblés de dettes, ils furent contraints de vendre leurs biens.
Les religieuses Bénédictines de Montargis se rendirent adjudicatrices du château. Elles en firent leur maison de campagne et ce, jusqu'à la Révolution. Le gens du clergé étant alors saisis, le Châtelet fut vendu au sieur Jaluzot, puis, au XIXe siècle, à M. Fouet, maire de Triguères.
En 1919, le château fut racheté par la famille Lassailly, en parenté lointaine avec l'historien Boutet de Monvel qui dirigea les fouilles gallo-romaines (voir notre édition d'il y a quinze jours).

"Cigît Guillaume Davy"

Une grande dalle située dans l'église de Triguères prouve la très ancienne implantation des d'Avy dans le village.
Elle porte une inscription dont le curé Taillandier de Triguères rapporte le texte : "Cigît Guillaume Davy en son vivant seigneur de la Fouynière et du petit Jussy qui trépassa le neuvième jour de juin mil cinq Cens trente et Cinq et auprès de lui Jehanne Poncet en son vivant femme dudit Davy laquelle trépassa le XIIJ. Jour de may mil Vc VIIIJ. Prie pour eux... On voit, écrit le père Taillandier, que cette pierre étoit une tombe sous laquelle avoient été enterrés ces anciens seigneurs de Triguerre, dont les successeurs ont vendu, ou plus tôt ont été forcé de vendre à plusieurs autres et en particulier aux Dames Bénédictines de Montargis qui ont acquis par décret forcé en mil six cent quatre vingt cinq".

Le Grand-Courtoiseau

D'après l'historien Paul Gache, le nom de Courtoiseau provient de "la Cour des Oisons". En effet, Gefroy Oison fut propriétaire du fief en 1300, lequel passa aux mains des d'Avy en 1353.
Le premier château de Courtoiseau se situait à l'emplacement de la ferme du château. Après la guerre de cent ans, les d'Avy reconstruisirent leurs fiefs et déplacèrent la Cour des Oisons sur le site du Courtoiseau visible aujourd'hui. "La Cour des Oisons, nous dit Paul Gache, est alors devenue ferme mais gardera longtemps des tours(…) d'où le nom de la Guetterie donné à la ferme".
Les d'Avy, on l'a vu, connurent des revers de fortune et furent contraints de vendre leurs propriétés : le château de Courtoiseau et la ferme de la Cour des Oisons échurent à la famille Farins, bourgeois de Triguères. Les de Lisle en héritèrent et furent les derniers à se nommer en 1650 "seigneurs de la Guettrie et de Courtoiseau". Le château passa ensuite aux Hodoart, d'une noblesse de robe originaires de Sens. Les Hodoart possédaient également Villegardin à Chéroy et d'autres fiefs dans la région.
Par le jeu des alliances, le Courtoiseau passa au milieu du XVIIIe siècle au petit-fils du collaborateur de Buffon, Antoine Dupré de Saint-Maur. Celui-ci donna au Grand-Courtoiseau son allure actuelle. Au XIXe, les Cornu de la Fontaine de
Coincy acquirent le domaine. Ils y demeurèrent de 1836 à 1906. Alfred Gérault-Richard leur succéda.
Journaliste socialiste, il combattit le Boulangisme et fonda en 1893, le "Chambard", dont un article lui valut un an de prison. Il devint ensuite rédacteur en chef de "la Petite République". Après son décès, à Monte-Carlo, sa veuve Créole continua d'habiter le château. Elle laissa un sympathique souvenir aux habitants de Triguères.
Après ce tour d'horizon des châteaux de Triguères, il ne faut pas omettre celui du bourg, belle demeure bourgeoise bâtie au XIXe siècle. M. Cachon, ancien maire de Triguères, raconte avec malice que le château fut "inauguré par les Prussiens".
En effet, les plâtres étaient à peine secs lorsque les envahisseurs le réquisitionnèrent ! Ce qui était, somme toute, une bonne façon d'essuyer les plâtres ! L'histoire ne dit pas si le propriétaire était content...

Liliane Violas


Renseignements historiques extraits des recherches de M. Eugène Jarry, "Notice archéologique de l'église de Triguères", de M. Paul Gache, du livre de M. Boulet de Monvel : "Nouvelle étude sur les ruines celtiques et gallo-romaines de la commune de Triguères", et du mémoire de M. David Pastor "Triguères et ses origines". Remerciements spéciaux à M. Bernard Cachon pour son dévouement et sa générosité: il a mis à ma disposition tous ses documents historiques et m'a fait bénéficier de sa grande culture sur Triguères.


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