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De Gy-les-Nonains au Canada, la vie oubliée de Jean Baptiste Louis LEPREVOST-DUQUESNEL

par Frédéric Pige
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Le château de Changy à Gy-les-Nonains

Cet article est extrait du Bulletin de la S.E.M. N°117, décembre 2001


Nul n’est prophète en son pays. S’il fallait donner un exemple pour illustrer ce proverbe, il n’y en aurait pas de meilleur que celui de Jean Baptiste Louis LEPREVOST-DUQUESNEL. Ces quelques lignes ont pour but de réhabiliter à notre mémoire un homme dont nous retracerons quelques faits marquants de sa vie.

Né vers 1685 et issu d’une famille noble d’officiers de marine, il embrasse lui aussi une carrière de marin. Il débute comme garde-marine à Brest en 1703. En août 1704 il participe au combat de Malaga sur le vaisseau amiral " le Foudroyant ". Ce combat oppose les Français aux Anglais au cours de la guerre de Succession d’Espagne. Il est gravement blessé durant la bataille. Il perd " la jambe gauche et a la jambe droite raccourcie de trois doigts sous les yeux du comte de Toulouse ". Il n’a alors que 19 ans. Cet incident, bien que l’handicapant fortement, ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière, montant de grade en grade.

Parallèlement à sa vie professionnelle, il épouse dans les années 1720 Margueritte GIRAULT du POYET. Le 20 octobre 1728, il achète à Louis LECOIGNEUX, fils de Marie-Louise de COURTENAY, la terre, fief et seigneurie de Changy haut et bas, Vaux, la Fleurière, Mongelu, Tourteville, Labrosse le Mignon, Thoisy, la Guillotière et autres pour la somme de 80 000 livres. Il a plusieurs enfants dont certains naissent à Gy après l’acquisition de sa seigneurie. Parmi eux est une fille, Françoise-Margueritte, qui se marie en 1750 avec Claude MITHON de GENOUILLY et qui passera toute sa vie au château de Changy. Il est à noter que Margueritte GIRAULT du POYET fut certainement la dernière personne à être inhumée dans le chœur de l’église de Gy, et ceci en octobre 1780 malgré le nouvel édit royal interdisant désormais de telles pratiques pour des causes de salubrité.

Revenons à la carrière de JBL LEPREVOST-DUQUESNEL. Il reçoit son premier commandement de vaisseau comme capitaine du " Jason " en 1737. Il est alors chargé d’effectuer le transport des approvisionnements à Québec et de garder les navires qui faisaient la pêche sur les grands bancs de Terre-Neuve. Le 1er septembre 1740, il est nommé commandant de l’île Royale (aujourd’hui Cap-Breton) avec toutes les prérogatives de gouverneur sans en recevoir le titre. Il laisse sa femme et ses enfants à Gy.

L’île Royale et l’île Saint-Jean (aujourd’hui île-du-Prince-Edouard) sont, après la guerre de Succession d’Espagne et le traité d’Utrecht (1713), les dernières possessions de la France dans ce qui est aujourd’hui le Canada atlantique. Elles servent de base de pêche pour la pêche de la morue, activité alors fort lucrative. A partir de 1719 est entrepris la construction à Louisbourg, capitale de l’île Royale, d’une place forte. Cette dernière sert à surveiller les Anglais. Elle sert aussi de retranchement en cas de conflit. Sa position stratégique en fait donc un lieu important.

" DUQUESNEL était enchanté de sa promotion et obtint rapidement une avance de 5000 livres pour aller vivre à Louisbourg. Cependant, son enthousiasme ne tarda pas à se refroidir : en moins d’un an, il avait demandé d’être muté au premier poste vacant de gouverneur. En inspectant la ville après son arrivée le 3 novembre 1740, il découvrit une garnison à court de personnel et d’équipement, affaiblie en plus par l’indiscipline et l’ivrognerie ".

La tâche de JBL LEPREVOST-DUQUESNEL est d’assurer la sécurité de la colonie dans la perspective d’une guerre avec l’Angleterre et on l’incite également à ne pas négliger de préparer l’offensive. Durant les premières années de son commandement, il fait modifier les fortifications tout en élaborant des plans d’attaque.

A la déclaration de la guerre le 18 mars 1744, il passe immédiatement à l’offensive. Il s’attaque en premier au petit fort anglais de l’île de Canseau (aujourd’hui Grassy Island) qu’il prend le 24 mai 1744. Fort de sa victoire, il prépare une seconde expédition contre la garnison d’Annapolis Royal, malgré des instructions lui ordonnant de ne rien faire. Il meurt le 9 octobre 1744 avant que celle-ci ne soit prête. Elle fut tout de même lancée mais ce fut un échec.

En 1745, la forteresse de Louisbourg est prise par les Anglais après un siège de 46 jours. Revenue entre les mains des Français après le traité d’Aix-la-Chapelle en 1748, Louisbourg est à nouveau le lieu de combat entre Français et Anglais en 1758. La forteresse est alors entièrement détruite par les Anglais.

Ainsi, voici l’histoire d’un ancien seigneur de Gy-les-Nonains et d’une ancienne colonie française. L’histoire aurait pu s’en arrêter là si, à partir de 1961, le gouvernement du Canada n’avait entrepris un vaste projet de reconstruction d’un quart de la ville et des fortifications originales. Des bâtiments, des rues, des courettes, des jardins ont été reconstruits tels qu’ils étaient dans les années 1740. La chambre du gouverneur a été reconstruite et meublée à partir de l’inventaire après décès de JBL LEPREVOST-DUQUESNEL. Des articles ont été publiés sur sa vie et en 1964, son corps a été exhumé et autopsié. Lorsque j’ai pris contact avec les archéologues et historiens de Louisbourg qui est un " lieu historique national ", j’ai été surpris que ce personnage, oublié ici, soit si connu là-bas. Alors, si un jour vous allez à Louisbourg, n’hésitez pas à dire que vous habitez près du château de JBL LEPREVOST-DUQUESNEL, vous serez sûrement bien reçu.


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