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La Loire préhistorique

 

par André Aubourg
Cet article est extrait du Bulletin de la Société d'Emulation n°116, août 2001


INTRODUCTION

Ce fleuve, le plus long de France avec ses 1012 km et son bassin qui couvre environ un cinquième du territoire français, a eu un cours capricieux.

Au cours de ses divagations, il a traversé notre département du sud au nord en y laissant et en y déplaçant aussi, un volume important d’alluvions.

C’est cette partie de son existence qui lui a valu le nom de paléo-Loire dans son parcours à travers le Loiret.

Comme ces alluvions renferment une assez grande quantité de silex, d’abord aménagés, puis taillés, par des hommes de la préhistoire, nous l’avons baptisée : Loire préhistorique.

Mais comment est né ce fleuve ? Quelles sont ses origines géologiques ?


 Essayons de cerner ce qui a pu se passer dans les temps agités qui ont précédé, puis donné naissance à notre bébé ruisseau qui est devenu la Loire.

Nous savons aujourd’hui que sous nos pieds existe une masse en fusion de 12700 Km de diamètre. Les éléments en présence subissent une température de plusieurs milliers de degrés.

C’est sur cette masse que flottent les plaques de pierre qui supportent nos maisons.

Notre mère la Terre était déjà bien âgée quand de nouvelles contraintes sismiques ont exercé des pressions sur son équilibre.

Là il n’est pas interdit de penser que ces contraintes pouvaient avoir pour origine des convulsions venues d’autres galaxies.

Il faut se rappeler que notre planète occupe une place à la périphérie de notre galaxie, hors des colossales pressions et températures qui doivent régner en son centre.

Ainsi voilà environ 400 millions d’années, pendant l’ère primaire, de formidables pressions ont commencé à déformer la lithosphère et engendrer de nouvelles montagnes.

Les Hommes ont appelé cette époque, le Dévonien, quatrième étage de l’ère primaire - de Devon, un comté d’Angleterre. Cette phase était le début du plissement Hercynien (du latin " hercynia silva : la forêt). C’était aussi la naissance du Massif Central.

Beaucoup plus tard, des géologues écrivaient " sur cette région est arrivé un nouveau cycle orogénique, le Paléozoïque"

Ainsi des montagnes avaient vu le jour, essentiellement constituées par une roche des profondeurs, le granite (à ne pas confondre avec le granit, une autre espèce de roche).

Cette période, que l’on pourrait dénommer enfance, adolescence, âge adulte, dura jusqu’au Permien, autre période, soit pendant 110 millions d’années.

Puis la Terre, Gé, s’est endormie pour un long repos.

Pendant ce sommeil, une immense surface d’érosion prit la place des montagnes hercyniennes. Des bassins houillers se formèrent, profondément enfouis sous les sédiments. Par ailleurs, d’importants affaissements à grand rayon de courbure, engendrèrent de profondes dépressions.

Certains de ces affaissements furent envahis par la mer et formèrent un détroit qui séparait les Pyrénées du Massif Central. Ce bras de mer persistera pendant 160 millions d’années, jusqu’à la fin du Jurassique, à l’ère secondaire.

Ensuite au Crétacé, dernière période de l’ère secondaire, un autre changement se produisit.

Gé, la Terre, se réveilla et de nouveau se gonfla comme en une gestation et chassa la mer du détroit.

Et, pendant 65 millions d’années, des perturbations modifièrent encore le paysage.

Puis, s’étant une fois de plus assagie, un nouveau "sommeil" avait commencé : c’était le début de l’ère tertiaire.

Mais, par ailleurs, le Massif Central avait recommencé à se déformer au cours de cette nouvelle période d’érosion (c’est alors qu’il participe indirectement aux plissements pyrénéens et alpins). C’est la nature rigide du matériel qui constitue le Massif qui fait qu’il ne se plisse pas : ce sont des escarpements nets et très élevés qui apparaissent. Les anciennes cassures du Primaire rejouent suivant des directions N-O/S-E (armoricaine) et N-E/S-O (varisque).

C’est à cette époque que se sont créées des profondes cassures tectoniques qui ont libéré le magma et formé les premiers volcans d’Auvergne. De cette césarienne cosmique des jets de matière en fusion jaillirent furieusement des profondeurs et montèrent à des hauteurs vertigineuses. Alentour, la campagne verdoyante, habituée à la paix vieille de quelques millions d’années, disparut sous des couches et des couches de cendres, de scories et de poussières.

Périodiquement, les entrailles de Gé, comprimées par la digestion d’une énorme masse venant du sud que les Hommes appellent aujourd’hui l’Afrique, continuait à sortie et à s’empiler en d’énormes cônes. Dans les manuels on les appelle "la chaîne des Puys".

Cette phase a pris le nom de période oligo-myocène, c’est à dire à peu près le milieu de l’ère tertiaire.

Et les volcans entassaient des milliard de mètres cubes de roche poreuse qui retenait facilement les eaux de pluie. Tout cela formait un gigantesque réservoir d’eau douce.

Il paraît même qu’à la naissance de Gé, il avait plu pendant 40 millions d’années sans interruption. C’est cela qui aurait crée les océans d’où émergeait la Pangée. Cette planétaire a disparu voilà 200 millions d’années, cassée en morceaux partis dans toutes les directions. On les retrouve aujourd’hui loin les uns des autres et on les appelle continents.

Mais Gé, la terre, n’est pas morte pour autant. Ses "maladies" périodiques continuent à semer la panique et la mort sur les îles et à les déformer.

 

Mais revenons à notre Loire.

Elle commence son cheminement sur le Massif Central. De l’amont à l’embouchure, l’ensemble du réseau de son cours est superposé à une ancienne surface d’érosion qui formait un glacis incliné vers le N/N-O. - surface d’origine oligo-miocène, d’un âge d’environ 23 millions d’années.

Cet âge semblerait aller. En effet, voici une quinzaine d’années, des plans d’eau ont été creusés dans le Loiret aux environs des villages de Bray en Val (rive droite) et Sandillon (rive gauche) de la Loire. La pelleteuse avait rencontré, et sorti, du bois silicifié, en particulier, un arbre entier, avec racines, tronc et branches. Cela voudrait indiquer que la Loire, ou une partie du fleuve, allait vers l’Atlantique voilà pas mal de millions d’années.

Enfin, au départ, notre Loire est formée par un petit ruisseau, proche du Mont Gerbier des Joncs, né au lieu-dit Prébachas : c’est la petite Loire, qui, réunie an aval au ruisseau de l’Aigueneyre, constitue la Loire proprement dite.

Bien avant son entrée dans le Bassin Parisien, La Loire avait "scié" plusieurs massifs et creusé au moins deux gorges impressionnantes : celle de la Voûte, à 550 mètres d’altitude et celle de St.Rambert à 380 mètres. Cela s’était passé après son passage dans le Bassin du Puy en Velay.

Après avoir traversé et fertilisé quelques campagnes, nous voici arrivés dans la zone qui nous intéresse le plus.

Il est écrit dans les manuels spécialisés "Dans le Bassin Parisien, la Loire s’élargit considérablement au point de se confondre avec la plaine du Nivernais, la direction est toujours sensiblement S/N".

Tout de même il lui a fallu traverser le Sancerrois entre son éperon de l’altitude de 434 mètres et les collines du Nivernais-Puisaye hautes de 300-500 mètres.

C’est à partir de Briare que le fleuve amorce son coude vers l’ouest. Mais c’est seulement après Gien qu’il envahit les terres jusqu’à se mélanger aux eaux du Bassin Parisien après avoir emprunté la dépression de Pressigny les Pins et la cuvette montargoise.

Ce serait au niveau de Nevoy que le changement de volume paraît le plus plausible.

La carte géologique n°400 de Châtillon Coligny, indique un important gisement d’alluvions de plusieurs kilomètres carrés - de nature FV et FU (anciennes) du plio-quaternaire. Cette sorte de dépôt est présente à plusieurs endroits le long de la vallée où coule le Loing, en direction de la Seine.

La carte géologique de Montargis n°XXIV-19, les indique sous la forme FX sur la rive gauche du Loing jusqu’à Montargis. Au nord de la cuvette montargoise les dépôts se trouvent sur la rive droite.

La carte géologique de Château Landon n°XXIV-17, les indique jusqu’au nord de Souppes, en Seine et Marne. Leur altitude se situe sur la moyenne terrasse avec 20 à 30 mètres sur le Loing, suivant les lieux. (Ces alluvions FX seraient moins anciennes que les FV et FU).

D’après cette constatation, il vient à l’esprit que, plus on s’éloigne du lieu de changement de direction de la Loire, plus les alluvions rajeunissent en s’en éloignant.

Tout cela paraît avoir fonctionné comme si le substratum avait bougé en modifiant doucement le paysage. Le sol serait "monté" en arc de cercle dans la région de Gien vers Orléans. Il se serait établi une surrection suffisante pour détourner une partie du flux du fleuve. Puis, plus tard, une ligne de partage des eaux se serait établie et l’érosion aurait draîné le bassin en direction de la cuvette montargoise.

A ce sujet, voici ce qu’écrivait, en 1972, Madame Josette Toureng, professeur de géologie, à l’Université Pierre et Marie Curie, de Jussieu à Paris "Dans le bassin du Loing, l’apparition d’argile dans les alluvions au niveau de Pressigny les Pions permet de démontrer l’existence d’une paléo-Loire - PLIO-QUATERNAIRE qui a emprunté le cours du Loing en aval de Pressigny, apportant dans les sédiments un minerai caractéristique des éruptions volcaniques des Monts Dore : l’augite."

et "à une période qui a sans doute suivi de près le dépôt des sables du Bourbonnais, qui ne contiennent pas d’augite, la Loire s’est écoulée partiellement vers le Loing. Mais s’est également étalée largement à l’ouest de la vallée actuelle du Loing. Comme le montre la présence d’augite dans les nombreux sondages de cette région. Si la présence d’augite dans les moyennes terrasses du Loing peut se justifier par une confluence Loing-Loire, l’existence de ce même minerai en proportion importante dans les alluvions actuelles ne peut s’expliquer que par une reprise, par le réseau des affluents de la rive gauche du Loing, du matériel déposé antérieurement dans cette région par la Loire.

Le cours supérieur du Loing est un cours beaucoup plus jeune que la partie moyenne et inférieure. On peut d’ailleurs en avoir pour preuve l’inexistence des terrasses en amont de Montargis"

Voilà en gros expliquée une bonne partie de la Loire préhistorique ancienne.

Mais toute cette "histoire de préhistoire" pose pas mal de problèmes aux Béotiens.

Ils ont suivi le chemin d’une Loire oligo-miocène ‘ c’est à dire vieille d’au moins 20 millions d’années) puis celle d’une Loire plio-quaternaire (qui pourrait avoir environ 4 millions d’années)

Entre les deux se trouve l’épisode de l’épandage des sables du Nivernais (la phrase "un peu plus tôt" ne donne pas beaucoup de précision sur l’âge), mais cet épisode a laissé des traces sur les plateaux situés du côté droit du Loing -à l’est. Ces résidus contiennent des pierres taillées, en surface, mais aussi dans des carrières et dans les strates de plusieurs sablières.

Par exemple, entre Douchy et Triguères, sur la rive gauche de l’Ouanne, à la côte 160 une sablière a livré une bonne centaine d’outils et déchets de silex taillé - sur une surface d’environ 12 m2, preuve d’une station sous une épaisseur de 6 mètres de sable rouge brique. Et là, il nous faut préciser : le sable rouge compact reposait sur un horizon de cailloutis sableux lavé par une nappe d’eau courante qui a laissé une trace noire de cristaux de manganèse entre le rouge et le sable blond lavé.

Alors se pose la question :

Quel est l’âge des silex taillés et par suite celui des hommes qui les ont laissés là ?

(l’Ouanne actuelle coule à 42 mètres plus bas du lieu où se trouvaient les silex).

Par ailleurs, dans un autre endroit découvert par la pelleteuse, collé le long d’une paroi verticale du calcaire, se trouvait une épaisseur d’un minerai noir comme de l’anthracite. Après une longue enquête, nous sommes arrivés à savoir que c’était de l’irridium.

Mais revenons à la vallée où avait coulé notre Loire préhistorique. Pour éclairer le lecteur sur l’origine des dépôts appelés "molasse du Gâtinais". Voici ce qu’avait écrit Mme.Toureng à la suite de son exposé cité plus haut :"Il faut noter également que de nombreux épandages de matériel détritique de la région au sud de Montargis, notés sur les cartes géologiques par les anciens auteurs en "molasse du Gâtinais" (aquitainien), posaient des problèmes aux préhistoriens qui découvraient en place dans les coupes de terrain un outillage préhistorique important. En réalité ces épandages, la plus part du temps riches en augite sont d’âge plio-quaternaire parfaitement compatible avec la présence d’outils. Ainsi, une grande surface autour de la vallée du Loing est citée comme molasse du Gâtinais. Les altitudes indiquées sur cette formation sont en général supérieures à celles des formations qui la bordent".

D’après cela, la molasse du Gâtinais devrait être hors des dépôts alluvionnaires à silex préhistoriques .

Voici ce que dit le dictionnaire de géologie au regard du mot "molasse" ;"origine discutée, de meule ou du latin mollis : mou" et " formation sédimentaire détritique, épaisse, composée pour parties de couches turbiditiques, mais aussi de couches qui ne le sont pas (grès, conglomérats), déposées dans une zone orogénique en fin de tectorisation et typiquement en discordance avec les couches sous-jacentes.

 

turbidité : état d’un liquide trouble et en hydrologie : teneur en troubles (matériaux transportés en suspension, en boues, d’un cours d’eau).

et :turbidite: couche de sédiments détritiques déposée en une seule fois par un courant de turbidité, son épaisseur est de l’ordre de quelques décimètres, parfois d’un ou deux mètres, rarement plus.

Ainsi, actuellement, cette formation dite molasse n’aurait pu qu’être recouverte, ou altérée, par d’autres actions géologiques, et ne pas pouvoir contenir d’outils préhistoriques.

Sous cette formation, à 10 Km au sud de Montargis et à 13 Km à la perpendiculaire du Loing, nous avons constaté une anomalie dans le système.

Au lieu-dit "Les terres de la gravière" et sur celui de la "Croix Tartemin" distants d’environ 300 mètres existaient deux grandes sablières. Sur les coupes hautes en moyenne de 3 à 4 mètres, on pouvait observer, avec netteté, des couches de beau sable blond, lavé et des lits de rognons de silex, roulés dans leur majeure partie. Seuls, quelques rares rognons branchus indiquaient leur arrachement aux obstacles calcaires contournés par la rivière. Le volume en général allait du petit gravillon au gros cailloutis ; au-dessus de 25 cm, les spécimens étaient rares.

Il y avait une épaisseur de plusieurs mètres d’alluvions : 3 à 4 mètres à l’ouest en direction du Puiseaux et 6 à l’est où le bas de la formation disparaissait dans une fosse pleine d’eau en cet endroit.

C’est à quelques mètres de cet endroit que nous avons trouvé en place un petit amas de silex taillés. Il y avait là un très bel outil au milieu d’éclats aux arêtes vierges et coupantes. L’outil avait été lustré par le frottement du sable, entraîné par l’eau. Son volume indique la préhension d’une main à peu près comme la nôtre. Sa forme est un peu ambiguë, il fait penser à un outil Levallois et à un hachereau.

A 200 mètres au sud de cette découverte, nous avons recueilli, au pied de la coupe et apparent dans le sable, un petit proto-biface. C’est un petit outil aménagé sur un rognon plat. Une pointe ou plutôt une arête bifaciale en faisait un outil. Il existait là aussi quelques éclats à bulbe, disséminés sur quelques dizaines mètres carrés. Ils ne semblaient pas en relation les uns avec les autres.

Ainsi la présence de ces silex taillés dans ces couches d’alluvions bien étalées et statifiées ne milite pas en faveur de la molasse.

Par ailleurs, à l’extrémité sud de la sablière nous avons constaté un changement dans l’ordonnance du terrain. La pelleteuse avait rencontré le calcaire et taillé une paroi verticale et propre, haute de 4 à 6 mètres, avec au-dessus, une couche de "sable à lapin" épaisse d’à peine 1 mètre. Cette paroi pouvait avoir une cinquantaine de mètres.

A un endroit, à 1m1/2 du fond, se trouvait la coupe d’une cavité d’environ 1m. de diamètre. Elle était emplie de sable sombre : du sable identique à celui de Loire - il était compact mais pas dur.
C’était un témoin de l’ancienne Loire, avec du sable granitique. Comment était-il resté dans ce trou ? La cavité avait été partiellement enlevée, elle avait peut être une ouverture sur le dessus.

La pelleteuse avait à coup sûr fait disparaître là un important témoin géologique.

Un peu en aval de cette cavité-piège, la paroi calcaire exhibait un long "coup de sabre" en arc de cercle, partant, en haut, d’entre deux lits de calcaire pour disparaître dans le sol une dizaine de mètres plus au sud.

Cette ligne de fracture était nette. Au dessus d’elle, le calcaire semblait moins dense que celui du dessous : les diaclases semblaient plus "lâchées".

Une nette discordance se voyait entre les deux épaisseurs. Peut-être était-ce là un plan de faille ? Entre cette paroi est et celle de l’ouest de la sablière, au droit de la cavité-piège, émergeait du fond un "piton" de calcaire en partie broyé, comme disloqué. Un semblant de paroi montrait des taches de couleur rouille, de forme polygonale et de diverses grandeurs. On aurait dit du minerai de fer en formation. Cela avait l’air d’être des drains bouchés avec du sable fixé par de l’eau chargée d’oxydes métalliques.

Voilà ce que nous avons vu dans ces deux sablières.

Sur le même axe, nous allons maintenant suivre la formation en amont, vers le sud.

A 2 Km de la Croix Tartemin se trouvait une autre sablière, dans un bois couvrant le lieu-dit "La rivière du mauvais temps", ce qui voulait en dire long !

Il n’existe là aucune trace visible en surface d’une rivière, même ancienne. Jacques Soyer, dans son dictionnaire sur les noms de lieux du Loiret ne dit rien sur cet endroit. Pourtant un visionnaire a bien existé, qui a baptisé les bois d’une mention étalée su nord au sud sur la carte IGN au 25/000. Il ne pouvait voir ce qui avait coulé en dessous ! A moins que des sondages de recherche aient donné cette idée à un géologue avisé.

Enfin, cette sablière, maintenant comblée, contenait les mêmes types d’alluvions qu’au nord.

Nous y avons recueilli un petit biface sorti d’un éclat, usé par le flux mais non roulé. Comme il gisait au bas des éboulis des strates, sa stratigraphie est nulle.
Des éclats de débitage existaient, peu nombreux, par ci, par là, dans les coupes. Presque tous gisaient entre une couche de sable et un lit de cailloutis (à noter qu’ils étaient sur le lit de cailloux). Ces strates n’avaient que quelques centimètres d’épaisseur, celle des couches de sable était nettement plus importante.
La présence de ces silex taillés se trouvait vers un horizon ondulant autour des 2 mètres sous la surface.

Dans une partie éloignée de ce gisement et beaucoup plus près de la surface, dans le bas du "sable à lapin", nous avons trouvé deux lames à côte d’une dizaine de centimètres, plus quelques éclats, le tout en amas. Ces silex étaient de bonne facture, patinés blanc. Entre l’époque de leur dépôt et celui des silex marron du bas, il existe un espace/temps énorme.

(Disons ici que la "rivière du mauvais temps" n’a pas laissé au sud de Pressigny les Pins de traces linéaires nettes que sur quelques kilomètres à partit du lieu-dit "Les ormes" jusqu’au sud de Montgobert.

A partir de là, la formation de la molasse passe sous les maisons du hameau de la Commodité en occupant un couloir orienté d’environ 48° vers le N/E. Ensuite, la formation s’étale sous les bois à droite de la RN7. Là d’anciennes cuvettes indiquent qu’elle avait été exploitée.

Nous parcourons encore 1 Km vers le N-NE et nous arrivons un peu à l’est du hameau de Brossaquin. Nous sommes dans les bois, à quelques centaines de mètres du château de Montgobert.

Il existe là un "trou à sable" d’une centaine de mètres carrés.

Nous avons trouvé quelques silex de facture Levallois. Plusieurs étaient retouchés en racloirs. Ces silex étaient mélangés aux éboulis de coupes.
Les alluvions étaient épaisses d’environ 2 mètres et reposaient sur un fond d’argile verdâtre.

Nous avons gratté ce niveau de contact et nous avons aussi constaté la présence d’éclats taillés.

Ce trou à sable se trouve à l’extrémité nord du lobe de la formation de la molasse indiquée sur la carte géologique. L’endroit représente un net changement sur l’ordonnance observable des terrains. Au centre de la dépression, nous avons l’extrémité nord du lobe de la molasse à l’altitude de 104 mètres, et par la suite la disparition des alluvions à silex taillés. A l’est, à environ cinq cents mètres dans le marais, coule le Vernisson à 96 mètres.

De l’autre côté, à 3km. vers l’ouest, circule le ruisseau du Puiseaux, lui aussi à 96 mètres.
A partir de là, les deux ruisseaux sont encadrés par la formation du calcaire du Gâtinais sur laquelle ils coulent côte à côte sur 4km. Arrivés au pied du Mont-Argis, la vallée se resserre entre ce promontoire et celui du Christ - 113 mètres pour celui de l’ouest et 100 pour l’autre, sur une ligne axée N/S-E, avec le fond de vallée à peine long d’un demi kilomètre;

C’est en ce lieu que le Vernisson conflue avec le Puiseaux -à la cote 85 -. Ensuite, ce ruisseau coule entre les maisons autour du Mont-Argis jusqu’au canal du Loing où il se mélange.

Ce lointain descendant de la Loire Préhistorique n’avait pas rencontré le canal, c’est le contraire qui s’était produit. Vers les années 1920, il existait encore un vestige du Puiseaux à environ 200mètres au nord de son mariage avec le canal du Loing, au delà de la ligne de maisons qui le bordent. Je me souviens, un chemin entourait bien le jardin du Pâtis, mais il n’était pas goudronné. A l’ouest du jardin, ce chemin était parallèle au fossé de l’ancien ruisseau. Dans l’extrémité sud, je me souviens d’une grande tour en bois où pendaient les tuyaux de la pompe à incendie de l’époque. En plus de séchoir à tuyaux, la tour servait aussi à des manœuvres (c’est mon père qui m’avait expliqué cela).

Ainsi dans son "enfance", le Puiseaux devait confluer avec le Loing à environ 400 mètres au nord de son entrée actuelle dans le canal.

Maintenant, il nous faut revenir en arrière pour parler du bras probable de la déviation de la Loire Préhistorique près de Pressigny les Pins.

Avant d’arriver à Solterre, la carte I.G.N. porte des altitudes qui indiquent la remontée du calcaire du Gâtinais dans cette région de la carte. Ce relief qui devait être plus accentué voilà 2 ou 3 millions d’années, avait obligé la Loire Préhistorique à louvoyer entre les hauteurs. Après avoir emprunté plusieurs couloirs, l’eau était arrivée à la cuvette du Mont-Argis, déviée par le promontoire du Christ.

Là, il faut indiquer l’arrivée du flux de l’Ouanne dont la vallée est bien plus importante que celle du Loing. Cette vallée possède des terrasses bien marquée à 20 kilomètres de son confluent. Ces mêmes terrasses sont absentes du cours supérieur du Loing.

A son entrée à l’est de la convergence Montargoise, au droit du resserrement entre les rives ouest et est, ce bras de l’ancienne Loire du Plio-quaternaire a amené des alluvions visibles aujourd’hui dans une sablière encore en activité. Ces alluvions paraissent un peu différentes de celles des sablières à 6 kilomètres en aval. La couleur des matériaux est nettement plus sombre. Les gros rognons à cortex presque noirs sont assez nombreux. Les éléments branchus sont plutôt rares et leur cortex plus "jaunasse" que ceux de l’aval qui tire plutôt sur le gris.

L’industrie y est rare et représentée par quelques rognons aménagés en outils plutôt volumineux. Nous n’avons pas vu de petits "silex" sur les tas de grave.

Nous allons maintenant nous transporter à la partie de la cuvette montargoise où une grande partie des habitations sont construites sur l’alluvion. Cette alluvion se trouve du côté est de la vallée, où coule le Loing. (Aux anciens temps, la forêt occupait la place jusqu’au long de la rivière. Des témoins de cette occupation sont encore en place actuellement sur le côté est).

Encore 3 kilomètres et notre Loire s’étalait alors en une demie cuvette de côté de l’ouest où confluent la Bezonde et le Solin avec le Loing. Les rivières voyagent sur la formation du calcaire du Gâtinais, entre les débris des lobes érodés de la molasse. Ensuite la vallée se resserre jusqu’aux environs de Cepoy.

Cepoy et sa prairie méritent que l’on en parle ici.

A Cepoy, le site préhistorique mis au jour a fait parler de lui. Il a déplacé des archéologues réputés, comme Monsieur le professeur André Leroy-Gourhan et le professeur allemand Boisinski. Et ce site aussi prestigieux que celui de Pincevent, près de Montereau sur Seine, est un vestige "parlant", témoin du passage de la Loire préhistorique dans la vallée.

En effet, les hommes de l’époque du Magdalénien voilà 13000 ans, avaient établi un campement et un atelier de taille de silex près de la source abondante de Puy la Laude. Pourquoi cela ? tout simplement parce que les troupeaux de rennes, suivant les caprices du climat de la glaciation du Wurm, passaient là au cours de leur transhumance. (et ils y passaient bien avant les Magdaléniens).

C’était notre Loire Préhistorique qui avait formé la dune de sable sur laquelle ils avaient établi leurs abris.

Pourquoi et comment cette langue de sable était-elle à cet endroit ?

Si l’on étudie un peu le relief du terrain environnant, on constate la présence d’un "écueil" sur le chemin de la Loire Préhistorique.

A l’est du lieu-dit "le Parc", il existe un promontoire du calcaire qui s’avance en arc de cercle depuis la forêt. Cela forme une espèce de barrage partiel de la vallée jusqu’à quelques dizaines de mètres du Loing.

En amont de cette levée, le fleuve avait étalé l’alluvion sur une largeur de plusieurs centaines de mètres vers l’est. cette zone est recouverte par la forêt de pins sylvestres. Comment cela avait-il eu lieu ?

Les courants du fleuve avaient dû buter contre la levée et engendrer des remous qui entraînaient le sable. En arrière de la levée, les courants perdaient leur force de turbidité et les matériaux en suspension se déposaient suivant leur densité. Ces dépôts étaient aussi façonnés suivant la force et la direction des courants dominants.

Au cours de la fouille du site de la Pierre aux Fées, nous avons constaté la présence d’une couche d’argile sous la dune de sable. C’était un signe d’une époque de mortes-eaux.

Mais d’où venaient les troupeaux de rennes ? Sans nul doute, du nord>. Depuis des milliers d’années, les rennes connaissaient un gué sur la Seine, au droit de la "Grande Paroisse", non loin de Montereau.
Sur la rive gauche, les chasseurs magdaléniens les attendaient au sortir de l’eau (et à peu près sûrement à leur retour vers le nord).

C’est à cet endroit qu’est né le site de l’atelier/musée de Pincevent.

Les rennes n’étaient pas tous tués, les survivants étaient programmés par leurs ancêtres et leur instinct leur disait de ne pas suivre la berge du fleuve qu’ils venaient de traverser. Les troupeaux prenaient la direction du S-O et escaladaient les pentes en direction des hauteurs au sud de Nemours.

Et les Magdaléniens suivaient. Toute cette armée arrivait au dessus de la vallée du Loing parmi les roches de grès.

Les hommes de la préhistoire avaient là aussi laissé des vestiges de leur passage. Au "cirque Lapatrie" et à "Beauregard", autour de la table d’orientation, un nombre important de silex taillés ont été retrouvés au cours de fouilles officielles, et aussi par des collectionneurs.

Il y avait aussi dans ce secteur, des traces de l’"Aurignacien", vieilles de 28000 ans, et d’autres outils abandonnés par les derniers Magdaléniens, aux environs de - 13000 ans.. Mais voilà à - 13000 ans, la Loire Préhistorique ne coulait plus depuis longtemps au bas des rochers : elle se déversait dans les eaux de l’Atlantique.

Maintenant que nous savons d’où venaient les rennes qui passaient à Cepoy, revenons aux Magdaléniens qui les chassaient.

A quinze cents mètres en aval de l’atelier de "La Pierre aux Fées", une autre station-atelier avait été découverte par les engins qui enlevaient la couche de limon-argileux de sur les alluvions. De nombreux silex étaient apparus collés au sédiment sous les souches des arbres. Ce lieu a nom "La Maison Blanche" et est situé sur la commune de Fontenay sur Loing.

Immédiatement, on s’était aperçu que l’industrie n’était pas du même âge que celle de Cepoy. C’était bien une industrie à lames, mais elle était différente. Cela voulait dire que ces chasseurs de rennes n’étaient pas les parents directs de ceux de la station de Cepoy.

A "la Maison Blanche", l’industrie avait produit des lames épaisses, larges et robustes, à patine blanc-laiteux. On avait fait des perçoirs à rostre droit et robuste et aussi des lamelles à dos.

A Cepoy, la particularité de l’industrie était la production de pointes à cran de Zinken (une sorte poinçon déjeté en bout de lame ; la majorité de ces outils avaient leur pointe orientée à droite).

A "la Maison Blanche", on avait fabriqué des lamelles à dos. Mais pas de pointes à cran ni de Zinken.

Quant aux hommes de cette époque, ils étaient là pour la même raison : chasser le renne et pour reconstituer leur outillage.

Le choix des stations était probablement lié à la proximité des sources qui donnaient une boisson saine et pouvaient servir de garde-manger : une carcasse de renne pouvait se conserver plusieurs jours dans une eau courante très froide/

Il y avait aussi la recherche de la matière première pour l’outillage. Trouver des rognons de silex propres à donner de bons outils, et aussi faciles à extraire.

Cela devait leur poser plus de problèmes que de capturer les rennes aux Magdaléniens... En ces temps-là, il n’y avait guère de terrains labourés ni de carrières béantes (ce n’était pas encore l’heure des sédentaires du néolithique).

Il est encore pas mal de choses qui nous échappent sur la vie des Magdaléniens. Peut-être avaient-ils déjà domestiqué les rennes. (dans la grotte de Lascaux, il a été trouvé quelque chose de tressé qui ressemblait à de la corde).

Notons aussi en passant, la grande richesse archéologique de ce tronçon de Loire Préhistorique en stations du paléolithique supérieur. Du lieu-dit "la Maison Blanche" sur Fontenay sur Loing à celui du "Petit Lancy" sur Châlette sur Loing, les stations des chasseurs de rennes étaient presque à côté les unes des autres sur une distance de 3 kilomètres.

Une fois reposés, les rennes reprenaient la route de la Loire Préhistorique vers le sud... et les Magdaléniens aussi. Tout le monde passait au pied du Mont-Argus et prenait le cap par le sillon du Puiseaux. C’est dans sa vallée, non loin des Choux-Boismorand que les traces des Magdaléniens ont été retrouvées, au lieu-dit "la Jouanne". Les chasseurs de rennes y avaient établi un campement. Leur industrie a été exhumée en deux couches distinctes, séparées par une strate de sable, donc, d’un espace de temps. La zone est sableuse et marécageuse. L’endroit devait plaire aux rennes.

Aujourd’hui, la carte I.G.N. montre une "chevelure" de fossés drainant le marais vers le lit du Puiseaux.

Ensuite, les rennes repartaient vers le sud en passant par dessus la ceinture des alluvions anciennes que forme la ligne de partage des eaux.(les géologues datent ces dépôts des environs de la glaciation du Mindel, ce qui indique un âge compris entre -700000 et un bon million d’années).

Cette estimation semble aller de pair avec ce qui a été écrit de la Loire Préhistorique du Plio-quaternaire.

Comment se présentait cette Loire Préhistorique ?

Comment les rennes (et les familles de chasseurs) traversaient-ils le fleuve ?

Pourquoi les rennes suivaient-ils cet itinéraire depuis la nuit des temps ?

Quelle force les dirigeait ?

Il est certain que les troupeaux traversaient la Loire. Près de St.Martin sur Ocre, côté rive gauche, une importante station a été mise à jour dans les années 1980.

Cela est arrivé fortuitement, par la faute d’un orage qui avait mis à bas des peupliers à quelques dizaines de mètres de la berge du fleuve. Sous leurs racines, de nombreux silex étaient collés au sédiment. Une industrie de même facture que celle des Magdaléniens : Des lames en grand nombre, des gratteurs, des burins et des éclats.

C’était là une preuve de la présence des Magdaléniens et aussi de leur progression vers le sud.

Si l’on observe les cartes, on constate que depuis la traversée de la Seine près de Montereau, les troupeaux de rennes allaient presque en droite ligne. Ils allaient vers une région marécageuse actuellement couverte par le bocage du centre de la France.

Au nord de la Seine, rive droite, la prestigieuse station d’Étiolles, près de Corbeilles/Essonne a laissé des vestiges importants. La beauté de leurs outils était due à la qualité du silex local. Il "filait" facilement sous le coup du percuteur. La preuve en était donnée par la longueur des fines et longues chutes de burin. C’est à Étiolles qu’a été trouvée la plus longue lame de silex jusqu’à aujourd’hui : 60 centimètres. Ce silex était facilement accessible dans les berges d’un ru, à quelques centaines de mètres de la Seine.

En réfléchissant sur les cartes, on constate que l’emplacement de cette importante station est située sur un axe de circulation nord/sud qui semble aboutir aux Eyzies de Tayac, là où se trouve une grande concentration de stations magdaléniennes de part et d’autre de la Vézère.

En allant vers le nord, cette route des caravanes des troupeaux de rennes arrive dans les environs de Hambourg.

Plus loin encore vers le nord, le recul des glaces pendant les interstades cléments de la glaciation Wurmérienne, permettait peut-être aux rennes d’aller jusqu’en Norvège.

A partir de ce grand axe de transhumance, les chasseurs de rennes avaient suivi les troupeaux tout au long de la mer Baltique. Et au cours des siècles, ils avaient essaimé dans une bonne partie de l’Europe au nord des Alpes.


 Voici quelques particularités que nous avons relevées au cours des années, dans la vallée du Loing, à l’ouest de Ferrières en Gâtinais.

Ma mémoire me fait remonter le temps jusqu’aux années 1931-1932. A cette époque, nous allions avec l’abbé Nouël, un curé féru d’archéologie, récolter des silex dans les rochers près de Nemours.Nous allions à vélo. En passant au droit de la gare de Ferrières, nous nous arrêtions toujours au Km100. Sur le côté est de la RN7, un polissoir en grès dur était encastré dans la maçonnerie d’un mur de clôture, à droite de la porte d’entrée de la propriété. A chaque promenade, l’abbé s’arrêtait et nous faisait la leçon sur ses origines "ce polissoir indiquait la présence dans les environs d’habitations des hommes du néolithiques". Il avait bien essayé de se renseigner sur la provenance du lieu de la découverte mais personne ne savait.

Beaucoup plus tard, après 1945, des gravières avaient été ouvertes dans la prairie de l’autre côté de la voie ferrée. (le virus du silex que nous avait inoculé l’abbé Nouël était toujours en éveil)/

Nous étions au courant de la présence d’un menhir qui avait été mis à bas à une époque relativement ancienne - Ferrières est un haut lieu de la chrétienté. Ce menhir était connu sous le nom de "la Pierre Couchée". Il était en grès dur et de couleur marron sur le cortex.

Dans les années 80, un carrier que nous connaissions bien, M.Charlie Martin, nous avait autorisé à prospecter sur les tas de grave. Un jour il nous avait fait part de son intention de déplacer la pierre pour son exploitation. Nous avions alors convenu qu’elle serait déplacée seulement de quelques dizaines de mètres vers l’ouest - et remise debout.

Non loin de la Pierre Couchée existait un élément qui avait peut-être motivé les hommes préhistoriques de cette époque à occuper les lieux : une belle source, abritée par un lavoir actuellement. Cette source sort toujours de terre au même endroit au lieu dit "la Laiterie", là où le terrain de lit majeur commence à se relever en basse terrasse.

Pour la suite de notre exposé, il nous faut expliquer la façon dont le carrier extrayait la grave. En premier, il creusait une petite surface de terrain et installait des puissantes pompes qui envoyaient l’eau loin en aval. Ensuite la pelleteuse roulait dans un trou presque à sec. Ainsi cette manière de faire nous avait permis d’observer les coupes d’une fosse située à une cinquantaine de mètres de la source. Sur deux mètres d’épaisseur environ, ce n’était qu’une masse de terre noire, très riche ne matières organiques. Cette terre était imbibée d’eau dans toute sa masse, eau qui coulait en un ruisselet qui se perdait dans une mare un peu plus loin - peut être une mare réduite en tourbière.

Un autre témoin de la présence des hommes préhistoriques du néolithique avait été découvert dans les années 1995, à environ 300 mètres du menhir et à autant de la source. Les bulldozers, en enlevant la couche d’argile, avaient mis des silex à jour dans le sédiment.

Voilà pour le lieu-dit "la Laiterie".

Voici maintenant d’autres observations faites à environ cinq cents mètres au nord/nord-ouest du menhir. Cela avait été possible grâce au pompage de la nappe phréatique. Là, une opération spéciale avait eu lieu. On avait fait une tranchée à 5 mètres de la berge est du Loing jusqu’"au calcaire et on l’avait rebouchée avec le limon-argileux du dessus. Les chenilles de la pelleteuse avaient tassé le remplissage en passant et repassant dessus. Ensuite on avait enlevé les alluvions sur une surface d’environ d’un hectare et demi. Du côté est de cette aire, cette opération avait dejà eu lieu et la végétation arbustive avait pris son essor.

Abordons le côté sud. Il était en cours de foretage à son extrémité est. Il restait une "langue" de sable en presqu’île dans le sens du courant.

Il y avait, bien visible, une stratification oblique ; la couche du haut passait par dessus la couche d’aval avec une pente d’environ 40° (en géologie, la couche du dessus est la plus récente). Cela pouvait indiquer une variation climatique et la création d’un banc de sable en période de basses eaux.

Ces constations faites dans le lit de l’ancienne Loire (et non de celui du Loing qui se contente de couler dessus), nous amène à considérer l’existence des changements climatiques et géologiques au début du quaternaire.

Nous sommes dans cet étage divisé en trois parties : pléissocène inférieur, moyen et supérieur. Cette subdivision a été calée vers moins dix mille ans par les géologues.

Aujourd’hui nous sommes dans un étage baptisé halocène depuis les cents derniers siècles.

Holocène (du grec "holas" - entier et "kainos" - récent) semble correspondre à un changement climatique important. Les températures remontent. Les glaces fondent. Les glaciers reculent. C’est l’entrée dans un nouvel interstade.

Ainsi, la Loire Préhistorique a peut-être été victime des perturbations engendrées par les nouvelles glaciations. Les géologues disent "Depuis les glaciations du carbonifère, le climat semble avoir été particulièrement uniforme jusqu’à l’oligocène où est apparue une tendance à l’abaissement des températures moyennes". Ce "calme" aurait duré 350 millions d’années avant le départ des nouvelles glaciations plio-quaternaire.

Voici ce que dit notre dictionnaire de géologie :

- le Biber avec 2,1 millions d’années.

- le Donau (jusqu’à la limite d’entrée dans l’ère quaternaire)

- vient un interstade de 600 000 ans

- le Gunz avec 500 000 ans

- plus un interstade de 50 000 ans

-le Mindel avec 300 000 ans

- plus un interstade de 50 000 ans

- le Riss avec 180 000 ans plus un interstade de 40000 ans

- le Wurm avec 70 000 ans

Entre le Biber et le Donau, aucune durée d’interstade n’est indiquée (mais ce temps aurait pu être de 1,11 million d’années).

Quelles pourraient être les causes de l’abandon du couloir Loing-Seine par une partie de la Loire ?

Certains géologues parlent de déformations locales : affaissements et surrections limités. Ils soulignent aussi l’activité volcanique dans le Massif Central, voilà encore 6000 ans.

Par ailleurs il faut tenir compte du magma semi-liquide sur lequel "navigue" la lithosphère.

Et, une glaciation comme le Biber qui aurait accumulé plusieurs milliards de tonnes de glace a peut-être pu influencer sur les niveaux des terrains.

En même temps, le niveau des mers baissait et la pression diminuait sur les terres émergées. Les forces antagonistes mises en jeu avaient peut-être contribué à des soulèvements régionaux.

D’après les géologues, le centre de l’Angleterre aurait baissé d’environ 400 mètres sous le poids des glaciers du Wurm. La situation se serait rétablie depuis la disparition de la glace. Cela semble indiquer une certaine élasticité de la lithosphère.

En plus du poids des glaciers, la plaque Afrique continuait à pousser et à s’enfoncer sous la plaque Atlantique, avec à vaincre, la résistance du socle de "Dame" Hercynia-Armoricaine.

En définitive, le résultats de ces efforts titanesques semble être une déformation de la région : elle aurait suffi à faire dévier le bras nord de la Loire Préhistorique vers l’ouest.

Par ailleurs, d’autres détails semblent accréditer le passage d’une Loire ancienne vers la Seine à partir de Pressigny les Pins.

En parcourant la vallée de l’Ouanne, nous avons visité deux foretages de plan d’eau dans le lit majeur de la rivière : un à quelques kilomètres en amont de son confluent avec le Loing et un autre beaucoup plus haut, au-dessus de Charny.

Celui de l’aval avait produit plusieurs milliers de mètres cubes de grave. Cette grave était tout à fait différente de cette en aval de Montargis. Elle était beaucoup moins riche en sable et les rognons de silex moins roulés. La proportion de rognons branchus était bien plus importante.

Dans le foretage d’amont, l’aspect général des matériaux sortis du plan d’eau était encore plus accusé. Pratiquement pas de sable. Les rognons paraissaient être arrachés récemment du calcaire avec leurs branches engluées d’argile ne militaient pas pour de l’alluvion mais plutôt pour un matériau détritique.

Un autre fait venant de Châteaurenard vient soutenir nos observations.

Châteaurenard est située à peu près au milieu des deux foretages observés. Il avait été prévu de creuser un plan d’eau en amont de la ville. Le projet a été annulé devant la pauvreté du matériau à extraire. (Dans le Loing moyen, les plans d’eau privés sont exonérés par les alluvions).

Revenons dans la vallée du Loing, en ce qui concerne le matériel de fond de la vallée. Auprès de Montcresson , nous avons aussi observé les alluvions sorties de deux plans d’eau situés à un kilomètre environ de distance.

En aval de Montcresson, au lieu dit "Montambert", un foretage sur la rive gauche du Loing a produit quelques centaines de mètres cubes de grave. Là, le sable était présent dans la masse, plus que dans l’Ouanne, mais beaucoup moins que dans la cuvette en aval de Montargis. Les rognons de silex étaient roulés et usés, et portaient des milliers d’impacts sur leur cortex (ils venaient de loin, peut -être avec l’écoulement du Bourbonnais). A ce sujet, les géologues ont émis l’hypothèse d’un Loing qui n’a pas pu transporter cette masse d’alluvions mais qu’il l’aurait descendu sur place.

Il y avait très peu de rognons branchus dans cet ensemble de surface. Nous avons trouvé seulement deux éclats de décorticage, vrais, sur l’ensemble du tas. (peut-être y avait-il eu des visiteurs avant nous).

A l’est de Montcresson, encore sur la rive gauche, un autre plan d’eau, plus important, a livré beaucoup plus d’alluvions que celui de Montambert. Cette grave était de la "même famille" que celle d’aval.

Mais nous avons trouvé là plusieurs rognons aménagés : des outils entiers, taillés sommairement. Ce n’était pas de beaux "coups de poing" - pas encore des proto-bifaces mais cela avait été travaillé.

Après cet inventaire, nous en avons terminé avec la Loire Préhistorique. Mais sa descendance laisse encore pas mal de choses à trouver et à éclaircir pour les chercheurs sur la présence et l’âge des hommes préhistoriques qui ont laissé des outils sur et dans les environs de son parcours.

BIBLIOGRAPHIE

Dictionnaire de géologie : A.Foucault - J.F.Foucault (Masson)
Géologie de la Préhistoire : (Géopre)
Les volcans
La dérive des continents :
Time Life.
La préhistoire : André Leroi-Gourhan - Gérard Bailloud - Jean Chavaillou - Annette Lamino-Emperaire.


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