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Rapport du sondage archéologique du pont du Mesnil, à Douchy (45)

par Frédéric PIGE
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Le pont du Mesnil à Douchy

Cet article est extrait du Bulletin d'Epona N°4


Origine du sondage :

Il y a trois ans, Melle Reine DESHAYES, secrétaire de la mairie de Douchy, me signalait la présence de vestiges se trouvant dans le lit de la rivière l’Ouanne, au lieu-dit " Le Mesnil ", près d’un pont moderne en béton. Je suis allé voir mais il n’y avait rien de flagrant. Ce n’est qu’en lisant un mémoire de 1698 rédigé par l’intendant de BOUVILLE que j’ai eu confirmation de la présence de vestiges. De BOUVILLE nous dit : " Cette rivière [l’Ouanne] continue son cours par Douchy scitué à l’entrée de (l’élection de) Montargis ; où on peut voir les piles de douze arcades d’un pont de pierre beau autrefois et maintenant détruit. "

De retour sur le site, j’ai pu effectivement constater la présence d’un alignement de pierre grâce à un tronc d’arbre qui, étant bloqué dans les arches du pont moderne, avait dérouté l’eau et ainsi dégagé le fonds de la rivière.

C’est alors que j’ai demandé une autorisation de sondage archéologique car l’intégrité du site était menacée. En effet, sur les lieux même du site, des travaux de terrassements, d’affouillements et d’empierrements du lit de la rivière étaient prévus sous peu à la demande de la société de pêche de Douchy, afin de créer une sorte de barrage permettant un niveau d’eau supérieur pour que les poissons puissent y nager en période de sécheresse.

Déroulement du sondage :

Le sondage a été réalisé dans le lit de l’Ouanne où nous avons été gêné par la montée régulière des eaux.

Dans un premier temps, nous avons tracé et matérialisé une ligne de référence parallèle au pont moderne. Cette ligne nous a permis de prendre les mesures des vestiges pour pouvoir ensuite les retracer sur plan millimétré.

Pour la numérotation des arches, nous les avons compté à partir de la rive du Mesnil.

Ensuite, nous avons dégagé les piles numéros 1,2 et 4. Il faut signaler que chacune avait un alignement de pierre visible avant le sondage. Nous avons essayé de trouver l’arche numéro 3, mais en vain. Elle a pu être entièrement détruite ou alors il aurait fallu effectuer un sondage plus profond dans le lit de la rivière, mais le temps et les moyens nous ont manqué. Il est à signaler tout de même un alignement de quatre pierres le long d’un des piles du pont moderne à l’emplacement supposé de la pile numéro 3, mais il n’a pas été relevé car son appartenance au site ne nous a pas semblé flagrante.

Lors du sondage, nous avons éprouvé quelques difficultés car le lit de la rivière est jonché de gros moellons de silex.

Résultats obtenus :

Pile n°1 :

Cette pile est la plus incomplète ; il ne reste d’elle qu’une pierre de parement côté Douchy et sept pierres côté Mesnil. Ses dimensions sont 188 cm de longueur sur 192 cm de largeur.

Pile n°2 :

Cette pile est la mieux conservée des trois retrouvées. Elle mesure 744 cm de longueur sur 208 cm de largeur. Il lui manque l’arrière-bec. Trois points d’architecture sont très intéressants : le premier est l’alternance de boutisses et de traverses sur une partie de la pile. Cette alternance permettait de mieux répandre le poids de l’édifice sur ses bases. Le second élément est la conservation de son avant-bec en forme de brise glace très pointu. Enfin le troisième est la dissymétrie de la pile : le côté Douchy de l’avant-bec est plus long que celui du côté Mesnil.

Pile n°4 :

Cette pile a été endommagée également à ses deux extrémités. Son architecture est elle aussi assez particulière : ses deux côtés ne sont pas parallèles : sa largeur est de 288 cm côté aval et de 265 cm côté amont. Sa longueur est de 520 cm. Les pierres dégagées à l’extrémité amont ne semblent pas être restées en place

Nous avons donc relevé les trois piles. Celles-ci sont de conservations très inégales. Il semble que, d’une part les travaux du pont moderne en béton dans les années 1928/1931 aient modifié le site et que, d’autre part, les matériaux du pont ancien aient été réemployés après son abandon.

Les pierres de parement des piles sont faites d’un grès qui ressemble à celui de Fontainebleau. Chacune a une hauteur comprise entre 15 et 30 cm. De gros moellons ont été retrouvés en abondance à l’intérieur des différentes piles. Ceux-ci devaient constituer la maçonnerie intérieure des arches.

Les vestiges dégagés ne constituent que la première rangée de pierres des anciennes arches, c’est à dire les pierres d’assise.

Nous avons retiré les deux premières pierres amont de l’arche numéro 1 côté Mesnil afin de savoir ce qu’il y avait en dessous. Nous avons constaté que sous les pierres retournées adhérait légèrement une sorte de mortier de consistance assez grasse. Cela ressemblait à de l’argile verdâtre mélangée de sable. Puis nous avons enfoncé une barre à mine qui a rencontré une couche plutôt compacte, difficile à entamer. Dans les premiers centimètres, la barre à mine, agitée pour faciliter sa pénétration, a provoqué le dégagement d’un trouble blanchâtre. Celui-ci pourrait correspondre à une sorte de mortier de chaux décomposé. Cela nous amène à considérer la présence probable d’un radier sous-jacent, constitué de chaux vive pour asseoir les pierres d’assise. Cette couche, observée sur une épaisseur d’environ trente centimètres, est constituée de petits rognons de silex à cortex plutôt foncé. Leur volume se situe dans celui du cailloutis. Cette recherche semble nous indiquer qu’il n’y avait pas de gros moellons sous la première assise de piles.

Le pont devait mesurer une soixantaine de mètres de longueur aux vues des résultats. Son orientation est difficile à déterminer. Il faudrait dégager d’autres piles. Les dimensions de ce pont tendent à indiquer qu’il a été réalisé alors qu’il n’y avait encore qu’un cours unique de la rivière. Le deuxième cours, se situant plus près du bourg, a été creusé afin d’alimenter en eau différents moulins.

Problèmes non résolus :

Aucun élément décisif, ou vestiges mobiliers, n’ont pu permettre de dater le site. Toutefois, le manque de symétrie de certaines arches peut indiquer une construction médiévale, mais cette dissymétrie a pu être également entraînée lors de la construction du pont moderne en béton par quelque engin de construction.

Il serait intéressant de poursuivre les sondages afin de retrouver d’autres piles et de savoir pourquoi la pile numéro 4 est si large ; était-ce le milieu du pont ? De nouveaux sondages permettraient aussi de connaître les dimensions exactes du pont et peut-être de trouver des éléments nouveaux permettant d’attribuer une période à la construction du pont.


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