Charles Louis de Portelance (173?-1818)
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La bibliothèque de Genève prépare actuellement l’édition de la correspondance générale de d’Alembert. Parmi ses très nombreuses épîtres figure une lettre datée du 30 septembre 1781 et adressée à un certain « Monsieur de Portelance, en son château de Thoury près Château-Landon ».
Charles Louis de Portelance est né en 1731 ou 1732. Selon la Biographie Universelle[1], il « prétendait descendre d’une famille distinguée d’Irlande, dépouillée de tous ses biens par Cromwell ».
Sa célébrité toute relative, il la doit à une pièce intitulée Antipater qu’il a composé à l’age de 19 ans. « La pièce jouée le 25 novembre 1751, fut universellement huée [...], ce fut à un tel excès, qu’elle donna lieu à une espèce de proverbe : lorsqu’on voulait parler d’une pièce très maltraitée par le public, on disait qu’elle avait été sifflée comme Antipater »[2].
Une autre cause de célébrité provient de ses démêlés judiciaires. Avant d’arriver en Gâtinais, Charles Louis de Portelance épousa Madame de Madeline. Cette dernière était très riche. Elle possédait en particulier des biens à Saint-Domingue, à la Petite Anse, quartier Morin près le Cap François[3]. À son décès, Charles Louis de Portelance hérita de ses biens. Cependant, par un jeu de legs assez compliqué et longuement contesté, il fut entraîné dans un procès par un dénommé Tranel qui se sentait lésé. Le procès, commencé en 1769, continuait toujours en 1791[4]. Une partie du procès fut reprise dans un livre : les choix des causes célèbres[5].
La relation de Charles Louis de Portelance avec le Gâtinais est due au château de Toury à Nargis.
Charles Louis de Portelance avait épousé Charlotte Marguerite Françoise Danré de Salency. Cette dernière acheta le 3 avril 1776 « les fiefs, terre et seigneurie du Haut Toury à Nargis en Gâtinais » à Louis Charles comte de Sampigny devant Morin, notaire à Paris. La terre est alors constituée d’un « château ou maison seigneuriale » avec colombier à pied, chapelle, différents bâtiments d’exploitation et environ 240 arpents de terres, bois, friches etc. pour la somme de 41000 livres[6].
Durant la Révolution, le ci-devant seigneur n’est pas véritablement inquiété : seul son droit de banc dans l’église paroissiale lui est contesté[7].
Le 29 juillet 1789, sa fille Anne Charlotte Marguerite alors âgée de 17 ans, fait même figure d’héroïsme face aux rumeurs d’arrivée de troupes de pillards. « Elle [...] se mit à la tête des habitants du hameau de Toury, armée de son fusil, et a fait la patrouille avec eux jusqu’à minuit »[8]. En remerciement, elle reçut une cocarde de la part des habitats du hameau.
Le 4 juillet 1790[9], Charles Louis de Portelance est élu Colonel Général de la garde nationale de Nargis mais il en démissionne quelques mois plus tard, le 28 janvier 1791[10], à cause, dira-t-il de « mes infirmités, ma mauvaise vue, mon âge et mes affaires ». En effet, Charles Louis de Portelance doit toujours s’occuper de son procès et doit gérer à distance ses biens de Saint-Domingue qui sont les seuls qu’il possède personnellement et qui lui rapportent « un produit considérable, c'est-à-dire au moins de 36 à 40 000 livres »[11]. Cependant, les événements de Saint Domingue ne tarderont pas à le priver de ses ressources[12].
Vers 1793, Charles Louis de Portelance quitte la région et va s’installer chez sa fille Anne Charlotte Margueritte, épouse du vicomte Henri Philippe Jean Baptiste Ségur au château de Montazeau en Dordogne. Il se rapproche du même coup de son autre fille, Claudine Charlotte Louise, femme de Jean Henry de Lastie Saint Jal, demeurant à Gelos dans les Basses Pyrénées[13].
Charles Louis de Portelance meurt le 29 novembre 1818 à Montazeau[14].
Œuvre de Charles Louis de Portelance :
Antipater, tragédie, représentée sur le théâtre des Comédiens françois ordinaires du Roi, le 25 novembre 1751, et la critique de cette tragédie, faite par l'auteur, 1753.
Le Temple de Mémoire à M***, poème, 1753.
Totinet, opéra-comique, 1753, rédigé avec Poinsinet.
Les Adieux du goût, comédie en 1 acte et en vers, avec un divertissement, représentée pour la première fois par les Comédiens françois ordinaires du Roi, le mercredi 13 février 1754, rédigé avec Patu.
À trompeur, trompeur et demi, comédie en 3 actes et en vers libres.
Journal des journaux, ou Précis des principaux ouvrages périodiques de l’Europe, 1760, rédigé avec l’abbé Regley et de Caux.
Mémoire pour le sieur Charles-Louis de Portelance, écuyer, contre Jean-Paul Tranel, marchand fabricant à Amiens, 1780.
[1] Biographie Universelle, Paris, 1823, tome 35, p.463 à 464.
[2] Cf. supra note 1.
[3] Archives Départementales du Loiret, 2J640, lettre, 10 septembre 1791.
[4] ADL, 2J640, pièces de procédure, 1791.
[5] Choix des causes célèbres jugées dans les tribunaux de Paris, depuis l'origine de la Révolution, Paris, an II, p. 288 à 354.
[6] ADL, 2J640, vente, 3 avril 1776.
[7] Le lecteur peut se reporter au livre de Michel Fauvin, Nargis, le temps des désordres, s .l., 1989.
[8] ADL, 2J640, Relation du courage héroïque de Mme la vicomtesse de Ségur, arrivé à Toury le 29 juillet dernier, s.l., 1789.
[9] Archives communales de Nargis, 1D1, 4 septembre 1790.
[10] Archives communales de Nargis, 1D1, 28 janvier 1791.
[11] ADL, 2J640, lettre, 10 août 1791.
[12] Cf. F. PIGE, Aux portes des Amériques : Gy-les-Nonains ou la vie de Claude Mithon de Genouilly, seigneur de Gy-les-Nonains et chef d’escadre, bulletin n°114, décembre 2000, p.30 à 52.
[13] ADL, 2J640, 14 août 1820, certificat.
[14]
AD Dordogne, 5E283/5, acte de décès, 29 novembre 1818.
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