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François Didier Château
ou
le fils caché de Maximilien Robespierre

 

par Michel Piat
Cet article est extrait du Bulletin d'EPONA n°8, octobre 2001

En 1994, les Archives Nationales procédaient à l’acquisition d’un fond documentaire appartenant à une lignée de grands serviteurs de l’État, la famille Siméon. Au nombre des dossiers figuraient les papiers personnels du Baron Henri Siméon qui fut préfet du Loiret de 1835 à 1840.

Les Archives Départementales d’Orléans obtenaient le prêt temporaire de la liasse en question pour la microfilmer pour le compte du département.

Or, dans ce lot figuraient trois pièces concernant un nommé Château demeurant à Château-Renard.

La première pièce, une lettre de Séguier, Premier Président à la cour d’Appel de Paris, datée du 11 janvier 1840 dont voici la teneur :

Monsieur le Préfet,
Vous êtes consulté par M. Le Directeur Général des Postes sur la convenance d’établir un relais dans la ville de Château-Renard, l’un des chefs lieux de l’arrondissement de Montargis et aussi, sur la personne du sieur Château, aubergiste, qui sollicite l’exploitation de ce relais là même où il tient son auberge.
Quant à la convenance de l’établissement du relais de Château-Renard je peux vous assurer Monsieur le Préfet qu’elle est vivement sentie par les principaux propriétaires soit de ce canton, soit des cantons limitrophes dans l’Yonne. L’un de vos prédécesseurs à Orléans, M. de Ricey a fait établir le relais de la route départementale de Montargis aux limites du Loiret, vers Joigny et Auxerre, alors j’ai vu le poteau indiquant la séparation des deux départements chargé des couronnes civiques apportées spontanément par les habitants. Depuis la route a été continuée jusqu’à Auxerre, elle se continue vers Joigny et s’ouvre vers St-Fargeau et la Loire. Le placement d’un relais de poste à Château-Renard serait une conséquence du bienfait de M. de Ricey.
Au sujet du candidat pour l’exploitation du nouveau relais, le sieur Château, il est porteur des attestations de capacité que lui ont données MMrs le Maire de Château-Renard, le juge de Paix du canton et du plus fort contribuable du pays M. Le Pelletier des Forts.
Je me joins de bon cœur à ces honorables personnages pour certifier que l’impétrant mérite la bienveillance de l’Administration, c’est un bon père de famille, industriel, tranquille et jouissant de l’estime de ses concitoyens, j’ai appris avec étonnement qu’il avait été desservi auprès de M. Le Sous-Préfet de Montargis, je pense sincèrement que de faux rapports ont eu lieu, excités par des sentiments de jalousie ou des intérêts privés mais l’utilité publique doit l’emporter sur des considérations personnelles ou locales. Je désire M. le Préfet contribuer à éclairer par amour du bien commun et concourir avec vous à conduire à bien ce qui a été si bien commencé et dont le mérite premier appartient à l’Administration du Loiret.
Je vous prie Monsieur le Préfet d’agréer l’hommage de mon dévouement respectueux.
Le Premier Président : Séguier

La seconde pièce est une copie de la réponse du Préfet Siméon adressée au Président Séguier le 21 janvier 1840

Monsieur le Premier Président, 
Je serais si heureux de faire quelque chose qui fût agréable à un magistrat illustre dont je respecte le nom et le caractère et entre les mains duquel j’ai prêté il y a quinze ans mon serment d’avocat que vous pouvez être convaincu que tout ce que vous me demanderez sera fait sur-le-champ que je ne sois pas obligé de faire le sacrifice de mes convictions les plus profondes. En fait de personnel rien n’est indifférent pas même le choix d’un maître de poste, car la date néfaste du jour où je vous écris me rappelle que c’est un maître de poste qui a livré Louis XVI à ses bourreaux. Or, le sieur Château que vous voulez bien me recommander est le fils naturel de Robespierre. Il n’est pas responsable de sa naissance, je le sais, mais malheureusement son origine a influé d’une manière fâcheuse sur ses opinions et sa conduite et il est tout ce qu’il y a de plus radical. À quoi bon lorsque nous avons à sa place un homme tranquille et modéré, qui tiendra bien le relais de Château-Renard, le sieur Villermé, aller faire à Château une faveur qui produira mauvais effet dans le pays.
Je suis certain que vous approuverez les motifs qui m’ont dirigé dans cette circonstance et ceux qui me portent à vous prier également de considérer cette lettre comme confidentielle.
Veuillez agréer, Mr le Premier Président, l’hommage de ma respectueuse considération.
Le Préfet du Loiret : H. Siméon.

La troisième pièce est la réponse du grand-père du Préfet Siméon, pair de France à un courrier de son petit-fils l’informant de sa réponse à Séguier.

Cher Henri,
Ta lettre à M. Séguier est parfaite, il en a été très touché m’en a beaucoup remercié et m’a dit qu’il demandait ton amitié : L’amitié de l’ayeul lui ai-je répondu, mais le respect du petit-fils. Il reconnaît que si tu es certain que Château est un radical tu as très grande raison de ne pas le nommer, je m’étonne seulement que M. d’Estampes qui est un grand propriétaire et M. Le Pelletier recommandent un radical. Au reste, je pense comme M. Séguier que Château doit être exclu s’il est ce qu’on t’en a dit.
Je t’embrasse, Siméon

Qui était François Didier Château recommandé par d’aussi éminents personnages tels que Séguier, Président de la cour d’Appel de Paris dont la famille était de St-Martin s/Ouanne, que M. d’Estampes, châtelain de Perreux et M. Le Pelletier des Forts, propriétaire du château de la Motte de Château-Renard.

Cinq années de recherches tant à Paris que dans notre région permettent de conforter l’affirmation du Préfet Siméon.

Né à Paris le 25 janvier 1790 (1), fils naturel de Denis Pélagie Patillaut, née au hameau des Griffons à Château-Renard en 1754, François Didier fût reconnu à sa naissance par Didier Urbain Château (2) huissier au Châtelet de Paris.

Venu se réfugier avec sa mère à Château-Renard, puis à St-Maurice-sur-Aveyron en 1795, quelques mois après la chute de Robespierre, François Didier est appelé en avril 1809 dans les armées impériales. Son dossier militaire retrouvé aux archives du château de Vincennes le décrit : petit, 1,58 m, visage plein, front rond, yeux bleus, nez court, bouche petite, cheveux et sourcils blonds. Signalement correspondant en tout point à celui de Robespierre.

Sept ans plus tard, licencié de l’armée en janvier 1816 avec le grade d’adjudant officier d’État major, il se retirait à Malicorne (89) où résidait alors sa mère et, en 1818 il épousait Victoire Lauré à Saint-Martin-sur-Ouanne.

En 1825, François Didier dit(3) Château se fixait à Château-Renard comme boulanger pâtissier, profession qu’il quittait quelques années plus tard pour celle d’aubergiste. Si, selon la décision du Préfet Siméon, il n’obtint pas l’emploi de Maître de Poste, emploi qui fut attribué à François Villermé, néanmoins en 1845 au mariage de sa fille aînée Esther, on le trouve Directeur des voitures publiques. Là encore, ses hautes relations avaient probablement influé.

Après quelques décennies passées sereinement à Château-Renard, le 17 janvier 1851 à 61 ans, François Didier décédait emportant le secret de sa naissance. Son acte de décès le déclare faussement : fils du légitime mariage de Didier Urbain Château militaire et de Denis Pélagie Patillio. Or, en juillet 1819 quelques mois après le départ de François Didier à l’armée, sa mère toujours célibataire épousait François Pité aubergiste à Château-Renard. Veuve en 1818, elle décédait à Saint-Martin-sur-Ouanne le 26 juillet 1831.

Notes

  1. L’acte de baptême de François Didier Château retrouvé exceptionnellement (les registres d’État Civil ayant été détruits en 1870) est ainsi rédigé : Le vingt cinq janvier 1790 a été baptisé François Didier né de ce jour fils de Didier Urbain Château huissier et de Denis Pélagie Patillio son épouse, demeurant (lettres rayées), le parrain François Bouquerel bourgeois de Paris demeurant rue de Charenton paroisse Ste-Marguerite.
  2. La marraine Geneviève Dabloir épouse d’Ignace Péchet demeurant aussi rue de Charenton, lesquels ont signé. Ledit enfant est né chez Mme Laubin maîtresse sage femme demeurant rue St Jacques de cette paroisse qui nous l’a présenté et qui a signé.
    Cet acte ne mentionne pas (et pour cause !) l’adresse des parents quand celles du parrain et marraine sont mentionnées. D’autre part l’enfant naît chez une sage-femme chose courante pour les filles mères à cette époque.

  3. Des recherches effectuées, il s’avère que l’huissier Château était célibataire en 1790.
  4. Après avoir été ensuite secrétaire du sinistre Fouquier-Tinville et, document ci-joint, avoir par sa fonction conduit Jean Fougeret, seigneur de Château-Renard, à la guillotine, Château épousait Françoise Maury le 9 décembre 1794, puis s’installait huissier à Saint-Denis où il devait décéder le 16 juillet 1812.

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  5. En 1814 au cours d’une permission, François Didier et sa mère établissent chacun, chez un notaire de Châtillon-Coligny, un testament en faveur de Judith Pité, fille d’un premier mariage de François Pité époux de Pélagie Patillaut. Dans les deux actes il est spécifié : François Didier dit Château. Le testament de sa mère est encore plus explicite mentionnant : François Didier dit Château mon enfant naturel légalement reconnu.

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