La seigneurie de la Beuvrière
par Frédéric
Pige |
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Oussoy d'après la carte de Cassini (1780) |
Cet article est extrait du Bulletin de la Société d'Emulation N°115, 2001 |
Le décret du 17 juillet 1793 a imposé aux " ci-devant seigneurs, les feudistes, commissaires à terrier, notaires et autres dépositaires de titres constitutifs ou récognitifs de droits supprimés par le présent décret [...] de [...] déposer [leurs archives] au greffe des municipalités des lieux. Ceux qui seront déposés avant le 18 août prochain, seront brûlés ledit jour [...], le surplus sera brûlé à lexpiration des trois mois ".
Aussi, rares sont les documents concernant la gestion des seigneuries. De plus, les Archives Départementales du Loiret ayant brûlé en 1940 et malgré une politique constante de reconstitution des fonds, il est très difficile détudier les seigneuries. Le chercheur est alors obligé de déployer des trésors dimagination pour surmonter ces handicaps.
Pour avoir une idée des actes à caractère féodal qui ont pu être passés chez les notaires, nous pouvons nous servir de leurs répertoires où ils consignaient tous les actes quils passaient. Ces répertoires, quand ils existent encore, ont souvent été oubliés de la fureur révolutionnaire.
Cest au cours de létude du répertoire du notaire de Varennes pour le XVIIIè siècle que jai relevé lexistence du terrier de la Beuvrière en 1783. Lexemplaire conservé par le notaire étant détruit, celui conservé par le seigneur de la Beuvrière pouvait encore exister. Le notaire nous apprend quil sagit de la commanderie Saint-Marc dEtampes. Après vérification dans linventaire des Archives Départementales de lEssonne, ledit terrier existe toujours et cest à partir de celui-là, et de dossiers conservés aux Archives Nationales, que jai mené une petite étude de la propriété foncière au sein de la seigneurie de la Beuvrière.
1- Localisation et consistance de la seigneurie de la Beuvrière
Aujourdhui, lemplacement du lieu de la Beuvrière et même le nom sont complètement oubliés. Cependant, ceci nest pas récent. Déjà, à lépoque de la confection du terrier, le nom des Milleries se substituait à celui de la Beuvrière. Seul un plan de la seigneurie de 1783 nous permet de retrouver exactement la parcelle n°1, celle de la Beuvrière. Ce lieu se trouve à lest de létang de la Couarde, le long de la route entre Crételle et la D 39. Sur le cadastre dOussoy de 1811 section G, il sagit de la parcelle n° 500.
Quy avait-il à lorigine ? Il ne faut pas simaginer un château fort. Bien au contraire, il faut surtout penser à une masure, à une ferme ayant peut-être une palissade en bois et des fossés dans le meilleur des cas. Au XVIIIè siècle, ce nest plus quun champ.
La seigneurie de la Beuvrière sétend sur une superficie denviron 248 arpents. Elle est partagée en quelques 500 parcelles dont voici la répartition :
- 9 maisons avec leur cour et chemins occupant 29 arpents
- 351 parcelles de terre labourable occupant 188 arpents
- 90 parcelles de prés occupant 22 arpents
- 33 parcelles de jardins occupant 3,5 arpents
- 7 parcelles en friche occupant 2 arpents
- 7 parcelles de bois occupant 2,5 arpents
Ces terres sont possédées par trente familles. La taille des possessions varie beaucoup dune famille à une autre : de 0,2 à 63,5 arpents. Les laboureurs possèdent près de 60% des terres, les manoeuvres 17% et le notaire du lieu, Prochasson, 16%. Le reste est partagé entre les marchands, les artisans, les nobles et les fabriques dOussoy et de Varennes.
Toutes ces familles jouissent de lusufruit de la terre mais le seigneur de la Beuvrière reste propriétaire du fonds.
2 - Les revenus du seigneur de la Beuvrière
Le terrier a été confectionné en 1783 par Prochasson, notaire de Varennes, après autorisation donnée par le roi par Lettre à terrier du 1er juillet 1780. Il a été fait à la demande de Louis Augustin Godeheu ou Godheux, commandeur de la Commanderie dEtampes Chalou-la-Reine. Quant au plan, il a été levé en 1780 par Jean Delanoüe, arpenteur royal, sur ordre de Barthélémy, avocat au Parlement, Garde et Conservateur des archives de lordre de Malte.
La commanderie dEtampes a assuré la pérennité de ses revenus en faisant refaire régulièrement ses terriers, le précédant datant de 1748. Les censitaires pouvaient effectivement être tentés de ne plus payer les droits de leur seigneur, dautant plus que celui-ci était éloigné. La confection du terrier les obligeait à reconnaître devant notaire leur seigneur et à énumérer ses droits. Bien que ce soit les censitaires qui payaient leurs déclarations au notaire, la commanderie devait également rémunérer le notaire et payer larpenteur. Cette opération était-elle rentable pour la commanderie ? Celle-ci, comme seigneur du lieu, touchait le cens annuel de 4 deniers par arpent. Ainsi, peut-on calculer que le cens rapportait annuellement environ 4 livres 2 sols 8 deniers, cest-à-dire une misère. A titre de comparaison, cette somme représente la valeur denviron 6 poules et un coq. Le cens apparaît donc bien comme un droit récognitif de la seigneurie nayant plus de valeur économique. La commanderie touchait également les profits de lods et ventes, défauts et amendes lors des mutations, lorsquelles étaient mentionnées. Cela ne devait pas non plus rapporter beaucoup dargent. La confection du terrier ne pouvait donc être amortie que sur le long terme.
Posséder une seigneurie ne signifie donc pas forcement avoir beaucoup de biens. Souvent les bourgeois les achetaient pour leurs droits honorifiques, afin de se faire une place dans le " monde des honneurs ". De plus, ce qui est appelé ici seigneurie de la Beuvrière nest quun fief relevant de la seigneurie de la Donaison à Sury-aux-Bois qui, elle aussi, appartient à la commanderie Saint-Marc dEtampes.