Le moulin BARDIN à Saint-Firmin-des-Vignes (Amilly) par Gaston Leloup |
Pour des générations de Montargois, le nom du Moulin Bardin,
situé sur le Loing à deux kilomètres en amont de la ville, évoque le but dune
traditionnelle promenade le long du canal de Briare et le lieu où de nombreux personnes,
avant la construction des piscines, ont pu apprendre et sexercer à la natation dans
une eau plus chaude que celle de la baignade du Loing. (Quil nous soit permis à
ce propos dévoquer la mémoire de M. Pigelet, professeur dAnglais au
collège, qui consacrait bénévolement ses loisirs à enseigner en ces lieux la natation
à des générations de collégiens qui se souviennent tous de lui avec gratitude.)
De la déviation de la N7, dans le sens Nevers-Paris, le moulin apparaît aux yeux des
automobilistes au moment où ils franchissent le pont sur le canal. La disposition des
bâtiments étonne au premier abord par cette maison dhabitation et ce moulin
séparés par le canal et reliés entre eux par une passerelle métallique débouchant à
létage du moulin. Ce dernier, construit sur une étroite bande de terre entre le
canal et le Loing, a cessé de fonctionner il y a une trentaine dannées et se
trouve laissé à labandon.
Origines
Les plus anciennes traces écrites qui le concernent remontent à 1505 mais son existence
est bien antérieure. Cette ancienneté peut se déduire des faits qui vont suivre : le
moulin dont lancien nom était avant le XVIème siècle le moulin
Pollemier se composait en réalité de deux moulins, un à blé et un à tan, se
tenant lun à lautre.
Le moulin à blé placé sur la rive ouest du Loing, côté St.Firmin, dépendait du
prieur de Ste. Catherine de Mercy (à Pannes).
Le moulin à tan était probablement en face sur la rive est et
relevait des religieuses de St.Dominique.
Or, ces deux communautés sont apparues dans notre région à la fin du
XIIème siècle et au XIIIème siècle.
Du prieuré de Flotin à Nibelle dépendaient Mercy à Pannes et le
prieuré de la Mère Dieu à Amilly. ( Le prieuré de Flotin était lui même une
fondation de moines de labbaye de Saint Jean de Sens.) Les Dominicaines fondées en
1242 reçurent en don la seigneurie dAmilly.
Comme ce fut le cas pour la plupart des autres moulins, leur
construction qui nécéssitait un investissement important fut luvre des
seigneurs du lieu qui ensuite en faisaient bail directement à des meuniers ou les
cédaient à charge de rente perpétuelle à des particuliers. On na aucun document
écrit concernant ce moulin avant le XVIème siècle mais par des textes ultérieurs on
sait quils avaient tous les deux avaient été baillés à rente par leurs
constructeurs.
La Guerre de Cent Ans et son cortège de destructions amenèrent le
seigneur dont il dépendait à consentir aux détenteurs des baux de très longue durée
(baux emphytéotiques) à charge pour leurs preneurs de rebâtir et remettre en état de
marche les moulins. Les durées étaient exprimées sous forme dun certain nombre de
vies, une vie étant comptée pour 33 ans, âge du Christ à sa mort.
Les deux moulins de St.Firmin subirent comme bien dautres ces destructions.
Le moulin Bardin au XVIème siècle
Dans la transaction de 1505 est évoqué pour la première fois le moulin de Pollemier
détenu par Pierre Bardin, sans autres précisions.
La famille Bardin était une riche famille montargoise qui compta dans ses rangs de
nombreux hommes de loi et un concierge de la forêt de Paucourt en 1464. Un des premiers
maires de Montargis fut Hiérome Bardin en 1594.
En 1524, Pierre Bardin est mort et son fils, Jean, avocat à Montargis passe un accord
avec le prieur de Ste. Catherine de Mercy au sujet du moulin. On y apprend que le moulin
est en ruines et que sa reconstruction coûterait très cher au prieur qui en possède le
fonds et dont Pierre Bardin en a le bail à rente et à cens. En conséquence, le prieur
qui aurait dû avoir la charge de la remise en état consent que Bardin jouisse du bail
qui avait été fait à son père pour la vie durant de ce dernier et 59 ans après et y
ajoute encore 3 vies et 59 ans après. Cela à condition de se charger de la
reconstruction du moulin et de lui verser chaque année 24 sols 7 deniers de rente et 4
deniers parisis de cens.
Le travail de reconstruction avait dailleurs dû commencer bien avant car le 10
août 1524, Bardin loue pour 4 ans le moulin et 9 arpents de terre à Pierre Labbé,
meunier à Montargis, pour 5 muids de grains (1/3 froment, 1/3 meteil, 1/3 mouture), plus
2 douzaines danguilles, 2 chapons, 2 poules, 2 canards par an. (A Montargis le muid
valait 6 setiers ou 12 mines ou 48 boisseaux. Le boisseau de Montargis contenait 18,6
litres. 5 muids= 44,6 hectolitres).
Le fait d'être ainsi détenteur du moulin fut certainement une excellente affaire pour
Bardin et son meunier car lannée suivante 1525 eut lieu le terrible incendie qui
brûla totalement Montargis. Les quatre principaux moulins de la ville navaient pas
été épargnés puisque daprès le procès-verbal de lincendie, il nen
restait que les pieux enfoncés dans les rivières.
Le moulin Bardin ne dut pas manquer de travail pendant de longues années.
En 1537, dans un autre bail, fait par Bardin à Antoine Couldroy, il est précisé que le
moulin a droit de quête et bourgeoisie par toute la terre de Montcresson et au
faubourg aux Moines jusquà la croix appelée la Croix noire seulement. La
terre de Montcresson, cest à dire létendue de cette seigneurie,
correspondait en gros à un vaste triangle dont la base était limitée par les paroisses
de Montbouy et Pressigny et les côtés par le Loing et le Vernisson. Elle se terminait en
pointe au faubourg de Montargis, actuel faubourg de Lyon.
La Croix noire existe encore, ou du moins une de celles qui lui ont succédé au même
endroit. Elle se trouve à langle de la rue du Pont St.Roch et de la rue Coquillet
(limite ancienne de Montargis et Amilly). A cette époque il existait un chemin qui,
partant de là, permettait de se rendre de Montargis à St Firmin et au delà en évitant
la route qui, desservant aussi le vignoble, empruntait la rude côte du Christ. Ce chemin
bas suivait le pied de la falaise à lemplacement de lactuel canal et
désservait le moulin Bardin. De là son prolongement, qui existe encore et à St Firmin,
longeait le canal, aboutissait au carrefour, coupait lactuelle route de
Châtillon.et, par les Barres, Villeneuve, la Fosse, la Maison Rouge, Mocquepoix, se
dirigeait vers Cortrat. La suppression, lors du creusement du canal, de la portion
Montargis-moulin Bardin entraîna de gros désagréments pour les usagers et en
particulier pour les meuniers et les propriétaires des prés, dont ceux de la Chize, qui
nen avaient plus laccès. Aussi ladministration du canal fit construire
le Pont St Roch et leur permit le passage par le chemin de halage.
Pierre Bardin est mort avant 1524. On connait trois de ses enfants : Pierre, Jean et Anne.
Un partage des biens avait dû se faire entre eux : Jean ayant le moulin à blé, Pierre,
lui aussi avocat, le moulin à tan et Anne, épouse de Jean Caillat, divers bâtiments.
Ces derniers rétrocèdent, en 1525, à Jean Bardin la maison située dans la cour du
moulin. Il existe un bail du moulin à blé en 1537 fait à Antoine Couldroy, meunier, qui
jouissait déjà du moulin.(voir pièce annexe).
Le moulin à tan est de nouveau cité en 1550 : à loccasion de son mariage, Jean
Collier, fils dun marchand tanneur, vend à Pierre Bardin la moitié des trois jours
par mois dont il disposait au moulin Bardin, journées nécessaires à son industrie. Il
était en effet fréquent que des tanneurs achètent au propriétaire dun moulin à
tan un droit dutilisation dune certaine durée pour pouvoir moudre leur tan.
Ce droit pouvait se transmettre et persistait même si le moulin était hors dusage,
le propriétaire devant alors le rétablir pour en permettre lutilisation ou bien
racheter ce droit comme cela semble le cas ici.
La même année, 1550, Jean Bardin vend à Bertrand Saiget et à sa femme, nièce du
vendeur lensemble des deux moulins et leurs dépendances pour 300 écus et 40
livres. Lacheteur fait faire dimportants travaux au moulin pour la somme de
1530 livres, il procède au partage de ses biens avec ses enfants en 1572. On connait 2
meuniers : en 1587, Jean Cousturier et Pierre Petit, son beau-frère et en 1600, Thomas
Marlin.
Le moulin au début XVIIème siècle
Par voie de succession et de partage, les deux moulins passent à la fin du XVIème et au
début du XVIIème siècles entre les mains de Jean Lecellyer, marchand à Orléans, pour
le moulin à tan et de Laurent Lecellyer, lieutenant au bailliage de Boiscommun, demeurant
à Montargis, pour le moulin à blé. Ce dernier rachète en 1608 le moulin à tan et
reconstitue ainsi la propriété.
A cette époque commence le creusement du canal de Briare par lentrepreneur Cosnier
et le moulin à tan subit des dégradations évoquées dans un acte ultérieur de 1639.
En 1615, Mtre. Laurent Lecellyer vend le moulin à tan à Henri de Birat, écuyer, sieur
de la Chize et de Lisledon, maître dhôtel ordinaire du Roi.
La famille de Birat, dorigine italienne, apparait à Montargis vers 1580 sans doute
faisait elle partie de lentourage dAnne dEste, duchesse de Nemours et
dame de Montargis. Le premier connu en notre ville, Georges de Birat, époux de Geneviève
Polle, acquiert le fief de la Chize, vaste ensemble de prairies situé à lest du
Loing entre Montargis et St Firmin des Vignes, Il résidait dans un hôtel situé à
lemplacement du Collège du Chinchon et devint maire de Montargis de 1590 à 1592.
Son fils Henri de Birat fit construire le château de Lisledon à Villemandeur et dès
1625, il entreprend des démarches pour acquérir les droits que possède le prieur de
Mercy sur le moulin à blé. Après six années de procédures, en 1631, une adjudication
et vente de la place du moulin sont faites à de Birat par les subdélégués du clergé
de Sens dont dépend le prieuré.
Pendant les deux années suivantes il fait rebâtir entierement le moulin à blé :
charpentiers, maréchal pour les ferrures, maçons-tailleurs de pierre sont à
luvre, le système damenée deau est curé et élargi. Deux
nouvelles meules sont posées. Lensemble des travaux et des matériaux revient à
4295 livres.
Vente aux Seigneurs du Canal de Loire en Seine
Les travaux de creusement du canal de Briare entrepris par lingénieur Cosnier en
1604 furent interrompus un an après la mort dHenri IV. Il restait pour le terminer
à creuser la portion comprise entre Montcresson et Montargis, soit une douzaine de
kilomètres. En 1635, trois hommes, Guillaume et François Boutheroue, le premier receveur
des Tailles à Baugency, le second marchand à Orléans, et Jacques Guyon, receveur des
Tailles de lElection de Montargis, étudièrent la possibilité de reprendre le
chantier laissé à labandon. Ayant obtenu du roi les lettres patentes
dautorisation en septembre 1638, ils se mirent aussitôt à louvrage.
Cest pourquoi ils acquérirent le Ier juin 1639, dHenri de Birat, les moulins
à blé et à tan appelés le moulin Bardin. Dans lacte de vente sont inclus en
outre les bâtiments du bas dont jouissent les meuniers, les bâtiments du haut et de la
cour, tant du côté de la rivière que du chemin, ainsi que le colombier et le jardin.
Un début de travaux avait sans doute été effectué par Cosnier en cet endroit car il
est précisé que sont aussi vendues les pâtures, attenant au jardin, qui se trouvent
entre la rivière et le long du canal ébauché 30 ans auparavant. Les acheteurs devront
également sacquitter des indemnités dues pour la dégradation causée par ces
anciens travaux. Birat précise que les seigneurs du canal pourront dès à présent
faire passer le canal à travers la cour, démolir la maison où est à présent le
meunier ensemble le moulin à tan ou partye diceluy pour ladvencement des
ouvrages du canal.
Le tout, avec 6 quartiers de terre entre le chemin et le canal et 5 quartiers de prés,
est vendu 7000 livres tournois, plus les 242 livres pour les dommages faits et héritages
pris par Cosnier.
Le 18 juillet 1641, le vendeur qui curieusement a modifié son nom et signe maintenant de
Birague, reçoit le payement de la vente.
La compagnie des Seigneurs du Canal de Briare, société par actions, va demeurer
propriétaire du moulin Bardin pendant 220 ans.
Parmi les meuniers on connait en 1654 Claude puis David Chaumerat qui le restera
jusquen 1659 pour être ensuite remplacé par Jean Corjon. Ce dernier a un compagnon
meunier, Gabriel Chevallier. La vie était dure et il doit placer son fils agé de 9 ans
pour être nourri et logé chez Jean Jolly, un vigneron de la Mère-Dieu à Amilly. Il
paiera 6 livres par an les trois première années et rien les deux suivantes, ce qui
signifie que lenfant de 12 ans servira comme domestique.
En 1664 Corjon quitte le moulin et prend limportant moulin à blé de
Crévecur à Montargis. (Le moulin de Crévecur était situé à
lextémité de lactuelle rue Girodet sur le bras de rivière qui bordait la
place côté Collège et qui maintenant coule en souterrain.) Jacques Guyon ,
écuyer, Sr du Chesnoy, un des seigneurs du Canal de Loire en Seine, fils de
lacheteur de 1639, fait alors bail pour 6 ans et 450 livres par an des deux moulins
à blé et à tan à Nicolas Simon qui tenait jusqualors un moulin de La Cour
Marigny. (Jacques Guyon (1626-1676) venait dépouser en cette année 1664 Jeanne
Bouvier de la Motte agée de 16 ans et qui deviendra la célébre Madame Guyon.) Pour
la première fois il est fait mention dun pont-levis qui, par desus le canal, fait
communiquer les bâtiments dhabitation et les moulins ainsi que de lobligation
faite au preneur dy laisser le passage libre pour aller et venir et de lever le pont
soit pour la navigation ou autrement. La prisée de léquipement des moulins est
faite par Mathurin Chevalier meunier au Moulin de Tour, longuement étudié dans le
travail sur les moulins de Montcresson et Etienne Desrues, meunier au moulin du Pissot
(Pisserot) à Noyer. (Leloup Huguette : Les Moulins de Montcresson. Bul de la
Société dEmulation N° 95 à 98).
Les anguilles devaient être nombreuses dans le Loing et en particulier autour des moulins
car en 1666 Simon sengage à fournir à un marchand bourgeois de Paris toutes les
anguilles quil prendra dans le bied du moulin pour 50 sols la douzaine. Les
livraisons de poissons de Montargis à Paris était effectuées dans des bateaux viviers
appellés boutiques. Lannée suivante, nouvel engagement de livrer à
Suard, marchand de poissons de Montargis, toutes les anguilles quil pourra
prendre vives et nettes dans les paniers quil tendra devant et derrière le Moulin
Bardin.
En 1668, début décembre le moulin à tan brûle et Jean Guyon autorise Simon, le
meunier, de se fournir de bois dans les magasins du canal pour la reconstruction, à
charge de le rendre.
En 1670, un nouveau meunier, Jean Varaine (sic) qui vient du moulin Tespon, sur la
Bezonde, à Ouzouer sous Bellegarde, prend à bail le moulin Bardin pour trois ans et 400
livres par an. Dans les clauses il est précisé quil devra rendre le colombier bien
garni de pigeons comme il lui sera baillé et que demeureront les pigeonneaux en provenant
aux seigneurs du canal. La prisée du moulin est encore effectuée par Mathurin Chevalier
du moulin de Tour et Jean Monthereau, meuniers.
. Propriétaire du moulin Tespon, il le loue à Pierre Guérin, laboureur à Ouzouer pour
115 livres par an. Des difficultés ont dû surgir lannée suivante avec les
meuniers de Montargis, sans doute, au sujet du droit de quête des grains mais il décède
cette même année, en 1671 et les meuniers de Montargis abandonnent le procès.
En 1672, le moulin est abandonné par la veuve de Jean Varenne (sic) et le receveur des
droits des seigneurs du canal, Sébastien Porcheron, marchand à Montargis pour en
éviter le dépérissement le loue à Louis Deschamps, meunier au moulin de Langlée
à Châlette, pour 300 livres par an.
On peut remarquer que, depuis lacquisition par le canal, les loyers du moulin sont
toujours exprimés en argent et il est toujours réclamé des personnes solvables en
caution à la signature du bail.
Six ans plus tard, en 1678, le même Porcheron loue le moulin à Jean Corjon, meunier du
moulin de Létumier. Ce moulin qui a pris plus tard le nom de moulin aux Rats puis de
lÉtoile, se trouvait rue Dorée où se trouve actuellement la librairie de
lÉtoile.
Lépouse de Jean Corjon, Anne Bourgoin, devenue veuve reprend le moulin ; le bail
lui est consenti par Antoine Rochon, directeur général du canal, demeurant au château
de Briare, pour 300 livres par an.
En 1688, un nommé Jean Corneau est cité comme meunier au moulin Bardin.
En 1695, René Gaillard, seigneur de Charentonneau, lun des seigneurs du canal de
Briare, demeurant à Paris,fait bail du moulin, pour 300 livres par an, à Nicolas Gigert,
et Suzanne Lioret, sa femme. On peut noter que cette dernière est veuve de Louis Corjon,
meunier au moulin Bardin, sans doute un fils de Jean Corjon, ancien meunier lui aussi. Ces
Corjon étaient une veritable dynastie de meuniers puisque la même année on trouve au
moulin de Létumier un Antoine Corjon et au moulin de la Pêcherie un autrre Jean Corjon.
En 1700, nouveau bail fait pour 9 ans et 230 livres par an, à Jean Deschamps, meunier au
moulin du Thil à Montcresson. On constate dune part que la baisse des loyers est
importante de 450 livres depuis lachat par le Canal aux 230 livres et dautre
part que la durée du bail sallonge assurant ainsi aux meuniers une garantie en cas
de moindre profit, ce qui dut être le cas dans la période de crise de1690-1700. On peut
aussi remarquer que les familles de meuniers se retrouvent de génération en génération
dans les moulins de la région montargoise.
En 1727, on retrouve un nouveau Jean Corjon, meunier au moulin Bardin qui en reoprend le
bail pour 9 ans et 300 livres par an, laugmentation de la location prouve que la
situation sest améliorée après la grande crise de 1709-1710. Le précédent
meunier était Jean Deschamps, son beau-père.
En 1735, un autre Corjon, Joseph, est devenu meunier du moulin Bardin et, avec Louise
Corjon, veuve Darby, qui est sous-fermière (locataire) des moulins de
Montargis, ils vendent au duc dOrléans une maison quils possèdent, rue du
Palais, à Montargis.
A la suite de la construction en 1710 à Montargis de limportant moulin à tan par
une société de cinq tanneurs dans la rue qui porte désormais son nom, celui du moulin
Bardin dut disparaître.
En 1744, le moulin fut le théatre dune tragédie qui se
produisit sur le canal le jour de la fête patronale de Saint Firmin. Ce drame a si
fortement frappé lopinion que le greffier de la ville de Montargis a écrit à
cette date dans le registre de délibération du Conseil de Ville le texte qui suit :
Le 12 juillet mil sept cens quarante quatre environ les deux
heures après midy, vingt cinq personne allant à la valterie de St Firmin dans un petit
bateau couvert trainé par un cheval ; ce petit bateau a tourné sans dessus dessous près
le moulin Bardin, il y a eu neuf personnes de noyées, scavoir le fils de Nicolas
Filledier, voiturier par eau, agé de vingt cinq ans, une petite Suard, sa nièce agée de
douze ans, deux enfans dEstienne Bruneau, marinier, un fils agé de dix huit ans et
une fille agée de vingt deux ; deux filles de Demarque, aussi voiturier par eau, dont
lune est agée de vingt cinq ans et lautre dunze à douze, une fille du
Sr Lahoussois Longboyau, marchand de bestiaux, agée de dix neuf ans, une fille de
Landois, marinier, agée de treize à quatorze ans et la fille de Nicolas Girault,
maréchal, faubourg de la Conception, agée de quinze à seize ans, ouverts et enterrés
le lendemain à St Firmin, tous les autres ont eu beaucoup de peine à se
sauver.(Archives de Montargis BB14 )
Une croix fut érigée sur le lieu du drame en aval du moulin, à
environ 80 métres, entre le chemin de halage et le Loing. Brisée à une époque
indéterminée, on peut encore voir son socle de pierre où est scellé la base de la tige
de fer (Photo)
Les propriétés de la compagnie du canal de Briare passèrent le cap de la Révolution
sans dommages et la location et lexploitation du moulin à blé se poursuivirent
jusquen 1860.
Le pont levis qui permettait aux meuniers et aux usagers des prés de se rendre du contre
halage au chemin de halage fut remplacé par un pont tournant, peut-être au moment de la
réfection du canal de 1830.
Cest 15 mai 1860, 3 mois avant la prise de possession du canal par lÉtat, en
août 1860 que la Compagnie du Canal de Briare vend, pour 28 000 francs, le moulin Bardin
au meunier en exercice Jean Auguste Trochet et à Julienne Augustine Dumesny, son épouse.
Le moulin fut entièrement reconstruit à la fin du 19ème siècle et reçut alors tous
les perfectionnements techniques de lépoque, dont le remplacement des meules par
des cylindres métalliques.
La rénovation totale du canal et son élargissement en 1889 entraîna
la suppression du pont tournant et de ses servitudes pour le meunier par la construction
de la passerelle privée qui fait communiquer la maison dhabitation au moulin. Le
pont routier en amont destiné à permettre la desserte par les usagers du chemin de
halage est sans doute de la même époque.
Parmi les meuniers qui se succédèrent au début du 20ème siècle, on relève dans les
Almanach du Gâtinais, les noms de Lavy et Guitard. Ce dernier, en 1919,
racheta le moulin à la famille Trochet et, après lui, son fils assura la marche de
lentreprise jusquà ce quelle cesse son activité en 19737 .
La roue hydraulique aurait eu 2,5m de large et 6m de haut. La chute de
2m fournissait une puissance de 60CV .
Totalement abandonnée, la partie de la propriété affectée au
moulin, située entre le canal et le Loing, semble malheureusement vouée à la ruine dans
un avenir prochain sil nest pas trouvé un usage aux bâtiments.
Nous remercions Mme Denise Guitard, fille de Mr. Guitard, lacheteur de 1919, qui a bien voulu nous fournir une partie de ces renseignements.