Le nom de Pannes : Dieu ou clôture ? par Charles Diemer |
L'origine du nom de notre commune n'est pas très sûre. Selon certains, "pannes" viendrait du mot gaulois "pennos" qui signifie "mont, colline, éminence". En gallois et en breton, "penn" signifie encore "tête". Mais on voit mal où les premiers habitants de Pannes auraient trouvé une colline suffisamment importante pour différencier leur village des autres.
Une autre explication fait remonter " pannes" au latin "penna", qui désignait la plume, l'aile ou la flèche, et, par extension, la pointe. On peut rêver des plumes d'oiseaux qui auraient servi à baptiser le lieu, ou même à un menhir pointu qui dormirait encore au fond d'un jardin... Ce n'est pas le moindre intérêt de ce genre de recherche de nous faire rêver un peu.
Mais M. Gache nous ramène à la dure réalité 1 : "pennae" désignerait les pointes de la palissade dont le premier village a été obligé de s'entourer à défaut de défenses naturelles. Cette palissade devait se voir de loin, et donc suffire à dénommer le lieu. Une façon gallo-romaine, donc, de dire "on n'est pas cambriolables! "... c'est un peu triste quand même, car cela nous rappelle qu'aujourd'hui encore on veut nous faire croire que la clôture et la défense en général sont les moyens de notre bonheur. Pannes, ville des clôtures...
Alors continuons plutôt de rêver: selon un autre auteur, "pannes" viendrait du nom du lieu dédié au dieu Pan. Ouvrons le dictionnaire: "Pan: figure de la mythologie grecque, dieu des bergers, protecteur de la vie naturelle et sauvage, excellent musicien, inventeur de la flûte qui porte son nom, amateur de bon vin et de tous les plaisirs qui font la qualité de la vie..."
Rappelons-nous aussi la chanson de Brassens:
"Du temps que régnait le grand Pan
les dieux protégeaient les ivrognes,
un tas de génies titubants,
au nez rouge, à la rouge trogne,
dès qu'un homme vidait des cruchons,
qu'un sac-à-vin faisait carrousse,
ils venaient en bande à ses trousses
compter les bouchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
distillée par Noé, Silène et compagnie,
le vin donnait du lustre au pire des minus,
et le moindre pochard avait tout de Bacchus."
Si on y regarde de près, cette explication rend bien la réalité : pour la "piquette", il paraît qu'on s'y connaissait, à Pannes, avant que le phylloxera ne détruise les vignes à la fin du siècle dernier. D'ailleurs, le canal d'Orléans cheminait surtout vers Paris du bois, des lignites et... du vin et, même si les 13 millions d'hectolitres entre l'an VII et 1837 ne provenaient pas tous de Pannes, leur passage sur la commune a dû réjouir le dieu Pan. Et puis, Pan, dieu de la nature, quoi de plus évident pour une commune qui a su, jusqu'à maintenant, préserver ses espaces sauvages? Quant à la musique, le renom international de la Société musicale de Pannes prouve bien l'influence bénéfique du patronage de Pan. Pour ne choquer personne, on ne citera pas les autres plaisirs que patronne Pan, mais les témoignages qui prouveraient que c'est mieux ici qu'ailleurs sont les bienvenus! D'ailleurs Pan est bien moderne, puisqu'il est le dieu de la sensualité sans être celui de la fécondité.
Alors, Pan ou Penna? La nature ou la clôture?
Rendons justice à M. Gache, l'explication du lieu dédié au dieu grec est assez invraisemblable. Elle n'a sans doute que le mérite d'être plus poétique que la sienne. Et si l'histoire nous impose la clôture, c'est à nous de faire de Pannes une ville plus accueillante que le village gallo-romain!
D'ailleurs, si l'explication de la palissade ne nous plaît pas, nous pouvons toujours accepter l'augure de l'expression moyenâgeuse "voler de pannes en pannes", qui signifiait... faire fortune.