Le sarcophage des Castors Le plus grand sarcophage du Gâtinais a été découvert par André Aubourg en 1983. Il raconte ici les conditions de la découverte et de sa restauration. M. Aubourg en propose la visite guidée aux Journées du Patrimoine, ou sur demande. |
Découverte et restauration d'un sarcophage par André Aubourg Cet article est extrait du Bulletin de la S.E.M. N°113, juin 2000 |
Qui sont les « castors » ?
C’est un groupe de pavillons construits peu après la guerre de
1939/1945, entre le chemin « haut antique » et la route « basse »
départementale 943. Entre ces deux chemins se trouve une pente assez raide qui
longe la vallée de la rivière Ouanne. Le site se trouve sur la commune d’Amilly
(45).
C’est le samedi 5 février 1983,
tard le soir, que le propriétaire du terrain m’avait téléphoné pour me
faire part de la découverte de ce monument. Il m’avait raconté comment s’était
passé la découverte et si l’on pouvait faire quelque chose.
Le lendemain matin, assez tôt
dans la matinée, j’étais allé voir sur place et hélas, constater les dégâts !
Le conducteur de l’engin qui creusait la fosse du pavillon avait carrément détruit
le sarcophage. Plus tard, au cours de l’enquête, il avait déclaré :
« je croyais que c’était une roche ». Cet argument n’avait pas
tenu devant le récit des témoins qui avaient assisté au massacre. L’un
d’eux avait déclaré lui avoir fait la remarque suivante : « vous
vous rendez compte de ce que vous faites ? » et l’autre aurait répliqué :
« ferme ta g...., ce n’est pas tes oignons ».
Ce matin là il faisait froid, la
gelée blanche émaillait les pierres du tas de déblais. Le nombre des débris
du sarcophage était assez important. Les plus gros morceaux gisaient au pied du
tas de terre ; d’autres, plus petits, se voyaient sur le flanc et en haut
du tas. Dans la masse de calcaire argileux entassé là, un certain nombre de
petits fragments devaient être invisibles parmi le mélange... .
Tout de même la chance s’était
montrée clémente à mon endroit : une partie du sarcophage était restée
encastrée dans la paroi du terrain du propriétaire d’à côté. La cuve
avait été coupée au ras de la paroi, mais la tête du couvercle posée était
restée intacte.
Voila ce que j’avais pu observer
ce matin là.
Le lundi, j’étais allé voir le
propriétaire du terrain pour de plus amples renseignements. Ensuite j’étais
allé à la mairie pour alerter les autorités et voir ce qui pourrait être
fait pour limiter les dégâts. Là, j’avais constaté que l’on était déjà
au courant et que manifestement ça gênait... .
Par ailleurs, j’avais pris
contact avec la Direction des Antiquités à Orléans. Le mardi un archéologue
avait été dépêché sur les lieux ; il avait été effaré par le désastre
qu’il constatait. Il avait pris des photographies et dit qu’il allait
s’occuper de cela....
Ensuite, nous sommes allés voir
le propriétaire. Là, nous avons été bien reçus. Il nous a dit qu’il était
tout à fait d’accord pour qu’il soit fait des recherches ; après
avoir pris congé, nous sommes allés à la mairie contacter les autorités.
Suite à cet entretien, les
services municipaux avaient récupéré les restes du sarcophage encore encastrés
dans le sol et rassemblé le plus possible de fragments en vue d’une
reconstruction du monument.
Tout ce matériel avait été déposé....dans
le cimetière le long d’un mur, à côté d’autres débris de tombes !
Cette fois encore j’avais
parlementé avec certains responsables, en l’occurrence le maire. Après pas
mal d’explications qui se voulaient persuasives, il m’avait promis qu’il
donnerait l’ordre de transporter les vestiges ailleurs que dans le cimetière.
Ceux-ci avaient échoué dans un coin de la nouvelle école EREA où travaillait
le propriétaire du terrain.
Là, nous avions essayé
d’assembler les gros morceaux qui correspondaient en vue de faire visiter ce
que pouvait représenter ce sarcophage.
Les vestiges étaient restés en
l’état pendant environ un an et demi.
Un jour, le directeur de l’école
m’avait fait appeler et m’avait informé que des travaux allaient avoir lieu
dans le secteur où étaient installés les vestiges et qu’il fallait trouver
une autre place.
Alors, j’avais suggéré et
obtenu du propriétaire qui logeait dans l’école, de faire don de son
sarcophage à la commune ; à charge pour celle-ci de le faire restaurer.
Il s’était fait un peu prier car il avait pris une certaine affection pour
les restes de cette antique sépulture. Mais la chose s’était faite tout de même.
Les vestiges furent donc transporté
au château de la Pailleterie, nouvelle propriété de la commune. Là la pierre
eut à souffrir des « attaques » des volatiles de la basse-cour où
elle avait été entreposée. Les fientes et la pluie décomposaient le tuf déjà
abîmé par le gel depuis qu’il avait été sorti de terre.
Après de nouvelles tractations,
les vestiges furent abrités dans un hangar.
Le temps avait passé. Un jour de
1998, des travaux de rénovation se faisaient au château. J’avais entendu
dire que l’on avait besoin de pierre de taille pour effectuer certains
travaux. Alerté par cette rumeur, je m’étais rendu sur les lieux et je
n’avais plus trouvé trace du sarcophage dans le hangar... il devenait urgent
de le retrouver !
Je n’avais pas mis longtemps à
le dénicher : il avait fait un bon de quelques kilomètres du côté du
sud-est et atterri dans un coin du terrain des ateliers municipaux. Il gisait là
parmi d’autres pierres, recouvert par les orties. J’avais pris quelques
photographies, puis j’avais entrepris des démarches auprès des responsables
de la mairie d’Amilly. En fin de compte, après les délibérations d’usage,
les vestiges du sarcophage m’ont été donnés gracieusement et amenés dans
un endroit où je pouvais faire ce que j’attendais depuis si longtemps.
Il m’a fallu plusieurs mois,
avec mes faibles moyens, pour redonner aux restes du monument une ressemblance
très acceptable avec ce qu’il avait été avant qu’il soit enfoui avec ses
deux mortes dans la terre d’Amilly, peut-être « Emilius » à l’époque....
Mais il reste encore beaucoup de
questions sans réponse. Qui étaient les deux femmes inhumées là ? Oui,
le sarcophage contenait deux corps féminins d’âge diffèrent. Les sacrums en
faisaient foi. Qui étaient-elles pour avoir l’honneur d’un si énorme bloc
de pierre, près de 4 000
kilogrammes ? D’où venait le tuf qui le composait, de quelle carrière ?
Comment avaient été véhiculés ces 4 tonnes de roche ? Les corps
avaient-ils été transportés dans leur cercueil ou bien mis dedans à la place
qu’il occupait à sa mise au jour ?
Et puis à l’époque, l’on
m’avait demandé s’il était décoré...non. Alors il perdait beaucoup de
son importance. Dommage pour la connaissance !
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