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La chapelle Saint-Fiacre
de Ferrières

par René Lebert
transcrit par Jacques Billard

(pour contacter le transcripteur, cliquez ici)
Cet article est extrait du Bulletin de la Société d'Emulation N°110, 1999

la tourelle du Petit Saint-Fiacre

Il a été retrouvé dans des archives familiales un manuscrit intitulé : " Histoire de Ferrières en Gastinois d’après des renseignements puisés aux archives communales, par René Lebert, secrétaire de la mairie de Ferrières ".

Monsieur René Lebert a exercé les fonctions de secrétaire à la mairie de Ferrières-en-Gâtinais du 16 avril 1919 au 31 mars 1950. Passionné d’histoire locale, il a, durant ses loisirs, étudié de nombreux documents provenant des archives de la commune et, naturellement, l’idée lui est venue d’écrire une histoire de Ferrières en s’attachant surtout à des événements et à des faits peu connus à ce jour par les historiens qui avaient déjà écrit sur ce sujet.

La rédaction de ce manuscrit a débuté en 1937, mais malheureusement l’auteur, René Lebert, est décédé peu de temps après avoir cessé son activité professionnelle, et avant d’avoir terminé la rédaction du manuscrit qui devait comprendre quatre grands chapitres :

  1. Vue générale de Ferrières
  2. L’Eglise paroissiale et les chapelles (L'église paroissiale St Eloy ,la chapelle Saint-Lazare)
  3. L’Hôtel Dieu
  4. Questions de l’administration de la ville et conflits divers

Seul le premier chapitre et une partie du second ont vu leur rédaction menée à bien. Nous vous proposons ici la  partie du second chapitre consacré à la chapelle Saint-Fiacre.

Jacques Billard


Et maintenant afin de suivre le classement indiqué dans la préface de ce livre, occupons nous de l'une des nombreuses chapelles de Ferrières, dépendant de l'église paroissiale, la plus importante d'ailleurs, et qui eût également un rôle très important dans la vie locale et suscita également bon nombre de différents entre le curé et les habitants d'une part et les Religieux Bénédictins de l'abbaye, d'autre part. Il s'agit de Saint-Fiacre

Cette chapelle, aujourd'hui dépendance d'une propriété particulière et par suite désaffectée, est située presque au centre de la ville actuelle, à l'angle des rues des Vieilles Halles et de la Triperie. Lors de sa construction elle se trouvait, à proximité du mur d'enceinte nord. La disparition progressive de ces murs ayant permis aux faubourgs de s'agglomérer à l'ancienne ville proprement dite, et, de ne plus former aujourd'hui une partie distincte.

Pour faire comprendre l'utilité de cette chapelle il convient de rappeler que l'Eglise paroissiale (Saint-Eloy) dont il a été longuement question dans les pages précédentes, était isolée et très éloignée du centre de la ville, et que cet éloignement donnait lieu a beaucoup d'inconvénients ; c'est ainsi notamment qu'on y assistait au service divin que les fêtes et dimanches et que durant la semaine le prêtre s'y trouvait seul. Enfin si quelque malade se trouvait en danger de mort, pendant le jour, il a le temps de perdre connaissance ou d'expirer avant qu'on ait celui d’aller en la paroisse et d'en revenir. Si c'est pendant la nuit, il meurt sans sacrement parce que ce serait exposer l'église et le ministre aux entreprises des voleurs et il est d'usage de n'y point entrer pendant la nuit. Antérieurement à la construction de la chapelle Saint-Fiacre à son emplacement actuel, construction entreprise en l'an 1669 à la demande des habitants de Ferrières pour parer aux inconvénients ci-dessus il convient de préciser qu'en 1595, un prêtre généreux avait doté Ferrières d'une chapelle St-Fiacre.

Voici comment cet événement est relaté :

Messire Jean Rognion prestre demeurant à Ferrières a fait construire et bâtir une chapelle en l'honneur de Saint-Fiacre, assise dite ville en la rue de Bourienne qu'il a légué et donné au sieur Curé de Ferrières et ses successeurs pour en jouir à perpétuité en tout fruit. Et a, ledit Rognion, légué à ladite chapelle un jardin attenant à icelles, tenant d'un long audit Rognion, d'autre à Jean Lemaire, d'autre à ladite chapelle et rue de Bourienne ; plus a donné à ladite chapelle une rente annuelle à prendre sur une maison et jardin, assise en Terre chaude, à lui appartenant, tenant d'un long au bied du Moulin de Saint-Eloy, d'un bout à Guillaume Besnard, d'autre au chemin de la Poterne, au gué dudit bief. A charge que ledit Curé et ses successeurs seront tenus de faire dire et célébrer annuellement le Vigile Saint-Fiacre et Vespres à ladite chapelle et le lendemain matin une messe solennelle et vespres, et le lendemain trois grandes messes et vigiles pour le donataire, le tout suivant le contrat qui a été fait et passé par devant Maître Estienne Jacquemain, notaire Royal à Ferrières le 25 août 1595.

Cette première chapelle Saint-Fiacre due à la générosité du sieur Rognion fut donc octroyée aux Curés de Saint-Eloy qui en assumèrent les charges jusqu'en 1652. Mais à cette époque une requête ayant été présentée à l'archidiacre, celui-ci dressa le procès-verbal ci-dessous transcrit :

Nous archidiacre du Gastinais faisant notre visite en l'église saint- Eloy de Ferrières, sur la remontrance qui nous a été faite d'une fondation onéreuse de la chapelle saint-Fiacre, en ce que les services et messes dont la dite église Saint-Eloy est chargée excèdent de beaucoup les deniers qui en proviennent et mêmement absorbent tout le profit qu'en devrait revenir. Après avoir ouï sur ce, le sieur Curé dudit Saint-Eloy (on sait qu'il s'agit du sieur Pillé), le sieur Procureur Fiscal dudit Ferrières et quelques paroissiens, avons ordonné que le service accoutumé d'être célébré au jour et fête de Saint-Fiacre sera continué et que, quant aux messes basses par chacun lundi de l'année, la dite Eglise en demeurera déchargée. Et pour ce, seront seulement célébrées trois messes des défunts le lendemain de la dite fête de Saint-Fiacre. Pour lequel service du jour de Saint Fiacre, Vigiles et messes sus-dites sera payé du sieur Curé pour le dite Fabrique de Saint-Eloy la somme de cent sols par chacun an. Donné au cours de notre visite ce vingt quatrième juillet mil six cent cinquante et deux. Signé: De Villemont archidiacre du Gastinois.

A la suite de ce mandement, il semble que cette chapelle, peut-être en raison de la cessation de l'office hebdomadaire du lundi (messes basses) ou peut-être comme n'étant point de dimensions suffisantes ne fut plus guère fréquentée. Peut-être également parce que on cessa totalement d'y effectuer les réparations nécessaires à son entretien, celles-ci étant considérées comme trop onéreuses. On sait qu'en 1652 elles coûtèrent plus de 32 livres.

Il me semble que c'est là qu'il faut voir l'origine du nom de la rue du Petit Saint-Fiacre, pour désigner la voie aboutissant à la première chapelle de ce nom, par opposition avec la seconde, de dimensions plus respectables, dont le besoin se faisait sentir -si la construction en tarda jusqu'en 1669, ainsi qu'on l'a vu plus haut, dès le 23 février 1656 par un codicille à son testament Dame Jeanne de Long pré Veuve de feu Michel Desbordes en son vivant président du grenier à sel de Montargis imposait paiement par ses nièces, héritières, de la somme de cinquante livres tournois pour aider à bâtir et construire la chapelle Saint-Fiacre. Cependant, les fonds ayant probablement manqué la dite chapelle n'était point dans un état décent. C'est pourquoi en 1765 au cours d'une visite à Ferrières, Monsieur l'abbé de Gabriac, archidiacre du Gastinois, ordonna qu'elle serait réparée aux dépens de la Fabrique. Ces réparations furent faites et furent onéreuses. Néanmoins il sembla au Curé et aux habitants qu'il serait bon de joindre à cette chapelle une petite sacristie où le prêtre et ses assistants pussent se recueillir et s'habiller au lieu de le faire à l'autel et devant le peuple, et où lion put placer les linges et ornement d'Eglise. Il fut arrêté que cette sacristie serait construite à côté de cette chapelle et sur le terrain qui en dépend. Les religieux bénédictins laissèrent finir la maçonnerie de cette sacristie, et lorsqu'on se préparait à en finir la charpente, ils firent, le 1 5 mars 1767, assigne les Marguilliers aux requêtes du Palais sous le nom de leur abbé qui paraît y avoir droit de commitimus pour être condamnés à démolir cette sacristie. Cette assignation produisit l'effet qu'ils s'en étaient promis, et quoiqu'il n'y eut pas la moindre apparence de fondement à leur prétention, puisque le terrain sur lequel on avait construit cette sacristie dépend de la chapelle, les habitants préférèrent sa destruction à un procès et la sacristie fut détruite.

En 1766, au cours de la visite de l'archidiacre, le Curé, qui était alors Pierre Lemaire, et les habitants assemblés, lui demandèrent :

1) Qu'il fut permis au Curé de conserver le Saint Viatique dans cette chapelle ainsi réparée pour le soulagement des malades et l'édification des fidèles,

2) Que la première messe qui se disait chaque jour de fêtes et dimanches en l'église paroissiale, à six heures du matin, qui n'est point messe fondée et à laquelle personne n'assistait tant à cause de l'éloignement, que parce que les Bénédictins acquittent en leur abbaye à la même heure, une messe fondée. Je dis en cette chapelle à 7 heures pour le plus grand avantage des habitants (ainsi s'exprimait l'auteur de la requête, le curé Lemaire)

Monsieur l'archidiacre déclara qu'il n'avait pas le pouvoir de permettre le dépôt du Saint Viatique en cette chapelle, qu'il fallait s'adresser à cet effet à Monsieur l'Archevêque. A l'égard du changement de l'heure et du lieu pour la première messe, le Cellérier de cette abbaye, présent à cette assemblée, s'y opposa si fortement, sans donner cependant aucune raison valable, que monsieur l'archidiacre, logé à l'abbaye, n'osa désobliger ses hôtes et se contenta d'ordonner que cette messe se dirait à sept heures dans l'église paroissiale. Cette messe est pour ainsi dire perdue pour les habitants, et cependant ils n'ont osé s'en plaindre. Le plus intéressant pour les habitants était sans doute d'avoir le Saint Viatique dans cette chapelle, dans le sein de leur ville, ils présentèrent à cet effet à S.A., Mr le Cardinal de Luynes, archevêque de Sens, une requête dans laquelle ils avaient détaillé les inconvénients qui résultaient fréquemment du trop grand éloignement de l'église paroissiale. Les Bénédictins ne l'eurent pas plus tôt appris, qu'après avoir tancé ceux des habitants dépendant d'eux, qui avaient signé cette requête, qu'ils députèrent à Mr le Cardinal de Sens leur cellérier. Ce religieux eut le bonheur de persuader Monsieur le Cardinal, et depuis ce temps il n'a plus été question de la requête. Les habitants n'ont point eu de réponse et les Bénédictins se sont fait gloire d'avoir mis obstacle à l'accomplissement d'une œuvre aussi salutaire. Quel triomphe! Et l'auteur de ces lignes, le Curé Lemaire, s'exprimait ainsi pour en terminer à ce sujet :

Les premiers succès ont enhardi les Bénédictins, la patience des habitants leur a fait croire que ceux-ci étaient nés pour la servitude et qu'avec eux, on pouvait tout oser. "

Les reliques de Saint-Fiacre, enfermées dans un reliquaire d'argent doré, étaient en l'Eglise Saint-Eloy à côté du reliquaire semblable contenant celles de St-Eloy. Nous avons vu précédemment que le Curé Lemaire avait fait exécuter de grands travaux à l'Eglise Paroissiale, il en fut de même pour la chapelle Saint-Fiacre. Il fit reculer l'autel, fit faire une armoire ainsi qu'un autre petit meuble, un petit dais, une chaire, un confessionnal et des bancs ainsi qu'un clocheton au-dessus de la dite chapelle. Voici à ce sujet la délibération de l'assemblée du 23 février 1766 :

" Le Marguillier a été autorisé à faire emplette de deux ornements, l'un noir, l'autre tricolore, d'une chaire à la chapelle Saint-Fiacre, de bancs aux enfants de chœur etc. Comme aussi de faire faire un dôme pour mettre la cloche au dessus de Saint-Fiacre. "

On fit l'acquisition d'une nouvelle cloche et le six mai mil sept cent soixante dix, eut lieu par Lemaire, Curé, assisté de Noirat, vicaire, le baptême de la dite cloche destinée à la chapelle Saint-Fiacre, sous les noms de Pierre Judes et Mathurine. Le parrain fut Judes Bordier, Marguillier , marchand tanneur et ancien échevin, et la marraine Louise Mathurine Simon, sa femme.

En ce qui concerne les demandes contenues dans la requête adressées par les habitants au Cardinal Archevêque de Sens relatée d'autre part, il semblerait que le Curé Lemaire ne se tint pas pour battu et qu'il revint à la charge dans les années suivantes, pour obtenir gain de cause. Un bref résumé de ce qu'il fit pendant ses vingt trois années de sacerdoce à Ferrières mentionne en effet :

Il a obtenu la permission d'exposer à Saint-Fiacre et d'y conserver le Saint-Sacrement et d'y dire la première messe les fêtes et dimanches. "

Il convient d'indiquer en terminant que c'est à Saint-Fiacre qu'étaient adjugés chaque année soit au mois de mai ou au mois de juin, un dimanche et à une heure de l'après-midi, par le notaire royal de Ferrières, la récolte des prés appartenant à l'Eglise et Fabrique de Saint-Eloy de Ferrières, à la requête du principal Marguillier, et en présence du Curé de la dite paroisse. Le prix d'adjudication était payable au dit Marguillier au jour et fête de Saint-Rémy. La criée en était faite par l'huissier du bailliage. En 1739 cinq arpents furent adjugés à Louis Lepage de Lingerville Lieutenant à la chasse et plaisirs de S.A.S. Monseigneur le Duc d'Orléans, demeurant à Montargis. Le montant total de la vente en 1739 fut de 1310 livres.


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