Une
lettre de Philippe Egalité à sa maîtresse par Gaston Leloup |
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Le château de
Cepoy |
Cet article est extrait du Bulletin de
la S.E.M. N°31, juin 1975 |
En juin 1958 fut dispersée à la salle Drouot la collection d'autographes de Patrice Hennessy. Parmi ces documents fut trouvée une lettre inédite de Philippe Egalité de septembre 1793, adressée à la citoyenne Cepoy. L'ex-duc d'Orléans était alors enfermé au fort Saint Jean de Marseille.
"Vos lettres me parviennent, chère et tendre amie, très exactement... Que
Vous êtes aimable, que je vous aime et vous estime ! Vous ne pouvez pas
vous faire une idée du calme que répand dans mon âme de vous lire. Je ne
comprends pas que vous n'ayez pas trouvé de lettres de moi à votre arrivée à
Paris ; pourquoi vous refuserait-on le bonheur de me lire et m'entendre vous
dire que rien au monde n’est comparable à la tendresse que j’ai pour vous.
Vous le savez bien, mais il me serait doux de penser que je puis le répéter
tous les jours."
Ses
châteaux du Raincy et de Montceau sont mis en vente et Philippe Egalité
poursuit :
"Quelque
lieu que j'habite, quelque fortune que j’aie pourvu que ce soit avec vous, chère
et bien aimée Fanny, et que je n'aie pas la douleur de penser que les gens qui
m'étaient attachés et que j’aime sont dans la misère et le besoin... Je ne
demande rien d’autre chose au ciel, il me l'accordera : je serai réuni à ma
Fanny avec mes deux enfants, et si je n'en meurs pas de joie je passerai le
reste de mes jours, heureux et tranquille, uniquement occupé de son bonheur.
Adieu, chère amie, que je vous aime…
Philippe Egalité"
Ces
deux personnages se rattachent de près à notre région. En effet, Philippe
Egalité était le seigneur apanagiste de Montargis. Quant à sa maîtresse,
Fanny, c’était en réalité Marguerite Françoise Bouvier de la Mothe de
Cepoy, fille de Guillaume François, deuxième marquis de Cepoy, et d'Elisabeth
Amaranthe Jogues de Martainville. Elle avait épousé, le 5 janvier 1784,
Georges Louis Marie Leclerc, comte de Buffon, né en 1764. C’était le fils du
célèbre naturaliste que Rivarol appelait : "Le plus mauvais chapitre de
l'Histoire Naturelle de son père". Peu de temps après son mariage, elle
devint la maîtresse du Duc d’Orléans et eut sur ce dernier une grande
influence. Elle en eut un fils, Victor Buffon, mort capitaine de Dragons en
Espagne.
Après
l'exécution de Philippe d’Orléans, elle divorça le 14 janvier 1794. Comme
son amant, son ex-mari périt sur l'échafaud le 10 juillet 1794 (22 messidor,
fournée qui comprit bon nombre de nobles et anciens officiers ainsi que
quelques prêtres, il est enterré dans la fosse commune de Picpus, avec le curé
de Pressigny, Michel Claudel, mort huit jours plus tôt, voir Bull. S.E.M. n°
29 p. 25).
Ses
contemporains admiraient sa grâce naturelle, son nez mutin, ses admirables
cheveux blonds et sa taille divine, qui faisaient passer son manque d'esprit :
"Si vous saviez comme elle est bête et comme cela est commode, disait
Lauzun, on peut parler devant elle de choses fort importantes avec une sûreté !"
Elle se remaria en 1799 avec Julien Raphaël Renouard de Bussière et mourut en
1808, laissant deux enfants de son deuxième mariage.
Sources:
Bull. S.E.M. 1928 p. 144.
Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, LXX, XVIII, 784.
Miroir de l'Histoire, n° 104, août 1958.
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