Cahier des doléances que le
clergé du bailliage de Montargis
|
|
voir
aussi : |
Le clergé du bailliage
de Montargis n'a pu lire sans attendrissement la lettre du Roi pour la
convocation des États généraux.
Il a été sensiblement touché des
peines occasionnées par les troubles publics, peines que Sa Majesté avoue
qu'elle ressent depuis longtemps.
Pénétré de l'amour le plus tendre
et le plus respectueux pour un monarque qui ouvre son cœur à ses sujets avec
tant de confiance, le clergé supplie Sa Majesté d'agréer sa vive
reconnaissance et ses très-humbles actions de grâce, pour le bienfait qu'elle
accorde à la nation par la convocation des États généraux : il s'empresse
aussi de répondre à cette confiance, en offrant au Roi sa reconnaissance et
ses vœux : 1° sur la constitution de l'État, 2° sur la religion, 3° sur les
finances et les impôts, 4° sur l'administration de la justice, 5° sur les
autres besoins du clergé et du peuple.
CHAPITRE PREMIER. |
Qu'il plaise à Sa Majesté d'honorer d'un regard de
bienveillance la protestation solennelle que fait le clergé de vouloir que
la monarchie soit telle qu'elle a toujours été reconnue, c'est-à-dire
composée, sous le monarque, de l'ordre du clergé, de l'ordre de la
noblesse et de l'ordre du tiers-état ; de ne pas souffrir que, dans aucune
occasion ni sous aucun prétexte, il soit porté atteinte au principe sacré
que nous professons, que le Roi est le seul souverain et législateur du
royaume ; qu'à la maison de Bourbon appartient le droit successif et
héréditaire à la couronne ; proteste de plus, le clergé, qu'il réprouve
et condamne tout projet et tout discours qui s'éloignerait du respect dû
au chef de la nation ; que loin de prétendre que les prières du peuple
soient des droits, le clergé se plait à adopter le doux nom de doléances,
employé par nos ancêtres, comme le cri de la douleur et l'expression de la
tendresse d'enfants affligés qui attendent tout d'un père qui les aime.
Les États généraux constateront, dans la forme la plus
authentique, le droit qu'a la nation d'accorder ou de refuser l'impôt,
lequel ne pourra jamais être consenti que par ces États généraux
légitimement assemblés, et que cesdits impôts seront répartis, par
égale portion, sur les individus des trois ordres, proportionnellement à
la valeur de leurs biens.
Qu'ils assureront toutes les espèces de propriétés des
trois ordres, ainsi que la liberté légitime et individuelle des citoyens,
qui ne pourront être traduits que devant leurs juges naturels.
Qu'ils demanderont des États particuliers pour chaque
province ; qu'il leur sera donné une forme stable, et que l'étendue de
leur pouvoir sera fixée.
Que le retour des États généraux soit assuré à des
époques certaines, et que tous les préposés au maniement des deniers
publics y soient comptables de leur gestion.
Qu'aucune loi pécuniaire, ou touchant les propriétés ou la sûreté des citoyens, ne pourra être exécutée dans le royaume, qu'elle n'est été enregistrée, soit dans les États généraux, soit dans tout autre espèce de tribunal qu'ils auront consenti pour les suppléer, dans l'intervalle d'une tenue à une autre.
CHAPITRE II. |
Notre religion sainte ayant une pureté qui ne souffre
point d'alliage, qu'il soit demandé au Roi que, fidèle au serment de son
sacre, il ne permette, dans toute l'étendue de son royaume, l'exercice
public d'aucune autre religion que de la catholique.
Que Sa Majesté soit suppliée d'assembler un synode
national, auquel assisterons des curés et des docteurs choisis par les
diocèses, et qui représenteraient, pour ainsi dire, les États de la
religion, dans lequel il sera statué sur les mariages mixtes entre les
catholiques et non catholiques. Il sera discuté et décidé si, sans
blesser le respect dû au souverain pontife, auquel le clergé de France
sera toujours sincèrement et fidèlement attaché, il convient de fixer les
degrés nécessaires pour les dispenses de parenté et d'affinité ; de
supprimer ou diminuer les frais des unes et des autres ; de restreindre le
nombre de fêtes, afin d'établir sur tous ces points l'uniformité dans le
royaume ; de détruire les communautés religieuses, et, en ce cas, quel
emploi on fera de leurs biens, et généralement tous les autres objets qui
tiennent à l'ordre ecclésiastique.
Qu'il soit fait instance pour qu'aucune personne ne soit
admise à enseigner, même les premiers éléments, sans faire profession de
la religion catholique ; que l'enseignement général des diocèses soit
soumis à l'autorisation des évêques, et l'enseignement de chaque canton
à l'enseignement des curés, de peur que, par le mélange que va introduire
la concession de l'état civil donné aux protestants, il ne se glisse des
instituteurs non catholiques.
Comme il y a peu de communautés de campagne où il ne se
trouve quelques bons religieux qui s'occupent de la première instruction
des enfants, au grand avantage des peuples et même de l'état
ecclésiastique, auquel ce zèle a quelque fois procuré des sujets utiles,
il serait à propos d'étendre les effets de ce zèle en l'encourageant ; en
conséquence, le clergé désire qu'il soit permis aux religieux d'établir
dans leurs maisons, autres que celles auxquelles les cures sont attachées,
une école gratuite qui sera tenue par un religieux bien plus capable que
les maîtres ordinaires de déraciner les préjugés, de détruire la
superstition, d'inspirer non-seulement la religion, mais encore la probité,
dont les principes ne sont pas assez développés dans les campagnes, ce qui
cause presque tous les procès ; et enfin de leurs donner des notions plus
exactes sur l'agriculture et le commerce.
Que Sa Majesté soit suppliée d'employer plus de sévérité contre les auteurs et vendeurs de livres si multipliés, également attentatoires à la sainteté de la religion, à la majesté du trône et à la pureté des moeurs ; et puisque les auteurs ne se regardent pas comme punis par la condamnation de leurs ouvrages, qu'ils soient soumis, jusqu'à résipiscence, à d'autres corrections humiliantes.
CHAPITRE III. |
Les emprunts qui ont été ouverts en différents temps
ayant été remplis de bonne foi, que la dette nationale soit consolidée,
reconnue et déclarée dette de l'État, et qu'ainsi la banqueroute,
ce mot odieux, ne tache jamais le nom français.
Que le clergé surtout, qui a prêté son crédit à
l'État dans des temps malheureux, ne soit point chargé de la dette énorme
contractée sous son nom.
Le clergé ferait volontiers le sacrifice du privilège
de s'imposer lui-même et consentirait à payer comme la noblesse ; mais
s'il conserve ses anciennes formes, qu'il soit du moins, sous la sanction du
Roi, introduit dans l'exercice de ce privilège un ordre et une police qui
en règle et assure l'exécution.
En conséquence, que les chambres ecclésiastiques, pour
représenter convenablement et suffisamment les contribuables, soient
composées, outre l'évêque président et le vice-président qu'il nommera,
d'un syndic à la nomination de la chambre, d'un chanoine de la cathédrale,
d'un autre pris dans les collégiales, d'un abbé ou d'un prieur
commendataire, d'un religieux renté, tous choisis dans ceux qu'ils
représentent, et d'un curé par chaque archidiaconal ou par chaque
district, appelé de quelque nom que ce soit, selon la division adoptée par
les diocèses, et que les chefs de ces districts, qui se nomment doyens dans
le diocèse de Sens, soient choisis par les curés qui les composent.
Afin qu'il n'y ait rien d'obscur et de mystérieux dans
la régie de cette administration, que tous les ans il soit envoyé à
chaque personne payant décimes, non-seulement sa propre taxe, mais encore
la liste des contribuables, avec leur imposition.
Et de peur que le privilège de s'imposer ne devienne
onéreux, par la condescendance qu'aurait l'assemblée générale de charger
le clergé, comme elle a fait jusqu'à présent, d'une dette effrayante,
qu'il soit admis dans le second ordre de ces assemblées au moins les deux
tiers de curés choisis par leurs confrères, et qu'il ne soit accordé
aucune rétribution aux membres de cette assemblée générale qui
possèdent des bénéfices autres que les cures.
Fidèles à conserver les marques de considération qui lui ont été transmises, le clergé portera volontiers les mêmes charges que le peuple, pourvu qu'elles soient dépouillées de l'espèce d'avilissement que l'opinion leur prête. Ainsi il se soumettra à la corvée, au logement des gens de guerre et autres assujettissements, quand ils auront été convertis en argent.
CHAPITRE IV. |
Que le travail commandé par Sa Majesté, et déjà
commencé pour la réformation de la justice civile et criminelle, soit
continué avec persévérance jusqu'à conclusion définitive ; désire
surtout, le clergé, qu'il soit trouvé des moyens d'abréger les procès ;
qu'il y ait pour les frais une taxe claire, et dont les abus pourraient
aisément se vérifier ; qu'ils soient, s'il est possible, proportionnés à
la valeur en litige, et surtout que les ressorts des premiers tribunaux
soient rendus moins étendus.
Que l'administration de la justice soit confiée à des
hommes éclairés et exempts de tout soupçon d'intérêt. Pour cela que les
études du droit soit suivies plus exactement ; que les degrés soient le
prix de l'assiduité et de la capacité, et que la vénalité des charges
soit abolie.
L'amas de plusieurs lois et de plusieurs coutumes qui
régissent souvent une même province, devient le désespoir de ceux qui
sont forcés de s'engager dans cet obscur dédale ; que le Roi soit supplié
d'ordonner qu'il n'y ait désormais qu'une loi et coutume, du moins dans
chaque province, comme il serait à désirer qu'il n'y eût qu'un poids et
une mesure.
Que Sa Majesté daigne aussi ordonner que le texte de
plusieurs lois obscures soit éclairci ; entre autres, celle qui exempte les
défrichements de dîme pendant quinze ans ; que les lois anciennes, presque
tombées en désuétude, soient remises en vigueur, notamment celle contre
les banqueroutiers, dont les coupables manoeuvres désolent les honnêtes
commerçants.
Il n'y a pas d'endroit où le seigneur, le curé et quelques notables ne puissent former un comité de conciliation qui règlerait les contestations subites et arrêterait les procès dans leur principe ; qu'il plaise au Roi d'établir ces espèces de tribunaux domestiques, qui jugeraient sans frais les affaires sommaires, lesquelles viennent quelquefois plutôt de pique que d'intérêt ; mais qui les jugeront avec une légère amende applicable aux besoins de la paroisse.
CHAPITRE V. |
SECTION PREMIÈRE.
Doléances pour le clergé.
Pour couper la racine des procès, et rendre la gestion
des cures moins embarrassante, à mesure que vaqueront les bénéfices
simples qui partagent les dîmes avec les curés, que la totalité des
dîmes soit attribuée aux curés, qui en feront aux futurs possesseurs une
rente fixée pour toujours.
Que l'abonnement de l'ordre de Malte soit supprimé, et
que ses biens, qui paraissent pouvoir recevoir une taxe supérieure à
l'abonnement, viennent à quelque décharge de ceux du clergé.
Que Sa Majesté soit suppliée d'ordonner qu'il sera pris
sur les bénéfices à sa collation des fonds destinés, ou à établir des
maisons de retraite pour les curés et vicaires vieux ou infirmes ou à leur
faire des pensions ; et que ces différentes faveurs soient accordées sur
le voeu de la chambre ecclésiastique du diocèse, composée comme il est
porté dans l'article 3 du chapitre des finances et impôts.
Que cette chambre ecclésiastique, composée comme il est
dit, soit autorisée à présenter tous les ans à Sa Majesté un curé
distingué par ses vertus et ses talents, pour être promu à une dignité
prééminente, ou être gratifié d'un bénéfice qui lui procurerait un
repos honorable ; grâce très-propre à ouvrir une plus grande carrière
d'émulation dans l'ordre le plus laborieux du clergé.
Que les cures trop médiocres soient augmentées par
quelque moyen qu'on trouvera convenable, de manière qu'il n'y en ait pas
une au-dessous de 1,500 livres dans les campagnes, et de 2,000 livres dans
les villes, et en général, que l'on augmente en proportion de la
population et de l'importance des paroisses ; que les cures bornées au
moindre de ces revenus ne soient point grevées de la charge des vicaires,
s'ils sont nécessaires ; et aussi que, moyennant ce revenu, il n'y ait plus
de casuel forcé, et que les honoraires des vicaires soient au moins de 600
livres dans les campagnes, et de 800 dans les villes.
Que l'arrêt qui, sous prétexte de tarir la source des
procès, adjuge la totalité des novales aux gros décimateurs, soit
anéanti, comme ayant été sollicité sans appeler les curés à défendre
leur cause, et obtenu contre leurs intérêts et ceux de l'agriculture.
Qu'il soit défendu aux filles, ou qui sont religieuses,
ou qui sont seulement honorées de cet habit, d'errer dans les provinces,
exposées au danger et à la dérision ; que les couvents, forcés
d'employer cette ressource humiliante, soient mis par d'autres secours à
l'abri du besoin ; qu'il soit de même pourvu au nécessaire des religieux
mendiants, et que leur zèle à aider les curés dans l'exercice du saint
ministère soit encouragé par d'autres moyens, au jugement de l'évêque et
de la chambre ecclésiastique ; objet qui pourrait être rempli par la
réunion de quelques bénéfices simples à leurs maisons.
Dans les paroisses de campagne, les administrateurs des
fabriques peu instruits, négligent de faire leurs oppositions aux
hypothèques, d'où il arrive que les petites rentes des églises se
perdent. Comme ce malheur vient surtout du changement annuel des
marguilliers, qu'on ne peut empêcher, il est à désirer qu'il soit donné
à l'édit une interprétation qui dispense les fabriques de cette
formalité, et que les débiteurs des rentes foncières dues à l'Eglise,
qui ne retenaient pas autrefois les vingtièmes et autres impositions, ne
puissent non plus les retenir actuellement.
Que le Roi soit supplié de donner aux rituels et autres
règlements des évêques, en matière de police mixte, une exécution
provisoire, de manière que, jusqu'à sanction définitive, les juges
laïques soient obligés de prononcer conformément à ces règlements.
Que les officialités soient conservées dans tous leurs
droits et leur autorité, principalement en matière criminelle ; privilège
qui n'est pas plus étrange que celui de la noblesse de porter ses causes
capitales, même en première instance, aux grand'chambres des parlements ;
privilège dérivé sans doute du même principe, savoir du désir de
soustraire les accusés aux jugements précipités que l'envie et la
jalousie contre les deux ordres pourraient provoquer.
Quand une église tombe en vétusté, ou qu'elle est détruite par le feu du ciel, inondation, ou d'autres accidents qu'on n'a pu prévoir, il serait injuste d'en exiger la reconstruction des curés décimateurs et de la paroisse, que cette charge ruinerait ; désire, le clergé, que dans ces circonstances il soit sollicité, par la chambre ecclésiastique du diocèse, un secours que Sa Majesté daignera accorder sur les économats ou autres fonds qu'il lui plaira.
SECTION II.
Doléances pour le peuple.
Le Roi voulant être instruit non-seulement des maux et des besoins, mais encore des voeux et des désirs, principalement de la classe indigente du peuple, classe infortunée, que Sa Majesté ne peut atteindre que par son amour, elle daigne solliciter les lumières des curés, confidents naturels du peuple qu'ils assistent dans ses peines ; et par là, elle autorise le clergé à lui présenter les moyens de diminuer les malheurs de cette classe presque délaissée, et de lui faire des espérances. Sensible à cette invitation honorable, le clergé s'empresse de présenter à Sa Majesté les maux et les désirs des peuples recommandés à ses soins.
Que la gabelle, cet impôt désastreux qui occasionne une
inquisition cruelle dans quelques provinces et des plaintes dans toutes,
soit supprimée.
Que les aides, dont la régie est mystérieuse,
tortueuse, insidieuse, qui gênent le commerce, et qui sont la source d'une
infinité de vexations et de procès, soient converties en un autre impôt
moins embarrassant, comme serait une taxe fixe sur les vignes ou sur les
vins au moment de la récolte ; taxe néanmoins qui ne serait payée que par
quartier.
Que les seigneurs soient obligés de faire payer les cens
et rentes dans l'intervalle de cinq ans, afin que les habitants de la
campagne, qui ne savent, la plupart, ni lire ni écrire, ne soient point
exposés à des recherches trop éloignées, ce qui compromet quelquefois
les seigneurs avec les curés, forcés d'éclairer et d'aider leurs
paroissiens, et rompt entre eux la bonne intelligence, si désirable pour
l'avantage des paroisses : que passé cinq ans, ce droit soit périmé pour
ce qui est échu seulement, et non pour l'avenir.
La garde de la chasse, presque toujours confiée, même
forcément, à des hommes brutaux, féroces, accoutumés au sang, qui ont
leur profit dans les captures, n'occasionne que trop souvent des malheurs
affreux, dont les seigneurs gémissent ensuite inutilement. Si, d'un côté,
il est important d'empêcher le braconnage, source d'une infinité de
désordres, il ne l'est pas moins de pourvoir à la sûreté et à la vie
des citoyens.
Avant la conversion du travail personnel de la corvée en
argent, on obtenait la décharge de quelques journées sur les chemins
royaux pour les chemins vicinaux, dont les plus mauvais étaient du moins
réparés ; maintenant que cette ressource manque, les chemins vicinaux sont
absolument négligés, et les communications deviennent impraticables. Pour
remédier à cet inconvénient, le clergé désire que le quart de la somme
levée pour la corvée de chaque canton soit appliqué à l'entretien des
chemins vicinaux.
L'art vétérinaire, institution de notre siècle, a
formé des hommes habiles dans les maladies des bestiaux, qui font la
richesse des campagnes ; qu'il plaise au Roi de les multiplier, de leur
assigner des appointements, et de leur faire distribuer des gratifications
prises sur les fonds libres des provinces.
Il serait bien plus satisfaisant pour le clergé
d'indiquer des moyens de détruire la mendicité, que de présenter des lois
pour la régler. Si on ne peut tout d'un coup établir des bureaux et des
ateliers de charité, il conviendrait, en attendant, de concentrer tous les
pauvres dans leurs paroisses et de ne leur permettre de mendier, dans son
étendue, que sur l'autorisation de la municipalité réunie ; et non de
chacun des membres successivement.
Mais le concentrement des pauvres, dans leur paroisse, ne
peut, en beaucoup d'endroits, s'exécuter, faute d'une puissance coercitive.
Les maréchaussées sont trop peu nombreuses et trop éloignées. Le clergé
demande qu'il y soit suppléé par une espèce de maréchaussée à pied,
comme pourrait être un détachement d'invalides encore capables de service
: il serait non-seulement de repousser les pauvres dans leurs territoires,
mais encore de découvrir les réduits obscurs du brigandage, de garder les
terres ensemencées ; peut-être pourraient-ils être employés plus
utilement, et sans danger, à la garde de la chasse ; chargés enfin
d'arrêter sur-le-champ les rixes fortuites qui, en se prolongeant,
deviennent meurtrières ; d'empêcher par leur présence d'autres désordres
trop communs entre gens grossiers, même lorsqu'ils s'assemblent pour leur
plaisir ; et pour prévenir, autant qu'il est possible, ces excès, que le
Roi soit supplié d'ordonner que les lois faites pour la célébration des
fêtes et dimanches soient observées plus exactement, et que dans ces jours
les cabarets soient fermés aux domiciliés.
Qu'à l'ordonnance qui prescrit le sort pour la milice,
il en soit substitué une autre qui autorise à choisir, dans la paroisse ou
au dehors, des hommes de bonne volonté, et que ce qui est actuellement
simple tolérance devienne une loi permanente qui signalera la bonté du
prince, assurera la liberté des citoyens et excitera une reconnaissance
générale ; mais qu'aucun garçon, sous prétexte de privilège, ne soit
exempt de l'épreuve du sort, si elle est conservée ; et si le choix est
préféré, qu'aucun des garçons ne soit exempt de la contribution qui
fournira un soldat à la patrie.
Attendu qu'il y a plus à craindre des prétendus
spécifiques et de l'impéritie des charlatans en général, qu'il n'y a à
espérer de l'efficacité des remèdes et de l'habileté de quelques uns
d'entre eux ; puisque aussi on ne peut détromper le peuple à qui son
erreur plait, il conviendrait de lui ôter du moins les occasions d'être
victime de sa crédulité ; qu'en conséquence, il ne soit accordé aux
charlatans ni permissions, ni privilèges, et que cette profession
dangereuse soit détruite.
Le moyen d'empêcher le peuple de regretter les charlatans, serait de répandre dans les campagnes plus de chirurgiens, et, surtout, des sages-femmes instruites ; les uns et les autres pourraient être acceptés au concours ; mais pour que ces places soient recherchées, il faut des fonds qui assurent les salaires, afin que les secours gratuits ne soient pas refusés aux plus pauvres. Le Roi sera très-humblement supplié d'imposer pour cet objet, sur les bénéfices qui payent déjà l'oblat, une rétribution qui soit pareille à cet oblat, lequel a été le premier fonds des invalides.
L'amour du bien, qui animera les
États généraux, fera découvrir d'autres abus, et en même temps les moyens
efficaces d'y remédier. Le clergé du baillage de Montargis n'a fait que les
esquisser et les laisser entrevoir ; mais ils s'étendront et acquerront plus
d'éclat à l'aide des talents et des lumières réunis dans cette auguste
assemblée. Entre ces moyens, le clergé a cru devoir préférer ceux qui ont
paru les plus propres à alléger les maux sans exciter une commotion trop vive,
et sans attaquer les propriétés ni les personnes.
Fidèle à ces principes de
modération, le clergé recommande à celui qui sera son député de se tenir
également en garde contre les insinuations frauduleuses et contre la vivacité
pétulante qui, en présentant l'appât du plus grand bien, entraîne
quelquefois dans des partis extrêmes ; de montrer et d'inspirer dans toutes les
occasions l'impartialité, la douceur, l'esprit de paix et de conciliation qui
conviennent à son représentant ; de seconder avec empressement tous les
projets et les efforts tendant au soulagement du peuple ; de porter au fond du
coeur, et de témoigner, en toutes circonstances, l'amour le plus sincère et le
plus respectueux pour la personne sacrée de Sa Majesté, un zèle ardent pour
les intérêts de la religion, et de se joindre hautement à ceux qui
professeront ces sentiments.
Le 20 mars 1789, à l'heure de six du
soir, par devant nous, Jacques Taillandier, prêtre, curé de Triguères,
président de l'ordre du clergé, assisté de maître Jean-Baptiste Paulmier,
prêtre, secrétaire de l'ordre du clergé, l'assemblée du clergé, tenante
dans la grand'salle du collège RR. PP. Barnabites, indiquée par M. le grand
bailli d'épée, pour la tenue des assemblées du clergé, le présent cahier
réduit sur tous ceux qui ont été présentés à l'assemblée par MM. les
commissaires nommés à cet effet, ainsi qu'il est constaté par le
procès-verbal des opérations de l'assemblée, a été présentement lu à
haute et intelligible voix, discuté article par article, et consenti dans tous
ses points par toute l'assemblée ; en foi de quoi tous les membres ont signé
avec nous.
Retour |