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Cahier
des plaintes,
doléances et remontrances du tiers-état
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voir
aussi : |
La nation doit au
Roi le plus signalé des bienfaits ; sa première expression doit être celle de
la reconnaissance la plus vive et la plus respectueuse.
Les députés du baillage sont
chargés d'en déposer l'hommage aux pieds du trône ; ils y joindront celui de
l'entier dévouement des fidèles communes du baillage de Montargis et de leurs
dispositions à concourir en tout ce qui dépendra d'elles à l'exécution des
vues bienfaisantes dont Sa Majesté est animée pour le soulagement de son
peuple et la prospérité du royaume.
Les communes du baillage de Montargis
ont arrêtées en conséquence :
Qu'à l'ouverture des États on votera des remerciements au Roi qui a adopté, aux corps qui ont sollicité, aux princes et ministres qui ont conseillé à Sa Majesté le seul moyen de régénérer la nation et de remédier aux maux dont elle est accablée, en convoquant l'assemblée libre et nationale.
Que l'intention des communes de Montargis est que, sur tous les objets dont on aura à traiter, on opinera par tête et non par ordre, ne donnant pouvoir à ses députés de se prêter à aucun autre mode de délibération.
Que cette manière de délibérer soit regardée comme seule constitutionnelle, qu'elle devienne loi fondamentale contre laquelle il ne pourra, dans aucun temps ou sous quelque prétexte que ce soit, être formé aucune réclamation.
Qu'on s'occupera ensuite de convenir d'une constitution qui puisse ramener la monarchie à son état et à ses droits primitifs et imprescriptibles.
Que ce sera après ces préalables convenus et remplis que la nation pourra librement et sans contrainte s'occuper de la dette de l'État et des moyens qu'elle croira devoir adopter pour la reconnaître et en assurer la quotité et la liquidation d'une manière qui réponde tout à la fois à l'amour du peuple pour son Roi, à la dignité d'un grand royaume et à la confiance publique
Les communes de Montargis vont poser leurs voeux sur des objets aussi importants ; viendra ensuite l'exposé de leurs plaintes, doléances et remontrances, qu'elles espèrent que la bonté paternelle de Sa Majesté daignera accueillir et peser dans sa sagesse.
CHAPITRE PREMIER. |
Reconnaître le droit de la liberté individuelle de
chacun des sujets du Roi, qui ne pourront être arrêtés en vertu d'aucune
lettre de cachet, ni ordre ministériel, ni autrement, qu'en étant,
immédiatement après leur arrêt et détention, représentés par le juge
des cas royaux de leur domicile ou du lieu desdits arrêts et détention, et
remis dans la prison dépendante dudit juge à la première réclamation,
desquels ordres seront responsables ceux qui les auront délivrés et
sollicités.
Pourvoir à assurer de manière inviolable le secret dû
à la confiance publique dans le dépôt des lettres, qu'aucun motif, quel
qu'il soit, ne peut autoriser à enfreindre.
Déclarer que la sûreté des propriétés desdits sujets
du Roi consistera à ce qu'il ne puisse être établi aucun impôt, emprunt,
ni aucuns droits qui n'aient été préalablement consentis par l'assemblée
libre et constitutionnelle des États généraux du royaume.
Déclarer que, pour assurer d'autant plus les droits de
liberté et propriété et les principes de toute administration publique,
il sera libre à tous et chacun des sujets du Roi de faire et rendre publics
par la voie de l'impression tous livres, mémoires et observations sur les
modifications qui seront jugées convenables.
Ordonner que les États généraux du royaume assemblés
en la forme libre et constitutionnelle auront seuls le droit de consentir
toutes lois concernant la liberté et propriété des sujets du Roi ; que
pareille assemblée aura lieu périodiquement et à époque fixée par les
États actuels, qui ne consentiront les subsides et droits que jusqu'à
ladite époque, passée laquelle aucun percepteur ne pourra continuer sa
perception sous peine d'être poursuivi comme concussionnaire.
Que lesdits États généraux présentement assemblés
statueront sur les moyens d'établir, dans l'intervalle d'une assemblée à
l'autre, une représentation nationale libre et suffisante à laquelle
appartiendra seule la vérification et publication provisoires des lois,
sans que les cours souveraines puissent s'attribuer le droit de former
ladite représentation ou de la suppléer.
Que lesdits États généraux seront convoqués par
baillage dont les arrondissements seront formés de manière à éviter pour
l'avenir l'inégalité de la représentation actuelle, que le mélange et le
vice des arrondissements des ressorts tels qu'ils existent ont rendu
inévitables aux présents États généraux ; que les députés qui seront
pris moitié dans les ordres du clergé et de la noblesse réunis, et
moitié dans les communes, choisis, chacun par leur ordre respectif,
délibérant dorénavant suivant qu'il est statué pour la présente tenue,
en arrêtant pour toujours qu'aucun ne pourra, sous tel prétexte que ce
soit, être représentant pour lesdites communes, s'il n'est dudit ordre.
Qu'il sera même pourvu à ce qu'on ne reconnaisse à
l'avenir que deux ordres, l'un de la noblesse, l'autre des communes, dans
chacun desquels les sujets ecclésiastiques se rangeront selon leur
naissance.
Que tous privilèges relativement aux impôts et charges
publics et à la possession exclusive des dignités, charges et emplois
ecclésiastiques, civils et militaires seront supprimés ; qu'il en sera de
même des logements des gens de guerre dont on s'occupera de décharger les
sujets du Roi par rapport à leur tranquillité, en faisant quelque
établissement qui y supplée. En conséquence, que toutes les contributions
pour les chemins et ouvrages publics seront, ainsi que tous les autres
impôts et droits, supportés par toute personne sans distinction d'état,
naissance et qualité, et que les sujets des communes pourront concourir
avec les deux autres ordres à l'occupation de tous lesdits places et
emplois, dont leur mérite personnel les rendrait dignes.
Que les services forcés de la milice et du classement de
la marine seront entièrement supprimés.
Que toute charge qui confère la noblesse transmissible,
sera restreinte quant à son nombre, et qu'il sera mis de justes bornes aux
moyens trop faciles de les acquérir.
Qu'il sera établi dans chaque province, et
particulièrement dans cette province d'Orléans et dans celle de Paris, des
États librement constitués qui seront convoqués par baillages en la même
forme que les États généraux, tant par rapport à l'élection des
députés, que par rapport à l'égalité des territoires.
Que, pour y parvenir, lesdites provinces seront divisées
en baillages, et les baillages en municipalités ; que les territoires
desdits baillage seront arrondis, formeront des ressorts et districts égaux
dont le siège principal soit celui de la juridiction et de l'administration
dans l'étendue desdits ressorts et districts, et que les municipalités
seront aussi constituées légalement et librement, en accordant le droit
individuel avec le droit de la représentation, lesquelles municipalités
auront pour les administrer des officiers électifs dont les places ne
pourront être érigées en titre ni commission, et que celles présentement
érigées et vendues seront supprimées et remboursées.
Que lesdits États provinciaux seront renouvelés tous
les trois ans par une élection libre desdits députés, qui ne pourront
être continués ni réélus qu'après trois ans d'intervalle.
Que lesdits États auront le droit de répartir et
percevoir les impôts et droits dont ils répondront au trésor royal et
qu'ils y verseront, sauf la portion destinée à tous les ouvrages publics,
ainsi qu'à tout autre service de l'administration intérieure desdites
provinces qu'ils retiendront, qu'ils seront chargés de tout ce qui concerne
l'administration dans l'intérieur d'icelles, particulièrement des objets
dont l'administration était confiée aux intendants et tribunaux
d'exception, lesquels seront supprimés, ainsi que tous receveurs généraux
et particuliers des finances, sans que lesdits États puissent jamais
consentir aucun abonnement général ni partiel.
Qu'il sera établi une forme constante pour le service des troupes et tout ce qui concerne le pouvoir militaire, dans laquelle on observera de régler convenablement la solde des gens de guerre, la promotion aux grades et les récompenses militaires ; il serait à désirer qu'on pût concilier avec le service de paix le projet d'employer les troupes à la confection des ouvrages publics ; on y trouverait le double avantage d'une économie sur ces travaux et de voir mériter aux défenseurs de la nation l'augmentation du traitement dont le prix actuel des denrées parait prescrire la nécessité.
CHAPITRE II. |
Que le compte des finances sera mis sous les yeux des
États assemblés ; qu'on s'occupera de déterminer les charges de l'État
en recettes et dépenses de toutes natures en examinant toutes dettes,
rentes, traitements, pensions et dons, fixant toutes les dépenses, même
selon que les intentions que Sa Majesté a daigné manifester, celles
concernant les maisons du Roi et de la famille royale, lesquelles dépenses
seront réglées selon ce qui est dû à la splendeur du trône et à la
dignité des personnes ; que la dette nationale sera reconnue et assurée
sur le voeu des États généraux.
Qu'il sera fixé et attribué à chaque département une
somme pour son service, sans retard ni anticipation et en prévoyant les
dépenses extraordinaires ; de laquelle somme les ministres et les
sous-ordres seront comptables et responsables, de sorte que le compte puisse
en être rendu à l'époque qui sera fixée ; qu'il sera établi une caisse
générale où se fera le versement de tous subsides des provinces, et qui
distribuera aux différents départements les sommes qui lui auront été
attribuées ; que tous autres trésoriers seront supprimés.
Que lesdites dettes et charges ainsi fixées, on
établira les ressources de l'État :
- Par les bonifications à faire en supprimant toutes charges civiles et
militaires qui feront objet de dépenses sans objet de service réel.
- Par l'examen du produit des domaines et forêts dans lequel on s'occupera
de leur règlement par rapport aux principes de régie ou
d'inaliénabilité.
Le règlement des droits domaniaux, royaux et fiscaux,
tels que les francs-fiefs, échanges, centième denier, contrôle des actes,
insinuations, droits de greffe et des impôts sur les consommations, dans
lesquels droits et impôts on observera de modifier, même supprimer ceux
dont la perception attaque la sûreté et la tranquillité des sujets du
Roi, et nuit au commerce et à l'agriculture.
En conséquence, que l'on
supprimera le droit de franc-fief tant comme impôt distinctif des ordres et
avilissant, que comme nuisible au commerce des bien-fonds et d'une
perception oppressive, et celui d'échange qui, de toutes les opérations
rurales, est la plus favorable au progrès de l'agriculture, et qui
cependant est portée dans les généralités d'Orléans et de Paris à un
taux si excessif, que ce droit fiscal s'élève en quelque sorte au tiers de
la valeur foncière des objets échangés par la réunion du centième
denier, droit de franc-fief et de quint et requint, le plus onéreux dans la
féodalité.
Les droits de contrôle,
insinuation, timbre et greffe, comme attaquant la sûreté des conventions,
et s'opposant à tout plan équitable de l'administration de la justice,
sauf à prendre toutes les mesures convenables pour l'authenticité des
actes.
La gabelle qui a déjà été
considérée comme l'impôt le plus dur et le plus désastreux ; enfin les
droits d'aide dont l'exercice est un objet d'inquiétude continuelle pour
les redevables, et le prétexte de la violation des domiciles, et les droits
sur matières premières, comme fers, cuirs, et autres semblables qui sont
nuisibles au commerce et à l'industrie.
Que l'administration des postes et messageries sera
dégagée de tout ce que l'esprit de fiscalité y a introduit de contraire
à l'utilité de leurs services respectifs qui seront réglés et même
conciliés pour les plus grands avantages du public, en supprimant tout
droit de permission pour transport des voyageurs, que les postes et
messageries ne pourraient effectuer dans l'instant, et tous privilèges
exclusifs de tenir chevaux et voitures sur les routes.
Que les produits des droits conservés et autres non
dénommés, réglés et fixés, le surplus nécessaire pour acquitter la
masse des charges de l'État sera imposé sur les biens et l'industrie, en
supprimant tous impôts distinctifs tels que les tailles, capitation,
vingtièmes réels et d'industrie.
Que l'impôt sur l'industrie sera établi par des taxes
personnelles modérées dont on conciliera la quotité avec l'intérêt du
commerce, des arts, et surtout avec celui de supprimer tout arbitraire
absolu.
Que l'on fera en sorte d'imposer aussi les capitalistes,
à la décharge de la propriété, sans cependant nuire au commerce, et
d'établir quelques impositions sur les objets de luxe, sans attaquer
l'industrie.
Enfin, que l'impôt sur la propriété sera fixé en
raison de ce qui sera nécessaire pour subvenir aux besoins de l'État, et
qu'à cet impôt seront assujettis les biens de toutes personnes, sans
distinction d'état, naissance et qualité, même ceux des domaines du Roi
et des princes, lequel impôt, ainsi qu'il sera fixé en argent ou nature,
ne pourra être assis et perçu que par les États provinciaux et
assemblées subordonnées, sans que l'on puisse admettre aucun des
contribuables à s'acquitter par un abonnement.
Que le clergé sera sujet au même impôt sur tous biens
ecclésiastiques ou patrimoniaux de chacun de ses membres, et qu'en
conséquence les dettes de cet ordre seront liquidées et reconnues comme
charges de l'État ; et pour pourvoir à leur acquit et remboursement, tous
bénéfices simples, ordres et maisons religieuse qui n'auront pas pour but
de leur établissement d'aider les curés dans leurs fonctions et de
coopérer à l'éducation publique, ou qui se seront écartés de ces
différents objets de leur institution, ainsi que tous les établissements
pieux dont la fondation primitive ne pourra plus être considérée comme
objet d'utilité publique, seront supprimés, et que leurs biens seront
vendus, engagés ou régis par les États des provinces, qui seront aussi
chargés des biens des bénéfices ou établissements pieux supprimés ; il
sera aussi pourvu à tous établissements analogues dont la nécessité sera
indiquée, comme augmentation des cures, établissements d'éducation
publique et autres.
Que dans cette suppression on comprendra toutes chapelles et bénéfices de l'intérieur des grandes églises dont le service pourra être réuni auxdites églises, tous chapitres, autres que ceux des églises cathédrales dont les chapitres trop nombreux seront réduits, mais conformément à la dignité desdites églises.
CHAPITRE III. |
Que, pour l'abréviation des procès, l'on travaillera à
la réfusion et à la réunion des ordonnances en un seul corps de lois où
se trouveront insérés les codes civil et criminel et la réunion des
coutumes, autant qu'on pourra le faire sans blesser les moeurs et les droits
des différentes provinces, et telle au moins qu'il n'y en ait qu'une seule
dans l'étendue de chaque baillage, et à la constitution des tribunaux en
rapprochant les justiciables de leurs juges.
Pour les cours souveraines, réduire le ressort de celles
trop étendues et en établir où il sera nécessaire.
Pour les baillages, les arrondir et leur donner à tous le même degré de
juridiction, la même composition et particulièrement l'attribution
présidiale à chacun d'eux, en supprimant le titre de présidiaux.
Il serait intéressant que les justiciables n'éprouvassent que deux degrés
de juridiction ; c'est pourquoi il conviendrait bien d'établir dans les
ressorts des baillages des prévôtés royales ; dans tous les cas dont les
baillages connaîtraient souverainement, les justiciables seraient traduits
devant les prévôts royaux, et dans ceux excédant le pouvoir souverain
desdits baillages, les justiciables seraient traduits en première instance
devant lesdits baillages, en sorte qu'il n'y eût jamais qu'un appel de la
prévôté au baillage, et du baillage à la cour souveraine.
De constituer les baillages de manière à éviter le trop grand nombre
d'instructions des procès en réunissant les fonctions d'avocat et de
procureur.
Décider que les autres juges des campagnes seront
supprimés ou, en tout cas, ne seront conservés que comme juges de paix,
dont les seigneurs hauts justiciers auront seulement la présentation, qui
aura lieu aux baillages royaux, lesquels jugeront de la capacité des sujets
présentés qui ne pourront être destitués ni dans la dépendance des
seigneurs du lieu, à quelque titre que ce soit ; et que les justices de
paix et autres, ressortissant au parlement, seront soumises aux même
règles que les autres justices des seigneurs.
De supprimer tous tribunaux d'exemption et tous autre
tribunaux, magistrats et juges, dont les attributions seront réunies au
juge particulier et aux baillages et cours souveraines.
Supprimer également toute attribution particulière, commission et droit
d'en établir, supprimer tous privilèges de committimus, même ceux
des bourgeois de Paris.
Ordonner que tous magistrats et juges seront résidents
au lieu de leurs fonctions et que les cours souveraines ne pourront, dans
aucun temps, interrompre leur service, sous prétexte de délibérer sur les
affaires d'administration publique dont toute connaissance leur sera
interdite, et que les juges n'auront d'autres fonctions que celles de leur
place, sans néanmoins aucune exclusion individuelle des différentes
assemblées nationales, et ne pourront juger dans aucun cas que suivant la
disposition de la loi.
Que la justice consulaire sera réglée dans tous les
baillages et sièges sur le même plan, en y appelant les gens du commerce.
Réduire le nombre des charges de judicature et autres
suppôts de justice, en supprimant toutes celles qui n'ont été établies
que pour le produit de leurs finances, comme celle d'huissier-priseur et
autres semblables, et même prendre les moyens de détruire la vénalité
des offices de judicature, tel que celui d'une retenue de 5 ou 10 % à
chaque mutation, jusqu'à extinction du montant de la finance, et défendre
que les huissiers ne puissent exploiter hors de leur juridiction, même ceux
des juridictions de Paris.
S'occuper en particulier du règlement des hypothèques
et des consignations en conciliant l'intérêt du débiteur avec la sûreté
du créancier, le tout dégagé de tout esprit de fiscalité.
La police générale des cours dans leurs ressorts, sera
définie de manière à ne point préjudicier au droit de règlement et
d'inspection des baillages dans leur ressort, et le droit de juridiction
concilié partout avec le droit naturel et l'intérêt des communes de
régler et administrer la police particulière des lieux, le tout établi
par des règles sûres et claires qui prévoient, surtout, et empêchent
tout conflit de juridiction et d'autorité en cette matière.
Que la grande et petite voirie seront des objets de ladite police.
Envisager l'utilité et la possibilité de ramener, dans
l'ordre de la police et pour l'intérêt du commerce, les poids et mesures
à un point d'uniformité.
Prescrire un règlement général et une forme pour le
dépôt des minutes des actes des notaires et greffiers, dont il parait que
la sûreté ne peut dépendre, dans la province, que d'un dépôt établi
dans le chef-lieu du baillage.
En conséquence, la suppression du droit de tabellionage particulier.
Que les non nobles puissent occuper tous offices de cours
souveraines et même que la moitié desdits offices des cours leurs soit
affectée, ce qui s'exécutera, dans les cours à réformer et à créer, en
attribuant la moitié desdits offices aux non nobles, et dans les cours
subsistantes par mutation successive, sans pouvoir être anobli par
l'exercice de ces places.
Régler les peines par rapport à la nature des délits,
sans distinction d'ordre et de personnes, et prescrire tous moyens de
détruire le préjugé qui étend sur les parents des suppliciés le
déshonneur de la peine, en défendant à tous corps ecclésiastique, civils
et militaires de donner aucune exclusion pour ce sujet.
Que les ecclésiastiques seront désormais soumis, pour
leurs causes civiles et criminelles, aux mêmes formes et aux mêmes juges
que les autres sujets du Roi, dans tout ce qui ne sera pas de la discipline
ecclésiastique à laquelle sera restreinte leur juridiction, en abolissant
le privilège de l'instruction conjointe.
Prescrire des formes sûres et inaltérables pour la subordination de tous officiers civils de quelque rang qu'ils soient et le redressement de tous griefs contre eux ; et pour faire parvenir avec sûreté les plaintes des sujets du Roi de toutes les classes et de tous les lieux, envoyer chaque année des délégués qui rendront compte à qui il appartiendra du résultat de leur inspection.
CHAPITRE IV. |
Ordonner que le clergé du royaume n'aura plus le droit
de s'assembler en corps pour aucun autre objet que pour le règlement et la
maintien de l'ordre hiérarchique, sans pouvoir imposer sur ses membres
aucunes taxes, ni s'occuper de l'administration ailleurs que dans les États
généraux, dont les membres de cet ordre feront partie.
Que sans avoir égard au concordat, aucun membre du
clergé, ni autre sujet du Roi, n'aura recours à la cours de Rome pour
grâces expectatives, provisions de bénéfices, dispenses ou autres bulles,
ou mandats apostoliques, pour lesquels il ne pourra être exporté aucune
somme d'argent, non plus que pour les droits d'annales qui seront éteints ;
en conséquence, supprimer les offices d'expéditionnaire en cour de Rome.
Qu'il sera avisé aux moyens de réformer le clergé, en
ordonnant la résidence des évêques et ecclésiastiques dans le lieu de
leurs fonctions, la visite des évêques dans leurs diocèses, et autres
moyens de surveillance sur le ministère des ecclésiastiques.
Que les évêques ne réuniront aucun bénéfice à leur
évêché, et qu'on supprimera tout titre d'évêché qui serait insuffisant
par rapport aux fonctions et au revenu, tel que l'évêché de Bethléem à
Clamecy ; qu'aucun abbé, prieur et autre bénéficier ne pourra posséder
plus d'un bénéfice, et que chacun d'eux sera assujetti à résider dans
son bénéfice.
Que les ordres religieux en monastères seront réduits,
autant qu'il se pourra, à ceux nécessaires pour aider les curés dans leur
ministère et coopérer à l'instruction et l'éducation publiques ; que la
conventualité sera établie dans tous les monastères qu'on croira
nécessaire de laisser subsister en fixant le nombre des religieux et
donnant aux sujets des maisons supprimées la liberté d'entrer dans l'ordre
le plus analogue à leur inclination, ou de vivre dans le siècle avec
pension.
Que tous privilèges des ordres et maisons religieuses de
n'être soumis à l'autorité de l'évêque seront abolis, et qu'il sera
défendu aux ordres et maisons religieuses d'entretenir aucune relation avec
un chef d'ordre établi hors du royaume, sauf au clergé de France à
prescrire, à cet égard, des formes pour la police intérieure des ordres
et l'observation de la règle.
Qu'il soit pris tous moyens de procurer aux curés et
vicaires un sort convenable, relativement à l'importance, l'étendue et la
population des paroisses ; mais qu'on supprimera tous leurs droits casuels,
particulièrement ceux payés aux mariages et sépultures.
Que les curés appartenant aux ordres religieux seront
rendus aux ordinaires, et que tous religieux seront admis à se faire
séculariser et obtenir des évêques de l'emploi dans leur diocèse.
Qu'il sera pourvu à tous règlements sur les hôpitaux,
bureaux de charité et d'aumône, pour les rendre plus utiles par une
administration exacte, en établir où besoin sera et en tirer un parti tel
que, par les secours administrés aux malades et pauvres invalides et des
travaux procurés aux pauvres valides, on puisse extirper la mendicité ;
desquels objets l'administration appartiendra aux municipalités,
conjointement avec les curés des paroisses, et que lesdites municipalités
prendront, sous l'autorité des État provinciaux, les moyens nécessaires
pour procurer les secours qui manqueraient dans les paroisses.
Qu'il sera aussi pourvu par un règlement à la réforme
des universités, collèges, écoles, établissements pour l'instruction
publique, en étendant ou en resserrant les établissements selon qu'il sera
nécessaire pour concilier l'objet d'émulation, avec la facilité de
profiter des ressources qui se présenteront pour toutes les classes,
suivant leur état et facultés, et en réglant la forme des leçons et
instructions pour le plus grand avancement des sujets dans les sciences et
connaissances humaines.
Que dans les études des sciences nécessaires pour
exercer les états et professions de prêtrise, du droit, de la médecine et
des arts, il sera nécessaire d'avoir le temps d'études réglé, d'être
assujetti à des épreuves et examens non simulés, desquels temps d'étude
et examens l'on ne pourra être dispensé sous tel prétexte que ce puisse
être, et qu'il sera pourvu à ce que les professeurs soient appointés
suffisamment et de manière qu'ils ne puissent rien exiger, même recevoir
à titre de présent des étudiants, à l'occasion des certificats d'étude
et des examens ou épreuves, en quelque chose et faculté que ce soit.
Qu'il sera ajouté à la loi concernant les non
catholiques les modifications nécessaires pour autoriser les mariages
mixtes, admettre lesdits non catholiques dans toutes les charges et emplois
sans distinction, et leur accorder tous les droits de citoyen, sans aucune
exception autre que celle de l'exercice public de leur culte et prédication
de leur doctrine ; qu'on restituera aux héritiers les biens de leurs
ancêtres en justifiant des titres de leurs droits, cette restitution ne
devant porter que sur les biens encore entre les mains du fisc.
Que pour prévenir les inconvénients de la multiplicité des fêtes, elles seront toutes supprimées et leur célébration remise au dimanche suivant.
CHAPITRE V. |
Que l'on effectuera le reculement des douanes aux
frontières, et que les droits d'entrée et de sortie seront réglés par le
plus grand avantage du commerce.
Que l'on ordonnera la suppression de tous privilèges
exclusifs relatifs au commerce et des jurandes et maîtrise pour tous arts
et métiers ; réserve néanmoins de statuer sur les privilèges des
compagnies dont l'établissement peut être lié avec la politique de
l'Europe, et de concilier la suppression des privilèges particuliers avec
la justice due à ceux qui les ont acquis à titre onéreux.
Que l'on s'occupera de tous les moyens propres à
encourager l'agriculture et qu'on la délivrera des entraves, des
privilèges exclusifs de la garde des étalons ; pourquoi l'on supprimera
cette partie du service des haras.
Que dans les moyens principaux de favoriser
l'agriculture, on envisagera la population des campagnes, dont le
dépérissement est trop marqué, dans le prix des salaires.
Que pour rendre la propriété et l'exploitation des
biens libres de toute entrave, on ordonnera la faculté de rembourser, sur
les évaluations et à des taux dont les règles seront invariablement
fixées, les rentes foncières, terrages, champarts et redevances, de
quelque nature qu'elles soient ; qu'il en sera de même des dîmes
inféodées, excepté les droits de cens et lods, ventes, quint et requint ;
qu'il sera néanmoins statué que le cens ne pourra excéder un sou par
arpent et que ceux de lods et ventes ne pourront jamais excéder le
douzième du prix de l'acquisition, sans pouvoir exercer le droit de
retenue, défaut ni amende.
Que l'on opérera pareillement la suppression de tous
droits des domaines royaux et seigneuriaux contre les communautés
d'habitants et l'universalité des censitaires, et droits occasionnels
contre tous particuliers passant ou séjournant dans les terres, comme droit
de grurie, de solidité de masure, de banalités, de minages, droits publics
exclusifs, péages, vente exclusive de viande, vin et denrées, servitudes
personnelles et réelles dues à cause desdits domaines, telles qu'elles
soient, sauf néanmoins le remboursement, qui sera également fixé, de tous
ceux desdits droits dont on justifiera les titres ou possessions valables,
lequel remboursement pourra être fait par les communes en corps, en
observant, pour le droit de grurie, qu'il sera converti en une prestation
annale en argent proportionnellement au prix du bois exploité jusqu'à
présent.
Que l'on demandera avec instance la suppression des taxes
exorbitantes accordées aux commissaires à terrier par lettres patentes du
21 août 1786 ; on établira des règles fixes pour assurer la fidélité du
service des meuniers et la fixation des droits de mouture.
Que, pour l'avantage et le bien des peuples des
campagnes, on avisera aux moyens de procurer partout des établissements de
chirurgiens, sages-femmes et artistes vétérinaires instruits et occupés
exclusivement de ces professions.
Que l'on donnera des soins et prescrira des règles
particulières pour les chemins vicinaux dans les campagnes, en donnant aux
municipalités les moyens de pourvoir à leur réparation et entretien ; que
les entreprises, établissements, et édifices dont l'utilité n'est ni
pressante, ni publique et dont les fonds sont faits par l'État, seront
suspendus.
Qu'on pourvoira à la suppression des capitaineries comme
d'un droit destructif de toute propriété, sauf celle qui plaira au Roi de
se réserver pour ses plaisirs.
Qu'on avisera à prévenir tous les abus oppressifs résultant du droit de
chasse, et qu'il sera permis à tout particulier de défendre sa propriété
des ravages des bêtes fauves, en y tendant des lacets et pièges.
Qu'on remettra en vigueur les lois qui défendent aux gardes des seigneurs
de porter des armes à feu ; seulement ceux-ci pourront avoir un garde
giboyeur, mais qui ne pourra dresser aucun procès-verbal, ni même y
coopérer, et les procès-verbaux contre les délits, que les premiers
pourront dresser, devront pour avoir foi en justice, être faits et signés
par deux d'entre eux.
Qu'il sera permis à chaque propriétaire de pêcher dans les rivières et
ruisseaux vis-à-vis de son terrain et de jouir des eaux sans nuire aux
droits des autres riverains et sans en interrompre le cours.
Que la propriété ainsi régénérée d'après les
présentes doléances étant sacrée, et nul ne pouvant être obligé d'en
faire le sacrifice, si ce n'est pour l'avantage public, il sera statué
qu'on ne pourra s'emparer même sous ce prétexte d'un terrain tel qu'il
soit, si ce n'est en faisant préalablement l'évaluation, d'accord avec le
propriétaire, auquel il sera payé un prix convenu ou arbitré par le juge
du lieu avant de pouvoir en être dépouillé.
Qu'on s'occupera de prévenir les banqueroutes aussi multipliées que frauduleuses qui ont eu lieu depuis quelques années, et qu'à cet effet les lois rendues sur cet objet seront remises dans la plus grande vigueur ; ramener les droits de tenir colombier et volière à l'observation des anciennes ordonnances qui défendent de laisser les pigeons libres au temps des semences, récoltes des grains et même comprendre le droit seigneurial de colombier dans les droits à abolir en indemnisant.
Rédigé par nous,
commissaires soussignés.
Signé sur la minute : Gille de la
Jacqueminière, Leboys des Gays, Gastellier, Badenier de la Perrière, Bazille,
Leclerc, Roux des Florins, Raige, Ragon, Dessessarts, Totelle, Morisset du
Bréan, Gaillard, Gaudet, Cuissard, Le Maigre, de Saint-Maurice, Chaperon des
Tranchans, Rougier de la Bergerie, Rabelleau, Boucheny, L.-B. Cotelle, Julien,
Happard, Meslier, président du tiers des baillages de Montargis et Lorris ;
Aubessin, procureur du Roi, et Billault, secrétaire-greffier.
Ladite minute cotée et paraphée en
toutes ses pages par mondit sieur Meslier, président.
BILLAULT, secrétaire-greffier.
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