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Le siège de Montargis en 1427
vu par Anquetil dans son
"Histoire de France"

Gaillardin s'emparant de la bannière de Warwick, par A. R. Ravault

La monumentale "Histoire de France" de Louis-Pierre Anquetil (1723-1806), curé de Château-Renard, fait autorité dans sa description, presque au jour le jour, des événements. On trouvera ici l'extrait qui concerne le siège de Montargis. Anquetil, pourtant, n'est pas à l'abri des confusions entre faits avérés et faits légendaires, comme le font déjà ses sources du XVIIe siècle. On trouvera un travail véritablement historique sur le sujet sous la plume de Daniel Cornet dans le livre édité par la S.E.M. Le siège de Montargis.
On lira, sur le même sujet, l'article de
Millon de Montherlant, écrit en 1898.


Vers ce temps les Anglais essuyèrent un échec mortifiant devant Montargis, et de cette époque leur fortune commença à décliner. Le courage et l'intelligence des habitants prolongeaient depuis trois mois le siège que le comte de Warwick avait mis devant cette ville, lorsque les vivres commencèrent à leur manquer. Ils parvinrent à faire connaître au roi leur détresse, et sollicitèrent des secours et un convoi. Au refus du connétable, qui trouva l'expédition au-dessous de lui, le jeune comte de Dunois, âgé alors de vingt-quatre ans, en fut chargé. On lui donna seize cents hommes et La Hire. Chacun de leur côté ils essaient de forcer deux des quartiers ennemis qui, séparés par des bras de rivières, étaient réunis par des ponts de communication. Le succès répond à leur audace, et les fuyards se pressaient vers le quartier de leur général, lorsque tout à coup une crue d'eau extraordinaire intercepte leur fuite, couvre ou emporte les ponts, submerge les quartiers, et place Warwick dans l’impossibilité de secourir les siens, qui, pour la plupart, furent noyés. Ce déluge inattendu était un nouvel expédient des as­siégés qui l'avaient procuré par la rupture des chaussées de divers étangs supérieurs. Le comte de Warwick s'estima heureux de pouvoir se retirer en bon ordre; et le siége fut levé lorsque les espérances des Français se bornaient à l'introduction d'un convoi. En recon­naissance de la valeur et de la fidélité des habitants, le roi leur accorda deux foires, les déchargea ô perpétuité de la taille, voulut que leur ville portât le nom de Montargis-le-Franc, et lui donna pour armes les let­tres initiales de ce nom au milieu de l'écusson de France.

Les habitants de Montargis se saisirent en cette occasion d'un drapeau aux armes de Warwick, extrêmement riche, de broderie en or et en argent, qui a été conservé dans leur ville jusqu'à l'époque de la révolution. Tous les ans il reparaissait au 5 septembre, jour où des actions de grâces solennelles, des réjouissances et des évolutions mili­taires rappelaient la défaite des Anglais. En 1792, la vertige qui avait saisi toute la France fit naître le scrupule de triompher de la terre classique de la liberté ; ainsi nommait-on l'Angleterre alors. Orléans, en conséquence, renversa la statue de la Pucelle, et Montargis brûla son drapeau. Six mois après les deux nations étaient en guerre. L'heureuse mémoire d'un amateur distingué de cette ville, M. R**, a reproduit ce monument dans un tableau allégorique de la levée du siège. Depuis, et de concert avec M. Girodet, son compatriote et son ami, il s'est empressé, pendant la démolition du château de la même ville, de dérober à l'oubli du temps les derniers vestiges, de la somptuosité modeste de Charles V.

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